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perte non permanente impermanent loss

Notion de finance décentralisée (DeFi) correspondant à une perte potentielle pour le titulaire d’une paire de cryptoactifs réunis dans un pool créé par un protocole de DeFi, du fait de sa participation dans le pool en tant que fournisseur de liquidité (liquidity provider, souvent abrégé « LP ») des cryptoactifs concernés à disposition d’autres investisseurs. La fourniture de ces cryptoactifs permet alors à ce titulaire de recevoir une commission dépendant du nombre de transactions passées dans le pool durant la durée de son apport, voire parfois également, de recevoir un ou plusieurs token(s) natifs du protocole de DeFi concerné*).

Cette perte potentielle est liée à la variation du taux de change entre la paire des cryptoactifs contenus dans le pool de liquidité concerné. Plus l’écart entre le prix d’un cryptoactif (par rapport à l’autre) au moment de son apport dans le pool et son prix actuel est grand, plus son fournisseur est exposé à un impermanent loss. A l’instar de la finance traditionnelle, cette perte est ainsi qualifiée de « non permanente » car elle n’est en réalité réalisée que si le fournisseur (de liquidité des cryptoactifs contenus dans le pool) retire ceux-ci au moment d’une moins-value. Si le cours du cryptoactif concerné remonte à son prix initial avant le retrait, moyennant ici la prise en compte de toute commission éventuelle, il n’y aura donc pas de perte.

Prenons ainsi l’exemple suivant dans un AMM** particulier.

A.   Situation de départ :

  1. nous partons de l’hypothèse qu’un ether (ETH) vaut CHF 4’000.- et qu’un DAI vaut CHF 1.-, ce de telle sorte à ce qu’un ETH vaille 4’000 Dai et qu’un Dai vaille 0.00025 ETH ;
  2. nous partons ensuite du principe que le pool du protocole de DeFi concerné est construit sur un rapport de valeur (CHF) de 1 contre 1 entre l’ETH et le DAI (ce qui est le plus courant) ;
  3. de même, soit ici un pool contenant 10 ETH (soit une valeur de CHF 40’000.-), celui-ci devra dès lors nécessairement contenir 40’000 Dai (soit une valeur totale de CHF 80’000.-) ;
  4. pour un fournisseur de liquidité nommé « Alice » fournissant au pool 0,1 ETH (soit une valeur de CHF 400.-) et dès lors également et simultanément 400 DAI*** (soit un apport total d’une valeur de 800.- CHF ;
  5. Alice est ainsi, par son apport, devenue titulaire de 1 % du pool ETH/DAI de cet AMM.

Examinons à présent ce premier cas de figure, soit

B.   Evolution de l’ETH à la hausse par rapport à la situation de départ (A.) :

  1. si le prix de l’ETH (sur l’ensemble des marchés, soit hors AMM) monte à 5’000.- CHF, soit 5’000 DAI, il est nécessaire, pour que la valeur du pool reste constante à CHF 80’000.-, que des arbitrageurs y retirent des ETH et y rajoutent des DAI de sorte à ce que le prix de l’ETH dans le pool corresponde toujours au prix de l’ETH sur le marché hors AMM  ;
  2. avant que les arbitrageurs**** n’agissent, il y a donc dans le pool 10 ETH à CHF 5’000.- chacun, soit CHF 50’000.-, et toujours les 40’000 Dai soit un total de CHF 90’000.-, correspondant donc à une augmentation de la valeur du pool de 11.43 % (arrondi) ;
  3. si Alice retirait ses cryptoactifs à ce moment, et toujours dans la mesure où sa participation dans le pool est de 1 %  (voir point 5. ci-dessus dans la situation de départ A.), elle recevrait le 0.1 % de la valeur du pool, soit CHF 900.- de sorte qu’elle n’aurait ici aucune perte mais au contraire un gain de 11.43 % par rapport à son apport initial de CHF 800.-*** ;
  4. en revanche, une fois que les arbitrageurs auraient agi, il y aurait désormais (et par exemple) 6 ETH et 50’000 DAI dans le pool (soit 6 * CHF 5’000.- = CHF 30’000.- et 50’000 DAI = CHF 50’000.- et par conséquent toujours un total de CHF 80’000.-) ;
  5. si c’est à ce moment qu’Alice décidait de retirer ses cryptoactifs (dans la mesure où sa participation dans le pool est encore et toujours de 1 %), elle recevrait dès lors 0.06 ETH et 500 DAI. En francs suisses, cela signifie qu’Alice recevrait une contrevaleur de CHF 300.- pour ses 0.06 ETH (0.06 * CHF 5’000.-) et 500 CHF pour ses DAI*** ;
  6. en l’espèce, après l’action des arbitrageurs, Alice n’aurait rien perdu de la valeur globale de son apport initial (soit CHF 800.-). En revanche, si Alice n’avait pas mis ses 0,1 ETH et 400 Dai dans le pool, elle aurait aujourd’hui une valeur de CHF 900.- (soit 0.1 ETH sur une nouvelle valeur de l’ETH à 5’000.-, c-à-d CHF 500.-, et CHF 400.- pour ses 400 Dai) et donc un gain de 100.-***.

Par conséquent l’action des arbitrageurs lui a fait subir une perte. Or, c’est cette différence entre le fait d’avoir investi dans l’AMM plutôt que d’avoir gardé ses cryptoactifs en dehors de cet AMM que l’on appelle impermanent loss ou « perte non permanente ». Cela étant, il aurait été ici nécessaire de prendre en compte les éventuelles commissions qu’Alice a touchée du fait d’avoir mis de la liquidité dans le rapport ETH/DAI, ce qui pourrait éventuellement la rapprocher des CHF 900.- qu’elle aurait désormais comme valorisation de ses cryptoactifs si elle n’avait pas investi dans l’AMM.

Examinons à présent la situation inverse, à savoir,

C.   Evolution de l’ETH à la baisse par rapport à la situation de départ (A.) :

  1. soit à présent un ETH à CHF 3’000.- ou 3’000 DAI, il est nécessaire, pour que la valeur du pool reste constante à CHF 80’000.-, que les arbitrageurs y ajoutent des ETH et y retirent des Dai ;
  2. avant que les arbitrageurs n’agissent, il y a donc 10 ETH à CHF 3’000.- chacun, soit CHF 30’000.- et toujours les 40’000 Dai soit un total de CHF 70’000.-, correspondant à une diminution de la valeur du pool de 11.43 % ;
  3. si Alice retirait ses cryptoactifs à ce moment, et toujours dans la mesure où sa participation dans le pool est de 1 %, elle recevrait le 0.1 % de la valeur du pool, soit CHF 700.- de sorte que sa perte serait ici permanente ;
  4. en revanche, une fois que les arbitrageurs auraient agi, il y aurait désormais (et par exemple) 15 ETH et 35’000 DAI dans le pool (soit 15 * CHF 3’000.- = CHF 45’000.- et 35’000 DAI = CHF 35’000.- soit par conséquent toujours un total de CHF 80’000.-) ;
  5. si Alice décidait à présent de retirer ses cryptoactifs, elle recevrait 0.15 ETH et 350 DAI. En francs suisses, cela signifie qu’Alice recevrait une contrevaleur de CHF 450.- pour ses 0.15 ETH (soit 0.15 * CHF 3’000.-) et 350.- CHF pour ses DAI***, donc toujours un total de CHF 800.- ;
  6. ici non plus, Alice n’aurait rien perdu de la valeur globale de son apport initial. En revanche, si Alice n’avait pas mis ses 0.1 ETH et 400 DAI dans le pool, elle aurait aujourd’hui une valeur de CHF 700.- (soit 0.1 ETH sur une nouvelle valeur de l’ETH à 3’000.-, c-à-d CHF 300.-, et CHF 400.- pour ses 400 DAI) et donc une perte de 100.-***.

L’impermanent loss est donc bien une notion temporaire, pouvant se produire dans un protocole de DeFi de type AMM, dépendant à la fois 1) du moment de la décision du fournisseur de liquidité de retirer sa paire de cryptoactifs du pool d’investissement de l’AMM considéré – alors que l’un de ces cryptoactifs évolue à la hausse ou à la baisse sur les marchés -, comme 2) de la rapidité d’action des arbitrageurs dans un tel protocole.

* sur la notion de token natif d’un protocole (ou token de gouvernance), voir la note des auteurs sous « jetons » et le point 2. « distributeurs automatiques (AMM, pour Automatic Market Makers) » dans l’entrée finance décentralisée (DeFi).

** sur la notion d’AMM, voire également le point 2. « distributeurs automatiques (AMM, pour Automatic Market Makers) » dans l’entrée finance décentralisée (DeFi).

*** en réalité, dans la meure où elle utilise le protocole, Alice devra verser légèrement plus que le prix du marché des DAI pour 1 ETH lors de son apport et respectivement, recevra moins de DAI lors de son retrait. Il s’agit là des commissions d’entrée et de sortie du protocole, point que nous ne mentionnons toutefois pas dans notre exemple.

**** sur la notion d’arbitrageurs, voir les entrées finance décentralisée (DeFi) et DAI.

Depierre/Lapinte/Morin/Reymond, Lexique de la blockchain, https://cdbf.ch/lexique/perte-non-permanente-impermanent-loss/, 7 mars 2024.
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