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Offre publique d’échange

La soulte selon l’art. 105 LFus à la lumière de la Best Price Rule

La Best Price Rule doit-elle s’appliquer aux soultes fixées par les tribunaux en application de l’art. 105 LFus ? C’est à cette question notamment que la Commission des OPA (COPA) a récemment répondu par l’affirmative dans une décision 756/01 dans l’affaire Pargesa Holding SA en marge d’une offre publique d’échange.

Pargesa Holding SA (ci-après : Pargesa) est une société dont les actions au porteur sont cotées auprès de SIX Swiss Exchange. L’actionnaire majoritaire de Pargesa est Parjointco N.V. (ci-après : Parjointco) qui détient 55,36 % de son capital et 75,45 % de ses droits de vote. Pargesa détient quant à elle une participation à hauteur de 50 % du capital et 50,8 % des droits de vote de la société Groupe Bruxelles Lambert (ci-après : GBL), cela indirectement par l’intermédiaire d’une filiale.

Afin de simplifier la structure du groupe Pargesa entre autres, il a été décidé de transférer l’actionnariat public de Pargesa vers GBL afin de procéder à la décotation des titres au porteur de Pargesa. À cette fin, Parjointco établirait dans un premier temps une nouvelle société anonyme en Suisse (ci-après : l’offrant) dont elle détiendrait l’intégralité des actions. L’offrant achèterait une partie de la participation de Pargesa dans GBL afin de désintéresser les actionnaires de Pargesa au moyen d’une offre publique d’échange conditionnée à la détention par Parjointco et ses filiales, à l’issue de l’offre, d’au moins 90 % des droits de vote de Pargesa. En cas de succès de l’offre, l’offrant absorberait finalement Pargesa en procédant à une fusion par indemnisation selon les art. 8 al. 2 et 18 al. 5 LFus. Les actionnaires minoritaires restants à ce stade seraient quant à eux désintéressés par la remise d’un droit à se faire remettre un nombre d’actions GBL correspondant à celui offert dans le cadre de l’offre publique d’échange précitée.

La COPA doit ainsi se prononcer sur l’application de la Best Price Rule à une opération de fusion par indemnisation et plus particulièrement à une éventuelle soulte fondée sur l’art. 105 LFus. Pour rappel, la Best Price Rule est ancrée aux art. 10 al. 1 et 8 al. 3 let. d OOPA, selon lesquels dès la publication de l’offre respectivement l’annonce préalable et pendant les six mois suivant l’échéance du délai supplémentaire, l’offrant acquérant des titres à un prix supérieur à celui de l’offre doit étendre ce prix à tous les destinataires de l’offre.

Quant à elle, l’action en examen des parts sociales et des droits de sociétariat selon l’art. 105 LFus permet aux actionnaires se considérant lésés par l’opération de fusion de saisir le juge afin qu’il en réforme les termes. Dans tel cas, le juge peut être amené à condamner les sociétés parties à l’opération au versement d’une indemnité (soulte) aux actionnaires lésés par un rapport d’échange ou dédommagement jugés inadéquats.

À titre préliminaire, la COPA rappelle sa pratique sur l’application de la Best Price Rule aux fusions par indemnisation développée dans sa recommandation 220/02 dans l’affaire Maag Holding AG. Lorsque le contrat de fusion est conclu dans les six mois suivant l’échéance du délai supplémentaire d’acceptation, la fusion s’inscrit dans le champ d’application de la Best Price Rule afin de garantir l’égalité de traitement entre les actionnaires (consid. 1.2.1.3). Le rapport d’échange proposé dans le cadre de la fusion par indemnisation doit ainsi être identique à celui proposé dans l’offre publique d’échange préalable.

Dans un second temps, afin de trancher la question de l’application de la Best Price Rule à la soulte, la COPA se réfère à sa décision 730/01 dans l’affaire Alpiq Holding AG. Sans pour autant avoir tranché la question, il avait été établi que la Best Price Rule devait trouver application dans l’hypothèse d’une soulte portant sur un contrat de fusion par indemnisation conclu dans les six mois suivants l’échéance du délai supplémentaire d’acceptation, cela afin de garantir l’égalité de traitement entre l’intégralité des actionnaires indépendamment de leur qualité de partie à la procédure prévue à l’art. 105 LFus.

En se ralliant à son obiter dictum, la COPA réfute par la même occasion, avec une argumentation convaincante, trois arguments principaux soutenus par Parjointco et par la doctrine afin de s’opposer à l’application de la Best Price Rule aux soultes.

Un premier argument concerne le caractère unilatéral et contraignant d’une décision judiciaire. En effet, il était soutenu que l’essence même de la Best Price Rule repose sur la volonté de l’offrant d’acquérir des titres de participation à un prix supérieur à celui proposé dans le cadre de l’offre, prenant à cette occasion une décision consciente d’étendre un tel prix à l’intégralité des actionnaires ayant répondu à son offre. Une décision judiciaire échappant par essence au contrôle de l’offrant, celle-ci ne devrait pas être soumise à la Best Price Rule. La COPA réfute cette argumentation en rappelant que, bien que l’offrant ne puisse exercer un contrôle sur une décision judiciaire, cette dernière trouve son fondement dans le contrat de fusion lequel a été librement convenu entre les parties à la transaction.

Le même raisonnement peut être appliqué mutatis mutandis à l’argument selon lequel la soulte échapperait au contrôle de la Best Price Rule car elle ne constitue pas un prix d’acquisition. Cela car aussi bien l’indemnité perçue suite à une fusion par indemnisation que la soulte fixée par le juge trouvent leur fondement dans le contrat de fusion. La soulte correspondant à une correction pécuniaire, elle se doit de suivre le même sort que l’indemnité contestée.

Un dernier argument soulevé porte sur le fait que, dans l’hypothèse du versement d’une soulte, celle-ci n’interviendrait qu’après le délai de six mois de l’art. 10 al. 1 OOPA. Toutefois, la COPA rappelle que l’élément pertinent n’est pas le jour du versement de la soulte mais celui de la conclusion du contrat de fusion.

Dès lors, la COPA place en main de l’offrant le risque de devoir étendre le versement d’une éventuelle soulte à l’intégralité des actionnaires en cas de conclusion d’un contrat de fusion dans le délai de 6 mois fixé par l’art. 10 al. 1 OOPA.