Contrat de travail
Quel délai pour fournir une référence à un employé ?

Roxane Pedrazzini
Dans l’arrêt 4A_493/2024 du 17 juin 2025, le Tribunal fédéral conclut que l’employeur est tenu de fournir une référence, en complément d’un certificat de travail, à l’employé qui en fait la demande. Toutefois, il s’abstient de fixer un délai précis pour s’exécuter, lequel dépendra des circonstances concrètes du cas d’espèce.
L’employé travaille depuis février 2011 au sein d’une banque à Zurich. Cette dernière licencie l’employé le 2 décembre 2014 après avoir fait face à des procédures réglementaires en Suisse, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis qui se sont clôturées par des condamnations en novembre 2014. La FINMA ouvre ensuite des procédures d’enforcement séparées contre onze employés de la banque zurichoise. Ce n’est pas précisé si l’employé est visé par l’une de ces procédures.
Le 1er juin 2015, l’employé déménage à l’étranger et conclut un nouveau contrat de travail avec une banque, avec une prise de fonction prévue le 3 août 2015, sous condition de l’obtention d’une référence de son ancien employeur. La banque zurichoise ne fournit pas la référence demandée et l’employé ne peut donc pas prendre ses fonctions. L’employé est finalement engagé par une autre banque en septembre 2016 et réclame à son ancien employeur le manque à gagner subi entre août 2015 et septembre 2016.
L’Arbeitsgericht de Zurich fait droit à la demande en paiement de l’employé, mais ce jugement est annulé par l’Obergericht sur recours de la banque. L’employé porte donc l’affaire devant le Tribunal fédéral.
Dans cette affaire, le Tribunal fédéral est appelé à se prononcer sur l’existence d’un devoir de l’employeur de fournir une référence à son employé, en complément d’un certificat de travail, ainsi que sur le délai dans lequel il doit s’exécuter.
Le Tribunal fédéral relève tout d’abord que si le devoir de l’employeur de remettre un certificat de travail est prévu expressément par la loi (art. 330a CO), ce n’est pas le cas d’une référence. Cependant, ce devoir découle de l’obligation (post-)contractuelle de l’employeur de protéger la personnalité de l’employé et de favoriser son avenir économique. L’employeur est ainsi tenu de fournir une référence à la demande du travailleur pour autant que cela ne soulève pas de difficulté particulière. Le Tribunal fédéral précise que les références doivent compléter le certificat de travail sans le contredire. En outre, la délivrance de telles références constitue un traitement de données personnelles soumis au consentement du travailleur, conformément à l’art. 328b CO et à la LPD.
En l’espèce, le Tribunal fédéral considère que l’Obergericht n’a pas établi les faits de manière inexacte et n’a pas violé le droit fédéral.
Certes, la requête de l’employé constituait une demande de référence dès lors que son contenu sortait du cadre du certificat de travail. De fait, la référence demandée impliquait une garantie implicite que l’employé n’avait aucun antécédent en lien avec ses activités financières et qu’il remplissait les conditions requises pour obtenir le statut de « FCA Approved Person », conformément aux exigences de l’autorité de surveillance anglaise. Selon le Tribunal fédéral, cette requête a été sollicitée le 6 juillet 2015 et son contenu exact a été précisé le 3 août 2015.
Sur le principe, l’employeur est tenu de fournir une référence à la requête de l’employé. Toutefois, en l’espèce, l’employé a renoncé à cette référence de manière définitive le 14 août 2015. En effet, la banque a informé l’employé le 13 août 2015 qu’elle n’était pas en mesure de fournir la référence sollicitée en raison de ses directives internes RH. Par conséquent, la renonciation de l’employé exprimée dans son courriel du 14 août 2015 peut valablement être interprétée comme une acceptation du refus de la banque, respectivement une renonciation définitive. Ainsi, dès le 14 août 2015, la banque n’était plus tenue de fournir la référence demandée et ne disposait plus du consentement de l’employé requis.
Pour le surplus, il ne ressort pas des faits établis que l’employé aurait renouvelé sa demande entre le 14 et le 20 août 2015, date du retrait de l’offre d’emploi, ni que le refus de la banque aurait joué un rôle déterminant dans le retrait de ladite offre.
Il reste à déterminer si la banque zurichoise a manqué de diligence dans le traitement de la requête formulée par l’employé. A cet égard, le Tribunal fédéral relève que le délai dans lequel un employeur doit fournir un certificat de travail ou une attestation de travail ne ressort pas expressément de la loi et qu’il n’a pas encore tranché cette question qui fait l’objet de débats doctrinaux.
En particulier, à défaut d’autres dispositions, l’art. 75 CO imposerait à l’employeur de fournir immédiatement un certificat de travail ou une référence à l’employé qui en fait la demande. Le Tribunal fédéral temporise toutefois en considérant que le délai dépend des circonstances concrètes, à savoir notamment de la complexité de la demande, la taille de l’entreprise et de la durée de la relation de travail.
En l’espèce, le Tribunal fédéral retient que la demande de référence, dans sa version définitive, a été formulée le 3 août 2015. Ainsi, un délai de dix jours pour refuser de la fournir n’était pas excessif au vu de la sensibilité de la demande, du caractère international de l’affaire, de la complexité des responsabilités internes de la banque et des problèmes de communications évidents. Par conséquent, la banque n’a pas violé ses obligations post-contractuelles et le recours de l’employé doit être rejeté.
Certes, cet arrêt confirme l’obligation imposée à l’employeur de fournir une référence en complément du certificat de travail. Il est toutefois regrettable que le Tribunal fédéral n’ait pas saisi cette occasion pour fixer de manière plus précise le délai applicable à la remise d’un certificat de travail et d’une référence. Une clarification aurait été bienvenue, compte tenu de l’importance de ces documents pour l’accès à l’emploi. La fixation d’un délai minimal, ajustable selon la complexité du cas, aurait pu constituer un compromis.
Enfin, le raisonnement sur la durée du délai d’exécution dans le cas d’espèce est discutable. En effet, la finalité de la demande de référence semblait claire dès l’origine vu le contexte réglementaire auquel la banque était confrontée. Il aurait par ailleurs été utile que le Tribunal fédéral se prononce sur le fond de la demande, notamment sur l’éventuelle obligation d’une banque employeuse de renseigner une autre banque sur l’existence de procédures réglementaires à l’encontre d’un employé. Or, cette question n’a pas été examinée, faute de motivation suffisante de l’employé à cet égard.