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Une société peut devoir présenter une OPA sur ses propres actions

Dans une recommandation du 6 décembre 2007 la Commission des offres publiques d’acquisition (COPA) a constaté que deux sociétés proches du financier russe Victor Vekselberg agissent de concert avec Sulzer AG (Sulzer) pour contrôler cette dernière société. Les trois sociétés ont par conséquent l’obligation de présenter une offre publique d’acquisition aux actionnaires minoritaires de Sulzer si elles acquièrent ensemble plus du tiers des droits de vote de cette société. Les actions propres détenues par Sulzer doivent être prises en compte pour juger si le seuil de 33 1/3 % des droits de vote a été franchi.
C’est la première fois que la COPA retient qu’un émetteur puisse agir de concert avec ses actionnaires pour assurer son propre contrôle, et puisse par conséquent avoir l’obligation de présenter une offre à ses propres actionnaires.
Le contexte de l’affaire est le suivant : après une longue confrontation, Everest Beteilingungs GmbH (Everest) et l’un de ses actionnaires indirects, Renova Industries Ltd (Renova) – deux sociétés proches de Victor Vekselberg – sont parvenues à un accord avec Sulzer le 10 octobre 2007. La convention prévoit pour l’essentiel l’inscription d’Everest au registre des actions de Sulzer comme actionnaire avec droit de vote pour l’ensemble des actions Sulzer qu’elle détient (soit environ 18 % des droits de vote), et la convocation d’une assemblée générale extraordinaire de Sulzer ayant pour objet de faire élire deux représentants de Renova/Everest au conseil d’administration de la société. En contrepartie, Renova et Everest s’engagent, jusqu’au 31 mai 2009, à ne pas voter en faveur d’une éventuelle combinaison de Sulzer et d’OC Oerlikon Corporation AG, à ne pas augmenter leur participation à plus du tiers du capital de Sulzer sans l’accord du conseil d’administration de cette société, à ne pas présenter d’OPA hostile aux actionnaires de Sulzer, à voter en faveur de la reconduction du mandat des administrateurs de Sulzer dont le mandat viendra à échéance en 2008, et à ne pas demander la révocation des autres administrateurs. La violation du contrat par Renova ou Everest permet à Sulzer de retirer le droit de vote à ces deux sociétés jusqu’à la fin du mois d’août 2009. La convention devient caduque si elle est violée par Sulzer ou l’un de ses administrateurs.
La COPA a considéré que l’accord entre Everest, Renova et Sulzer a été conclu « pour contrôler » la société, et constitue donc un accord caractéristique d’une action de concert au sens des dispositions relatives à l’offre obligatoire (art. 32 LBVM). Chacun des trois « concertistes » est donc tenu de présenter – ou de faire présenter – une offre aux actionnaires minoritaires de la société si leur participation consolidée dans Sulzer dépasse le tiers des droits de vote. Les actions propres détenues par Sulzer doivent être prises en compte pour ce calcul. Le fait que le droit suisse interdise en principe à une société anonyme cotée en bourse de détenir plus de 10 % de son propre capital n’affecte pas cette conclusion. Selon la COPA, il appartient aux émetteurs d’éviter de créer une situation dans laquelle ils auraient l’obligation de présenter une offre que le droit des sociétés leur interdit de publier.
Cette recommandation de la COPA semble appelée à jouer un rôle important en pratique. L’expérience récente offre plusieurs exemples de situations dans lesquelles des sociétés cotées ont cherché à influencer la position de leurs principaux actionnaires sur des thèmes tels que la composition du conseil d’administration ou d’autres questions stratégiques. La multiplication des tentatives de prise de contrôle hostiles des dernières années a donné une importance particulière à cette pratique. La recommandation Sulzer de la COPA y met cependant une cautèle importante, en attirant l’attention sur le fait que de tels accords peuvent – selon les circonstances – donner naissance à des obligations d’offre. L’Instance pour la publicité des participations du SWX est apparemment aussi parvenue à une conclusion semblable en matière de publicité des participations. On peut s’attendre à ce que beaucoup d’émetteurs préfèrent ne pas être perçus comme « agissant de concert » avec leurs principaux actionnaires, pour ne pas créer une perception de manque d’indépendance à l’égard de personnes dont les intérêts ne s’identifient pas nécessairement avec ceux de la société.