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Entraide administrative CH-USA

La Task Force Entraide USA sanctionnée pour une violation du droit d’être entendu

Le 21 septembre 2010, le Tribunal administratif fédéral a rendu un arrêt (A-4936/2010) sanctionnant une violation du droit d’être entendu dans le cadre des procédures d’entraide menées par la Task Force Amtshilfe USA de l’administration fédérale des contributions (« AFC »). Le recourant n’avait en effet jamais été informé de l’ouverture de la procédure d’entraide administrative à son encontre.
Dans le cadre de l’accord conclu le 19 août 2009 (« Accord 09 ») entre la Confédération suisse et les Etats-Unis, la Suisse s’est engagée à traiter la demande d’entraide américaine portant sur environ 4’450 comptes ouverts auprès d’UBS SA (« UBS ») dans les délais convenus, et a constitué une task force à cet effet. La Suisse s’engageait à accorder l’entraide administrative aux Etats-Unis selon les critères établis dans l’Annexe à l’Accord 09.
A réception de la requête des Etats-Unis, l’AFC a requis d’UBS qu’elle lui transmette les dossiers complets des clients tombant sous l’annexe à l’Accord 09. Le recourant faisait partie des clients visés par cette requête et son dossier a dès lors été transmis par UBS à l’AFC. Cette dernière a considéré que les critères fixés dans l’Annexe à l’Accord 09 étaient remplis et a rendu une décision octroyant l’entraide administrative. Or le recourant n’a jamais été informé de l’ouverture de la procédure à son encontre, ni par UBS, ni par l’AFC, et n’a donc jamais pu faire valoir ses arguments auprès de l’AFC. Il n’a eu connaissance de la procédure d’entraide qu’une fois la décision rendue. Par conséquent, il a interjeté recours contre cette décision en invoquant, notamment, la violation de son droit d’être entendu.
Le TAF a d’abord rappelé la portée du droit d’être entendu, incluant notamment le droit pour le justiciable de s’expliquer et de fournir des preuves ainsi que de participer à leur administration avant qu’une décision ne soit prise à son encontre, mais encore le droit de consulter le dossier, expressément garantis par l’art. 26 PA. Enfin, le TAF a rappelé la nature formelle de ce droit qui, en cas de violation, entraîne l’annulation de la décision viciée si le vice n’a pas pu être guéri au cours de la procédure.
In casu, l’autorité intimée, soit l’AFC, a reconnu qu’elle n’était pas en mesure de prouver que le recourant avait effectivement été informé par UBS de la transmission de son dossier à l’AFC dans le cadre de la demande d’entraide des Etats-Unis. L’AFC prétendait cependant que le recourant était informé puisque de nombreux articles de presse avaient été publiés aux Etats-Unis quant à la demande de renseignements américaine. Le TAF relève que les publications dans la presse américaine ne sont à l’évidence pas suffisantes puisque le recourant ne pouvait savoir qu’il était personnellement concerné par cette procédure d’échange de renseignements.
Par conséquent, dans la mesure où le recourant n’a pas été informé de l’ouverture de cette procédure à son encontre et n’a pas pu faire valoir ses moyens, le TAF a constaté la violation du droit d’être entendu et a annulé la décision de l’AFC. En effet, le TAF a relevé que le droit d’être entendu n’avait été respecté à aucun stade de la procédure devant l’autorité intimée et n’avait donc pu être réparé dans le cadre de la procédure de première instance. Quant à une guérison du vice devant l’autorité de recours, le TAF a considéré qu’elle n’était pas admissible au regard de l’équité et de l’égalité des armes puisque le recours au TAF n’est pas précédé d’une réclamation ou d’une autre voie de recours et ne peut faire l’objet d’un recours subséquent, l’arrêt du Tribunal administratif fédéral étant définitif (art. 83 let. h LTAF).
Cette décision relève l’importance du respect des droits procéduraux des justiciables et doit donc manifestement être approuvée. L’on relèvera par ailleurs que c’est à l’AFC qu’il incombait de s’assurer du respect du droit d’être entendu de la personne concernée et de l’informer de la procédure ouverte à son encontre (art. 20a de l’Ordonnance concernant la Convention de double-imposition américano-suisse du 2 octobre 1996). De plus, quand bien même le justiciable n’a pas été informé dès l’ouverture de la procédure qui le vise, ce vice peut être réparé par l’AFC pour autant que l’information ait été transmise au justiciable et qu’il ait pu faire valoir ses droits avant le prononcé de la décision par l’AFC. Enfin, le TAF se fait une fois de plus le gardien de l’ordre juridique suisse dans le cadre de l’application délicate de l’Accord 09. Ainsi, dans cet arrêt, il veille au respect des garanties procédurales suisses après avoir déjà limité la portée de l’Accord 09 dans un arrêt du 21 janvier 2010 qui a entraîné les conséquences que l’on connaît (commenté par Frédéric Neukomm dans l’Actualité n° 669). Le TAF avait alors retenu que l’application de l’Accord 09 devait demeurer à l’intérieur du cadre fixé par la Convention de double-imposition dont il dépendait et ne pouvait dès lors s’appliquer aux cas de soustractions d’impôts, mais uniquement de fraude fiscale.