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Arrêt du TAF

Remboursement de l’impôt anticipé dans le cadre de contrats de « total return swap »

En vertu d’un contrat de « total return swap » (ci-après « TRS »), une des parties à l’accord s’engage à verser la totalité de la performance d’un titre (par exemple une action) en échange de la promesse de recevoir la totalité de la performance d’une autre valeur (par exemple une obligation).
Dans le cas particulier de l’arrêt du TAF n° A-6537/2010, la société danoise recourante avait conclu des TRS par lesquels elle s’obligeait à reverser à ses contreparties un montant correspondant à la performance de certains titres de sociétés suisses. Afin de couvrir le risque lié aux TRS, la société danoise a systématiquement acquis les titres suisses sous-jacents aux TRS. En conséquence, la société danoise recevait les dividendes de sociétés suisses en même temps que naissait l’obligation de faire un paiement d’un montant correspondant à sa contrepartie au TRS.
Par la conclusion d’un TRS, la contrepartie de la société danoise pouvait donc bénéficier de la performance de titres suisses sans subir de prélèvement d’impôt anticipé puisque la société danoise lui remettait le montant correspondant au dividende sans déduction de l’impôt anticipé.
La société danoise a demandé le remboursement de l’impôt anticipé qu’elle avait subi sur différentes années. La demande de remboursement était fondée sur l’article 10 de la Convention du 23 novembre 1973 entre la Confédération suisse et le Royaume du Danemark en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (ci-après la « Convention ») dans sa teneur avant le protocole de modification du 21 août 2009. L’article 10 de la Convention prévoyait un droit au remboursement intégral de l’impôt à la source sur les dividendes prélevés par un Etat contractant au détenteur des titres résident de l’autre Etat contractant (cf. article 10 al. 1). La Convention ne prévoyait aucune exigence expresse quant à la qualité de « bénéficiaire effectif » des dividendes du requérant. De même, la Convention ne contenait aucune réserve des cas d’abus de droit.
L’administration fédérale des contributions (ci-après « l’AFC ») a refusé le remboursement en considérant que la société danoise n’était pas le bénéficiaire effectif des dividendes et qu’au surplus, la société danoise prétendait abusivement au remboursement.
En ce qui concerne la notion de bénéficiaire effectif, le TAF a confirmé qu’il convenait de considérer l’exigence pour le requérant d’être le « bénéficiaire effectif » comme implicite dans la Convention. Le TAF a toutefois admis, dans le cas particulier, que la société danoise était bien le bénéficiaire effectif. Le TAF a motivé sa position en insistant sur l’absence d’obligation légale de la société danoise de transférer le dividende à une autre personne. De même, le TAF a jugé qu’il n’existait pas, dans les faits, d’obligation de transférer le dividende perçu à une autre personne parce que :
(1) la société danoise aurait également eu, selon les termes du TRS, l’obligation de transférer un montant équivalent au dividende même si elle n’avait pas été actionnaire et n’avait donc pas perçu le dividende,
et parce que
(2) en sa qualité d’actionnaire, elle aurait perçu le dividende même en l’absence de conclusion d’un TRS.
A propos de la présence d’un cas d’abus, le TAF a reconfirmé que, même si la Convention ne contient pas de disposition « anti-abus », chaque Etat contractant peut s’attendre à ce que l’autre Etat agisse dans le respect de la bonne foi ce qui inclut la protection contre les abus ; voir à ce sujet l’arrêt du TF n° 2A.239/2005, traduit in RDAF 2006 p. 239. Dans cet arrêt, le TF a nié la possibilité pour une société danoise de se prévaloir des bénéfices de la Convention parce que la société concernée n’exerçait aucune activité économique ou commerciale et ne disposait d’aucun bureau ou personnel au Danemark (« Briefkastenfirma »).
Le TAF a retenu que la société danoise ne pouvait être considérée comme une société « boîte aux lettres » puisqu’elle dispose d’une substance importante au Danemark : elle emploie plus de 60 personnes au Danemark et possède ses propres bureaux à Copenhague. Le TAF exclut par conséquent l’abus de droit.
Sur la base de la reconnaissance de la qualité de bénéficiaire effectif des dividendes et de l’absence d’un cas d’abus, le TAF admet le recours de la société danoise et conclut à ce que l’AFC rembourse l’intégralité de l’impôt anticipé prélevé sur les dividendes de sociétés suisses.
L’AFC peut recourir contre la décision du TAF au TF. Cas échéant, le TF devra trancher si l’abus est limité – dans le contexte particulier de cette Convention – aux cas dans lesquels la société est dépourvue de « substance » au lieu de son siège ou si cette notion est susceptible de couvrir d’autres cas.