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Assistance administrative Suisse-France

L’AFC peut-elle informer l’autorité requérante de la procédure en cours ?

Par une décision incidente du 13 juin 2016 publiée le 22 juin 2016 (n° A-2766/2016), le Tribunal administratif fédéral (TAF) confirme une décision du 10 mai 2016 édictant une mesure superprovisionnelle limitant les pratiques de l’administration fiscale des contributions (AFC) en lui interdisant de transmettre des informations sur la procédure en cours avant une décision entrée en force (cons. 4.1.).

Pour rappel, dans la décision de mai 2016, à la suite d’une demande d’assistance administrative du fisc français auprès de l’autorité suisse compétente, un recourant se plaint du fait que l’AFC a transmis des tableaux (status updates) sur la procédure en cours à l’autorité étrangère, constituant ainsi « une transmission d’informations anticipée ». En effet, selon le recourant, le fisc étranger serait par ce biais informé indirectement de renseignements à son sujet. L’AFC répond que « la communication du statut de la procédure ne fait qu’expliquer la durée de la procédure, sans toucher le recourant, dont les informations ne seraient pas transmises à titre anticipé ». Toutefois, il est de pratique habituelle que l’AFC informe l’autorité française de l’état de la procédure en cours et de la date envisagée du transfert d’informations, ce qui a pour conséquence d’indiquer qu’il existe des informations potentielles à l’autorité étrangère.

Or, conformément à la CDI-F, l’AFC n’a ni l’obligation, ni le droit, d’informer l’autorité requérante sur l’état d’avancement d’une procédure. Surtout, selon l’art. 20 al. 1 de la loi sur l’assistance administrative fiscale (LAAF), ce n’est qu’une fois la décision finale de l’AFC prise, que celle-ci peut transmettre les renseignements à l’autorité étrangère. D’autant que le TAF note que ces status updates peuvent avoir des conséquences négatives pour le recourant dans l’Etat requérant : « si l’AFC informe systématiquement les autorités requérantes des recours qui sont déposés contre ses décisions, les personnes concernées risquent d’être exposées à des sanctions dans leur pays ou de devoir subir des inconvénients pour avoir simplement agi dans le cadre de la procédure fédérale ».

Par conséquent, le juge a pris, par la décision incidente du 10 mai 2016, une mesure superprovisionnelle interdisant à l’AFC de transmettre d’autres informations aux autorités françaises sur la présente procédure avant qu’il ait été statué sur la demande d’assistance par une décision entrée en force », tout en laissant un délai pour que l’AFC puisse se prononcer sur cette mesure.

Par cette nouvelle décision incidente du 13 juin 2016, le TAF se prononce sur la suite de la mesure litigieuse et sur la demande de l’AFC de lever l’interdiction prononcée à son encontre.

Le Tribunal confirme la mesure superprovisionnelle afin de protéger le recourant contre les risques de la pratique des status updates qui peuvent constituer « un élément potentiellement favorable à une taxation d’office ou à l’ouverture d’une instruction de nature pénale » (cons. 4.1.) et rejette les griefs de l’AFC. Elle estimait notamment que cette mesure d’interdiction ne lui permettrait pas d’informer les autorités étrangères si elles demandaient explicitement quel était l’état d’avancement de la procédure, ce à quoi le TAF répond laconiquement que « l’AFC est autorisée à informer l’autorité requérante que la procédure nationale suit son cours » (cons. 4.3.). Rejetant donc l’ensemble des moyens invoqués par l’AFC, le TAF confirme dans le dispositif de sa décision incidente la mesure superprovisionnelle d’interdiction faite à l’AFC de transmettre des informations sur la procédure en cours avant une décision entrée en force tout en aménageant la possibilité pour l’AFC d’informer les autorités étrangères que la procédure nationale suit son cours.

On peut se demander si cette interdiction faite à l’autorité suisse en matière d’assistance fiscale peut se répercuter sur les autorités en charge de l’entraide comme la FINMA. En vertu de l’art. 42 de la loi sur surveillance des marchés financiers (LFINMA), la FINMA ne peut transmettre des informations aux autorités étrangères seulement si sont respectés les principes de spécialité et de confidentialité. En revanche aucune prescription identique à l’art. 20 al. 1 LAAF n’est faite à l’encontre de la FINMA selon laquelle la transmission des renseignements se fait une fois la décision finale entrée en force. En effet, l’entraide administrative n’est accordée « que dans la mesure nécessaire à la découverte de la vérité » et la FINMA « est autorisée à compléter spontanément une demande d’entraide avec les renseignements lui semblant utiles sous l’angle du droit de la surveillance dans la mesure où ces renseignements paraissent pouvoir servir à la procédure étrangère et qu’ils détiennent un rapport objectif avec elle », (TAF, 16 mars 2016, n° B-7969/2015, cons. 6.1. ; TAF, 5 mai 2009, n° B-997/2009, cons. 5.1.). A priori, La FINMA pourrait transmettre des status updates en cours de procédure si elle les juge pertinents sous réserve du respect des principes de spécialité et de confidentialité. Toutefois, au titre de l’art. 42a al. 6 LFINMA, la décision de la FINMA de transmettre des informations à l’autorité étrangère peut, dans un délai de dix jours, faire l’objet d’un recours devant le TAF. On doit déduire de cet article que finalement des status updates ne pourraient pas être transmis en cours de procédure avant une décision définitive de la FINMA.

Pour une confirmation définitive de cette interdiction à l’encontre de l’AFC, il conviendra d’attendre, d’une part un éventuel recours de la part de l’AFC devant le Tribunal fédéral, et, d’autre part, une décision au fond rendue par le TAF.