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Développement durable

Les recommandations de la SFAMA et de SSF en matière de finance durable

Le 16 juin 2020, la Swiss Funds & Asset Management Association (SFAMA) et l’association Swiss Sustainable Finance (SSF) ont publié un document conjoint intitulé « Asset Management durable : les messages essentiels et les recommandations de la SFAMA et de SSF ». Ces Recommandations peuvent présenter un intérêt pour les gestionnaires de placements collectifs lato sensu (i.e. gestionnaires de fortune collective au sens de l’art. 24 al. 1 let. a LEFin et gestionnaires de minimis au sens de l’art. 24 al. 2 LEFin). Ces Recommandations s’inscrivent dans une tendance générale, tant politique que réglementaire (cf. Hristina Stoyanova, cdbf.ch/1137), visant à mieux encadrer la finance durable en Suisse.

Une nomenclature encore à affiner

Le lecteur pourra relever que les Recommandations contiennent une liste de définitions (voir Annexe 2) comprenant, entre autres, la définition de l’acronyme ESG (« Environnemental », « Sociétal » et « Gouvernance »). Le lecteur pourra cependant également constater que ces définitions ne couvrent pas, de manière systématique, toutes les notions sous-tendues par les Recommandations, par exemple celles de « facteurs de durabilité » ou encore de « risque en matière de durabilité ». Les Recommandations ne semblent ainsi pas suivre la voie tracée par les textes européens, notamment celle du Règlement (UE) 2019/2088 du 27 novembre 2019 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers ou encore celle du Règlement (UE) 2020/852 du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables (Règlement aussi connu sous la dénomination « Règlement Taxonomie »).

Le fait que les Recommandations soient un premier jalon, qui plus est « non contraignant », permet d’expliquer le souhait, à tout le moins implicite, de la SFAMA et de la SSF d’éviter un carcan axiomatique de définitions, ce d’autant plus que les Recommandations ne traitent pas des contraintes réglementaires nationales ou internationales auxquelles doivent se conformer les gestionnaires de placements collectifs (voir ch. 10). Cette approche permet aussi de laisser aux acteurs une certaine flexibilité dans la mise en œuvre des Recommandations, ce qui va de pair avec un document « non contraignant ». Par ailleurs, l’adoption d’une nomenclature unique demeure un défi pratique important pour l’industrie (y compris dans l’Union européenne, et ce en dépit des textes législatifs adoptés) dont la portée dépasse le cadre des Recommandations.

Recommandations relatives à la gouvernance et à la gestion des risques

L’organisation d’un gestionnaire de placements collectifs, en ce compris la définition de son système de contrôle interne (SCI), devrait intégrer la notion d’investissement durable ou ESG au cœur de sa gouvernance. Tant le conseil d’administration que la direction (executive committee) du gestionnaire doivent ainsi participer à l’élaboration d’un cadre propice à cette fin (voir ch. 20 à 22).

La politique des risques (dont la définition incombe ultimement au conseil d’administration) devrait prendre en compte ces aspects (voir ch. 21, ainsi que les ch. 63-64 pour le risque « produit »). Au niveau de la direction, le processus d’investissement durable devra dès lors être clairement attribué, soit à une personne dédiée de la direction, soit, le cas échéant, à un comité propre, possiblement distinct du « traditionnel » comité d’investissement.

Sur le plan opérationnel, les directives de gestion des risques devront être adaptées en conséquence pour couvrir non seulement les risques financiers, mais également les risques liés à la durabilité (e.g. le risque de greenwashing).

Recommandations relatives à la politique et la stratégie d’investissement

Les Recommandations contiennent une liste d’éléments qui devraient être précisés « formellement » (voir ch. 27) – en principe dans un document spécifique (directive, procédure ou autre) – lesquels comprennent les objectifs, la source et la qualité des données, les responsabilités, les processus, le reporting ou encore le contrôle, ainsi que l’exercice des droits sociaux (voir ch. 47 à 52).

Plus spécifiquement, le processus d’investissement devrait refléter l’approche durable choisie et la méthodologie mise en œuvre par le gestionnaire de placements collectifs. En lien avec les ch. 36 ss, l’Annexe 3 des Recommandations contient un tableau illustrant la pertinence des diverses approches selon les catégories d’actifs, en fonction des motivations premières (conformité à des standards, amélioration du profil de risque/rendement ou promotion du développement durable).

Recommandations relatives à l’information des clients

Les Recommandations traitent également de la transparence et du reporting dus aux clients en précisant que l’information pertinente devrait être communiquée tant aux clients institutionnels que privés (voir ch. 65 ss). L’information concerne aussi bien le produit (voir ch. 66) que le gestionnaire lui-même (voir ch. 69) ou encore la politique de durabilité, dont la publication sur le site internet du gestionnaire est par ailleurs recommandée (voir ch. 72).

Conclusion

La publication des Recommandations constitue une première étape importante pour l’industrie suisse de l’asset management en ce qu’elles visent à donner aux gestionnaires de placements collectifs actifs dans le domaine de la finance durable un premier aperçu cohérent et structuré de mesures concrètes. Si l’approche choisie, fondée sur le volontariat plutôt que sur la norme, se veut plus « libérale » que l’approche européenne – qui a privilégié la voie législative – la tendance générale devrait inciter les gestionnaires actifs dans la finance durable à prendre en compte ces Recommandations. Une mise en œuvre proactive est dans leur intérêt, tant sur le plan commercial que réglementaire. Reste à voir maintenant quel sera l’avenir de ces Recommandations, notamment si elles sont destinées un jour à devenir un standard minimal reconnu par la FINMA (art. 7 al. 3 LFINMA).