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Offres publiques d'acquisition

L’assainissement au cœur des réflexions de la COPA

Le 2 septembre 2020, la Commission des OPA (COPA) a publié la nouvelle circulaire n° 5 sur les dérogations à l’offre obligatoire à des fins d’assainissement. Cette circulaire est entrée en vigueur le 1er octobre 2020 avec pour principal objectif de clarifier auprès des participants au marché boursier les éléments attendus par la COPA lors de requêtes en ce sens.

Pour rappel, en vertu de l’art. 135 al. 1 LIMF, quiconque acquiert directement, indirectement ou de concert avec des tiers des titres de participation pour plus de 33⅓ % des droits de vote, exerçables ou non, d’une société cotée auprès d’une bourse suisse doit présenter une offre portant sur l’intégralité des titres cotés. Ce principe dit de l’offre obligatoire est cependant relativisé par plusieurs dérogations retrouvées à l’art. 136 LIMF dont fait partie la dérogation à des fins d’assainissement (art. 136 al. 1 let. e LIMF) : quiconque acquiert des titres « à des fins d’assainissement » est libéré de l’obligation de présenter une offre.

La notion d’assainissement telle qu’interprétée par la COPA est à distinguer de celle retrouvée en droit de la société anonyme dans sa version actuelle, à savoir un assainissement bilantiel au sens de l’art. 725 CO visant à supprimer une perte de capital ou un surendettement. En effet, il est ici question d’assainissement au sens économique, c’est-à-dire de toutes les mesures permettant à une société de surmonter des faiblesses pouvant mettre en danger l’existence de son entreprise et à lui restituer ses capacités à générer des revenus (décision 0535/01 dans l’affaire Schmolz + Bickenbach AG consid. 2). La présence d’un bilan déficitaire ne constitue ainsi pas une condition à l’octroi d’une dérogation.

La circulaire n° 5 s’articule autour de deux conditions fondamentales, le principe de nécessité de la dérogation et celui de subsidiarité de la dérogation. La conformité des requêtes à ces deux conditions nécessite d’être vérifiée par la COPA, car l’octroi d’une dérogation a pour corollaire que l’intérêt des actionnaires minoritaires à pouvoir se prononcer sur une offre publique d’acquisition cède le pas à l’intérêt de la société à se voir assainie (décision 0606/01 dans l’affaire Züblin Immobilien Holding AG consid. 2).

Le principe de nécessité, ancré principalement aux ch. 1 et 2 de la circulaire n°5, met à charge du requérant de transmettre à la COPA toutes les informations pertinentes quant à la situation financière et au besoin d’assainissement de la société. Il est intéressant de relever à ce titre que, bien que la circulaire mentionne le besoin de justifier des perspectives relatives aux liquidités sur les six prochains mois au moins, aucune garantie quant au succès sur le long terme de l’assainissement ne peut être exigée du requérant (décision 0681/01 dans l’affaire Leclanché SA consid. 2).

Quant au principe de subsidiarité, retrouvé en ses ch. 3 et 4, celui-ci impose au requérant d’expliciter le fait qu’un investisseur ne puisse pas être trouvé sans que la dérogation ne soit accordée (décision 0681/01 dans l’affaire Leclanché SA consid. 2). Il appartient donc au requérant de démontrer que d’autres mesures alternatives ne seraient pas plus opportunes sans pour autant que la mesure d’assainissement sujette à dérogation n’apparaisse comme seul moyen d’assainir.

Bien qu’il n’en soit pas fait mention dans la circulaire, il nous parait opportun de mentionner que le régime de dérogation à des fins d’assainissement est soumis à deux procédures de dérogations distinctes : la dérogation générale et la dérogation spéciale.

La dérogation générale est fondée sur l’art. 40 al. 2 OIMF-FINMA et fait l’objet d’une procédure d’annonce simplifiée ne nécessitant pas de décision de la COPA. Celle-ci ne peut cependant survenir, en vertu de l’art. 40 al. 1 let. a OIMF-FINMA, que dans le cadre d’un « coup d’accordéon », à savoir une réduction déclarative du capital-actions suivie d’une augmentation immédiate destinée à résorber une perte. Il faut également que les droits préférentiels de souscription soient maintenus et que le franchissement du seuil de l’offre obligatoire par un actionnaire intervienne indépendamment de sa volonté. La concentration de la participation devra donc être la conséquence d’une renonciation par d’autres actionnaires à l’exercice de leur droit préférentiel de souscription sans que l’actionnaire dépassant le seuil ne souscrive d’actions dans une proportion supérieure à sa participation antérieure (décision 0671/01 dans l’affaire 5EL SA consid. 2.1). Toute autre situation ne remplissant pas les deux conditions précitées sera soumise à une dérogation spéciale au sens de l’art. 41 OIMF-FINMA qui devra être traitée par la COPA en procédure ordinaire.

Finalement, nous relevons la suppression, entre le projet et la version finale de la circulaire n° 5, de son paragraphe 6 dont la teneur était la suivante : « [l]a Commission des OPA se réserve le droit d’exiger, en tant que de besoin, une évaluation du plan d’assainissement par un expert indépendant ». Cette suppression se justifie par la pratique de la COPA qui fonde généralement son évaluation des plans d’assainissements sur les rapports des organes de révision ou des auditeurs soumis par les requérants, lesquels sont considérés suffisamment indépendants (décision 0681/01 dans l’affaire Leclanché SA consid. 2.2 ; décision 0671/01 dans l’affaire 5EL SA consid. 2.3 ; décision 0535/01 dans l’affaire Schmolz + Bickenbach AG consid. 2 ; recommandation 0376/01 dans l’affaire 4M Technologies Holding SA consid. 2).

La nouvelle circulaire n°5 apporte dès lors des clarifications bienvenues pour les requérants de dérogations à des fins d’assainissement. Le moment choisi pour la publication de la circulaire est selon nous également opportun compte tenu des répercussions financières actuelles et attendues sur le marché suisse causées par la pandémie de Covid-19.