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Finance durable

Accords sectoriels volontaires et transparence accrue

En réponse au postulat du 16 août 2019 de la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil des États (CEATE-CE), le Conseil fédéral a publié le 17 novembre 2021 son Rapport « Comment la Suisse peut-elle rendre les flux financiers compatibles avec les objectifs climatiques ? ». Le Conseil fédéral y examine différentes mesures susceptibles d’impliquer plus efficacement le secteur financier dans la transition vers une économie « net zéro ».

La conclusion d’accords sectoriels volontaires et une plus grande transparence sont les approches qui semblent revêtir le potentiel de succès le plus élevé.

Les mesures considérées se fondent notamment sur les observations suivantes :

  • L’intégration des risques climatiques dans les stratégies et processus de gestion des risques ne conduit pas nécessairement à un changement dans l’économie réelle.
  • Bien que l’on observe, ces dernières années, des progrès favorisant les investissements « verts », les établissements financiers suisses continuent d’investir de manière substantielle dans les énergies fossiles.

Fort de ces constats, le Rapport fait état de neuf mesures susceptibles de conduire le secteur financier vers davantage d’impact positif sur le climat.

Parmi les propositions discutées, on retrouve notamment des initiatives inspirées du droit européen destinées à améliorer la transparence, telles la création de labels verts ou d’une taxonomie, ainsi que l’intégration de l’impact climatique dans le conseil à la clientèle afin de connaître les préférences des investisseurs en matière de durabilité. Le Rapport s’inscrit ainsi dans la continuité du rapport du Conseil fédéral du 20 juin 2020, qui présentait une série de treize mesures potentielles pour renforcer la compétitivité et l’impact de la place financière suisse dans le domaine de la finance durable.

Certains développements sont toutefois nouveaux. Sous l’influence de la nouvelle stratégie de l’UE en matière de finance durable, le Conseil fédéral s’intéresse par exemple aux solutions qui pourraient être développées dans le secteur des assurances et dans le cadre de l’octroi d’hypothèques pour inciter assurés et emprunteurs à privilégier les projets à faible intensité de carbone. Le Rapport se distingue aussi par l’intérêt accru porté aux accords sectoriels volontaires, brièvement évoqués dans le rapport de 2020.

L’objectif du Rapport étant d’évaluer le potentiel de chacune des approches envisagées et leur faisabilité, celles-ci sont analysées selon les critères suivants :

  • incidence climatique afin d’apprécier le potentiel (direct ou indirect) que renferme la mesure considérée ;
  • effet de levier de la mesure et conditions requises pour avoir effectivement un impact climatique ou le maximiser ;
  • processus de mise en œuvre ;
  • éventuels autres aspects pertinents (p.ex., charges administratives liées à la mise en œuvre, compatibilité avec les standards internationaux).

Pour chaque mesure considérée, le Rapport examine plusieurs variantes qui se distinguent entre elles par leur nature plus ou moins contraignante ou l’étendue de leur champ d’application.

La conclusion d’accords sectoriels volontaires et la transparence des données sont les mesures préconisées :

  • Les accords sectoriels volontaires, conclus entre la Confédération et les associations professionnelles du secteur financier (notamment l’ASB et l’AMAS), fixeraient des objectifs concrets pour faciliter la transition vers la neutralité carbone. Selon les trois variantes présentées dans le Rapport, ces objectifs seraient définis de manière indépendante par les associations professionnelles (sous réserve d’exigences minimales fixées par la Confédération), d’un commun accord entre la Confédération et chaque association professionnelle ou par la Confédération unilatéralement. L’atteinte des objectifs devrait être régulièrement évaluée notamment au moyen du test de compatibilité climatique PACTA déjà adopté par plusieurs acteurs des marchés financiers.
  • Plutôt qu’une mesure distincte en tant que telle, la transparence est un principe fondamental devant être intégré dans des actions spécifiques, tel le projet en cours visant à rendre contraignantes les recommandations en matière de reporting climatique de la Task Force on Climate related Financial Disclosures (TCFD).

Selon le Rapport, pour être efficaces, les exigences de transparence accrue doivent non seulement s’appliquer à l’information relative aux risques financiers liés au climat, mais aussi à l’incidence climatique (positive ou négative) des entreprises (principe de la double matérialité). La qualité des données mises à disposition est également un facteur important : il convient que les données soient comparables et prospectives.

Ces solutions sont alignées avec la stratégie climatique suivie jusqu’à présent par la Suisse. Depuis le rapport de 2020, l’appel à plus de transparence est en effet devenu un élément clé de la stratégie suisse en matière de finance durable.

Par ailleurs, en encourageant la mise en place d’accords sectoriels volontaires plutôt que l’adoption de mesures réglementaires contraignantes, le Conseil fédéral réitère sa position selon laquelle l’action publique doit rester subsidiaire par rapport aux solutions relevant de l’économie de marché.

Une telle mesure de nature contractuelle présente certes des avantages, dont un plus haut degré d’individualisation et la possibilité de convenir d’engagements ciblés et concrets pour atteindre les objectifs climatiques. Elle devrait aussi permettre une meilleure adhésion par les acteurs concernés. Toutefois, on peut craindre que cette approche implique des coûts de transaction relativement élevés et qu’elle conduise à des compromis potentiellement insuffisants pour répondre aux enjeux climatiques.