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Faillite bancaire

Quelles sont les compétences de la FINMA ?

Dans quelle mesure le client d’une banque en faillite peut-il requérir la ségrégation de ses actifs auprès de la FINMA lorsque sa requête a été en premier lieu rejetée par les liquidateurs ? Dans l’arrêt B-2367/2020 du 13 décembre 2022 (entré en force), le Tribunal administratif fédéral (TAF) se penche sur cette question en analysant en particulier les compétences de la FINMA dans une faillite bancaire.

Le 21 octobre 2015, un client d’un établissement bancaire instruit sa banque de transférer immédiatement l’intégralité de ses dépôts fiduciaires auprès d’une autre banque. Le jour même, le client reçoit une confirmation que l’ordre sera exécuté le 23 octobre 2015. Le 23 octobre 2015, la FINMA retire l’autorisation de l’établissement bancaire et prononce sa faillite avec effet au 26 octobre 2015. Dans la foulée, l’autorité nomme deux liquidateurs. Le 26 octobre 2015, au jour de la faillite de la banque, les liquidateurs stoppent toutes les transactions. L’ordre du client du 21 octobre n’a en réalité pas encore été exécuté et les dépôts fiduciaires du client sont versés dans la masse en faillite.

Le client s’adresse aux liquidateurs pour requérir la distraction de ses dépôts ainsi que l’exécution de son ordre. Après à une réponse négative des liquidateurs, le client sollicite directement la FINMA. Dans une décision du 4 mars 2020, la FINMA estime, d’une part, que le client ne dispose d’aucun droit pour obtenir une décision de la FINMA sur la position des liquidateurs et, d’autre part, que la FINMA n’a pas de compétence autonome pour ordonner la ségrégation des actifs du client en contradiction avec la position des liquidateurs.

Suite à la décision de la FINMA, le client s’adresse au TAF qui doit notamment déterminer (i) si le client peut recourir auprès du TAF ou (ii) de la FINMA contre le refus des liquidateurs d’ordonner la distraction de ses actifs et (iii) si la FINMA peut, indépendamment de la position des liquidateurs, intervenir elle-même dans la procédure de faillite de manière autonome et satisfaire la requête du client.

Selon l’art. 6 al. 2 OIB-FINMA, les « décisions » de personnes auxquelles la FINMA a confié certaines tâches (par exemple les liquidateurs) ne doivent pas être considérées comme des décisions au sens de l’art. 5 PA. Dès lors, le TAF estime qu’il n’est pas compétent pour connaître des recours sur la décision des liquidateurs.

Ensuite, l’art. 6 al. 1 OIB-FINMA octroie la possibilité de dénoncer à la FINMA le comportement d’une personne à laquelle la FINMA a confié certaines tâches. Cette disposition exclut au dénonciateur la qualité de partie dans la procédure de dénonciation. Ainsi, le client peut dénoncer le comportement des liquidateurs (ce qu’il a fait), mais n’a pas la qualité de partie dans la procédure de surveillance consécutive à sa dénonciation et ne peut recourir contre la position de la FINMA.

Finalement, le TAF analyse encore si, indépendamment de la position des liquidateurs, la FINMA est compétente pour ordonner la distraction des actifs du client dans la masse en faillite. Le client croit déceler cette compétence de la FINMA grâce à deux dispositions : l’art. 33 al. 2 LB et l’art. 34 al. 3 LB.

Selon l’art. 33 al. 2 LB, la FINMA nomme des liquidateurs qui sont soumis à sa surveillance et qui lui font un rapport à sa demande (obligation de nommer un ou plusieurs liquidateurs). Cette disposition pourrait à première vue entrer en conflit avec l’art. 12 OIB-FINMA selon lequel la FINMA nomme un liquidateur de la faillite par voie de décision si elle n’assume pas elle-même les tâches correspondantes (possibilité de nommer un ou plusieurs liquidateurs). Si le TAF a déjà eu l’occasion de clarifier que la FINMA dispose de la possibilité de nommer des liquidateurs, il n’avait jusque-là pas encore précisé si, nonobstant la nomination d’un ou plusieurs liquidateurs, la FINMA pouvait continuer à prendre des décisions en lien avec la procédure de faillite de manière autonome. Le TAF tranche cette question en estimant que lorsque la FINMA nomme un ou plusieurs liquidateurs, l’autorité perd la possibilité de prendre des décisions qui ressortent de la compétence des liquidateurs. L’intervention de la FINMA en lien avec l’activité des liquidateurs se limite ainsi à son action dans une potentielle procédure de dénonciation (art. 6 OIB-FINMA).

Selon l’art. 34 LB, la faillite bancaire est effectuée, sauf dispositions contraires de la LB, selon les règles de la LP. Cette disposition précise néanmoins que la FINMA peut prendre des décisions et des mesures dérogeant à ces règles. Cette compétence de la FINMA doit s’interpréter comme la possibilité de déroger à certaines règles formelles de la LP, mais pas de la LB. Comme la distraction des avoirs de la masse en faillite relève de la compétence des liquidateurs selon l’art. 37d LB, la FINMA ne peut pas prendre des décisions en dérogation à cette disposition sur la base de l’art. 34 LB.

En résumé, (i) la décision des liquidateurs concernant la distraction des avoirs ne peut pas faire l’objet d’un recours devant les juridictions administratives, (ii) la position des liquidateurs peut être dénoncée à la FINMA, mais le créancier n’a pas la qualité de partie dans la procédure de dénonciation (et ne peut pas recourir contre une décision subséquente ou une inaction de la FINMA) et (iii) lorsqu’elle a nommé des liquidateurs, la FINMA perd la possibilité de se prononcer sur la distraction des avoirs de manière autonome.

Fort de ces divers constats, le créancier est à même de s’interroger sur les moyens à sa disposition pour contester la distraction des avoirs dans la masse en faillite. Selon la doctrine citée dans l’arrêt, il appartient en principe au liquidateur de fixer un délai au client pour intenter une action en revendication au for de la faillite conformément à l’art. 242 al. 2 LP. Le TAF invite ainsi le client à agir devant les tribunaux civils.