Aller au contenu principal

Publicité événementielle

La condamnation du CEO doit être annoncée

A la suite d’une fusion, la société reprenante peut être condamnée par la SIX pour une violation commise par la société transférante. En outre, la condamnation du CEO doit être annoncée, même s’il s’agit d’actes commis au sein d’une autre entreprise (sentence (définitive) du Tribunal arbitral de la SIX du 26 août 2024).

Un administrateur délégué et CEO d’une société cotée auprès de la SIX est condamné pour des actes d’escroquerie par métier et de gestion déloyale commises au sein d’une autre entreprise. La société cotée fusionne par absorption avec une autre société (société reprenante). La commission de sanction de la SIX condamne la société reprenante à une amende de CHF 150’000.- en raison d’une publication tardive de cet événement au sens de l’art. 53 du Règlement de cotation (RC) (publicité événementielle, cf. Bahar, cdbf.ch/1183/).

La société conteste cette amende devant le Tribunal arbitral de la SIX et invoque plusieurs griefs.

Premièrement, la société soutient que les obligations de droit public ne seraient reprises à la suite d’une fusion que si cela est prévu expressément par la loi. Or, le RC serait du droit public et la reprise par la société transférante de l’amende imposée par la SIX ne serait pas prévue par la loi.

Le Tribunal arbitral ne partage pas cette appréciation. Bien que l’art. 22 LFus (effets juridiques de la fusion) ne mentionne que la reprise de « l’ensemble des actifs et passifs de la société transférante », le Message du Conseil fédéral démontre que cela comprend aussi les obligations potentielles ou latentes (FF 2000 4075). Or tel est le cas de l’amende, qui n’a été prononcée qu’après la fusion. En outre, le Tribunal fédéral n’a pas tranché la question de la nature du RC. Bien que le règlement constitue du droit public délégué, la sanction pour sa violation doit être qualifiée de contractuelle (cf. TAF, B-2233/2020 c. 2.4.6.2). En tout état, cette question n’est pas déterminante, car les obligations potentielles ont bel et bien été reprises par la société reprenante.

Deuxièmement, la société soutient que l’amende serait une sanction de nature pénale au sens de la CEDH. Le Tribunal arbitral rejette brièvement ce grief, car il considère l’amende comme étant contractuelle.

Troisièmement, la société invoque le fait que la condamnation pénale concerne des faits relatifs à une autre entreprise. Or, l’art. 53 al. 1 RC prévoit que « [l]’émetteur informe le marché des faits ayant une influence sur les cours qui sont survenus dans sa sphère d’activité ». En outre, la condamnation n’aurait pas eu d’effet sur son activité, et ne pouvait donc pas être qualifiée comme exerçant une influence sur son cours.

Le Tribunal arbitral souligne que la condition « dans sa sphère d’activité » concerne les événements qui ont des effets au sein de l’émetteur. Or, tel est manifestement le cas de la condamnation pénale d’un organe en raison d’infractions patrimoniales commises contre son employeur, d’autant plus qu’il s’agit du fondateur, administrateur délégué et CEO de la société transférante. En outre, l’annonce de la condamnation pénale d’un dirigeant est objectivement susceptible de porter atteinte à la confiance des investisseurs dans la société. La condamnation aurait ainsi dû être annoncée au plus tard lors de son entrée en force.

Par ailleurs, la société soutient que la protection des données et de la personnalité du CEO l’empêchait de procéder à une annonce. Le Tribunal arbitral retient au contraire qu’il existe des intérêts publics prépondérants à une telle annonce, qui l’emportent sur le besoin de protection de la personne condamnée.

Quatrièmement, la société invoque que la peine conventionnelle n’aurait pas été valablement conclue, car son montant n’a été convenu ni de manière déterminée ni de manière déterminable.

Le Tribunal arbitral considère que le mécanisme convenu par les parties, à savoir la fixation d’une amende par la commission des sanctions au regard de la violation, correspond à une détermination valable de la peine conventionnelle. Il admet que le Règlement de cotation est du « take it or leave it », mais la société n’était pas forcée d’être cotée auprès de la SIX et elle pouvait aussi librement coter ses actions auprès d’une autre bourse (suisse ou étrangère).

Enfin, malgré divers griefs de la société, le Tribunal arbitral confirme le montant tant de l’amende que des frais de la procédure.

Le régime juridique de l’annonce événementielle pourrait être révisé à l’avenir. En effet, le Conseil fédéral a proposé en juin 2024 de modifier la LIMF afin que l’obligation d’annonce événementielle soit désormais prévue dans la loi (art. 37b AP-LIMF). La FINMA serait compétente pour surveiller son respect et pourrait prononcer des mesures en cas de violation (art. 145 AP-LIMF). En outre, le DFF pourrait prononcer une amende de nature pénale (art. 149a AP-LIMF), ce qui impliquerait à notre avis l’application des garanties prévues par l’art. 6 CEDH. Les avis sur cette consultation sont disponibles ici.