Procédure de scellés
Refus de mise sous scellés de documents LBA
Katia Villard
L’autorité de poursuite pénale peut refuser la mise sous scellés de pièces qu’une banque doit tenir à disposition des autorités pénales conformément à l’art. 7 LBA, même si les documents ont été établis par des avocats. Cette conclusion, à laquelle le Tribunal fédéral est parvenu dans un arrêt du 2 octobre 2025 – non destiné à publication mais rendu à cinq juges –, s’inscrit dans la tendance de la jurisprudence relative au secret de l’avocat dans le cadre de la lutte anti-blanchiment (7B_1154/2024).
En 2023, le Ministère public de la Confédération (MPC) ouvre une procédure pénale contre inconnu pour blanchiment d’argent dans le cadre du « scandale de la dette du Mozambique ». Dans ce cadre, il émet, en 2024, un ordre de production de pièces à l’encontre de la banque B. au sein de laquelle la transaction sous enquête a eu lieu. La requête porte (en résumé) sur les documents internes relatifs aux mesures organisationnelles que le dispositif anti-blanchiment impose aux établissements financiers d’établir, ainsi que sur ceux en lien avec la relation d’affaires litigieuse.
La banque A., qui a entretemps repris par fusion la banque B., produit les pièces sur un support de données protégé par un mot de passe tout en demandant sa mise sous scellés. Le MPC refuse, décision confirmée par la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral. Le Tribunal fédéral rejette le recours de la banque A.
Les Juges de Mon Repos rappellent que, s’il appartient en principe au Tribunal des mesures de contrainte et non au Ministère public de juger des motifs de mise sous scellés, l’autorité de poursuite peut refuser une requête manifestement infondée ou abusive.
Ils rappellent également que, depuis la révision du CPP entrée en vigueur en 2024, les secrets d’affaires ne constituent plus des motifs de mise sous scellés, quel que soit le statut procédural de l’ayant droit des documents (prévenu ou tiers). La banque, en tant que personne morale, n’a pas davantage démontré en quoi elle pourrait se prévaloir de la protection octroyée par l’art. 264 al. 1 let. b CPP qui concerne la protection des documents personnels et de la correspondance du prévenu. A ce stade, le Tribunal fédéral laisse ouverte la question de savoir si, de manière générale, un tiers non prévenu peut se prévaloir des motifs de mise sous scellés de l’art. 264 al. 1 let. a à c CPP, qui ne renvoient qu’à des documents concernant le prévenu.
Le Tribunal fédéral arrive ensuite à la précision principale – et à notre avis peu surprenante – de sa décision : l’art. 264 al. 1 let. d CPP, qui interdit le séquestre de la correspondante entre un avocat LLCA et son client, n’est pas davantage applicable.
En effet, les documents requis sont compris dans ceux qu’un établissement financier doit tenir à disposition des autorités pénales au sens de l’art. 7 LBA. Même s’ils ont été établis par une étude d’avocats, ils ne bénéficient pas de la protection de l’art. 264 al. 1 let. d CPP qui ne couvre que l’activité typique de l’avocat. La banque n’a pas démontré quels documents, concrètement, iraient au-delà de ceux exigés par l’art. 7 LBA et pourraient donc être protégés par le secret professionnel. A cet égard, le Tribunal fédéral rappelle encore le devoir de « ségrégation » de la banque entre les documents visés par l’art. 7 LBA et ceux éventuellement protégés par le secret de l’avocat.
On notera incidemment qu’en l’espèce le refus de mise sous scellés n’a toutefois, visiblement, pas eu pour conséquence une prise de connaissance immédiate, par le Ministère public, des documents litigieux. Il ressort en effet de l’arrêt que l’autorité de poursuite pénale a renoncé, jusqu’à l’entrée en force de sa décision, à faire décrypter le support de données par la police ou un autre service spécialisé.