Aller au contenu principal

Actualités suisses

Retrait de plus de CHF 10'000 sur un compte privé : légitimation par seul NIP (vs. signature) insuffisante

Le 17 février 2004, la Ière Cour civile du Tribunal fédéral a rendu un arrêt dans une affaire (4C.6/2004) opposant A. à la banque B. (i.e. la Banque Migros).
Les faits de la cause peuvent être résumés comme suit : A. (ci-après le « client ») est titulaire d’un compte privé auprès de la Banque B. (ci-après la « banque »). A ce titre, il a reçu une carte de compte et un numéro d’identification personnel (« NIP »). Un retrait de CHF 15’700 est opéré sur ce compte, au guichet de la banque, par une personne indéterminée. L’auteur du retrait s’est légitimé par la présentation de la carte de compte et d’un permis de conduire, ainsi que par l’introduction du NIP. Invoquant une violation du contrat ayant conduit à un paiement non libératoire, le client actionne la banque en paiement des CHF 15’700 retirés de son compte. Il est débouté par les tribunaux du canton de Bâle-Ville et recourt au Tribunal fédéral. Il invoque notamment que, au vu des dispositions contractuelles applicables et du montant en cause, la banque aurait dû exiger une signature de l’auteur du retrait. Dans son arrêt du 17 février, le Tribunal fédéral admet le recours du client et donne suite à sa demande, pour les motifs suivants :
– Le « formulaire NIP » pré-rédigé par la banque et signé par le client prévoit notamment que : les retraits sont autorisés contre présentation de la carte de compte et introduction du NIP ; Aucune signature n’est requise pour des retraits inférieurs à CHF 10’000 ; La banque se réserve toutefois le droit d’exiger une pièce d’identité et/ou une signature ;
– Cette clause, interprétée selon le principe de la confiance, signifie que la banque peut accepter des retraits contre présentation de la carte et composition du NIP, sans autre contrôle de légitimation. Le fait de préciser qu’aucune signature n’est nécessaire pour des prélèvements au-dessous d’une certaine limite (i.e. CHF 10’000 en l’espèce) n’a toutefois de sens que si la banque s’oblige, pour les prélèvements supérieurs, à exiger une signature, celle-ci libérant la banque. Cette interprétation est confortée par le fait que, pour les montants inférieurs, la banque se réserve également la faculté de contrôler l’identité de celui qui tente un prélèvement. Un renforcement des exigences de légitimation au-delà d’un certain montant traduit du reste, pour le Tribunal fédéral, la position relative des parties et le besoin de protection du client. En effet, c’est sur ce dernier que repose pour l’essentiel le risque résultant d’un usage indu de son code NIP ;
– En l’espèce, l’employée de la banque n’a pas exigé de signature, bien que le montant du retrait ait dépassé la limite convenue des CHF 10’000. Elle a ainsi violé la convention liant les parties aux termes du « formulaire NIP » précité. La banque n’ayant pas prouvé s’être libérée en payant en mains du créancier ou d’une personne dûment légitimée, le TF admet le recours et condamne la banque à payer les CHF 15’700 litigieux à son client, avec intérêts à 5 % dès le jour du retrait illégitime.
Cette jurisprudence est digne d’intérêt dans l’application qu’elle fait du principe de la confiance. En effet, l’interprétation du Tribunal fédéral met sur un même plan ce qui est dit expressément et ce qui ne l’est pas. Il s’agit d’une interprétation a contrario qui protège la partie faible au contrat. Comme telle, elle est susceptible de trouver de larges applications dans la pratique bancaire. Dans le cas d’espèce, elle doit être approuvée comme empreinte de bon sens et d’équité. Enfin, il faut noter que le Tribunal fédéral a rendu son jugement dans cette affaire à peine trois mois après le prononcé de dernière instance cantonale : cette célérité mérite d’être saluée.