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Dénonciation d'un crédit en compte courant : le TF précise le cadre admissible de la composition des intérêts

Dans un arrêt du 9 septembre 2004 (A. c. Banque X., 4C.131/2004, destiné à publication au recueil officiel), la Ière Cour civile du Tribunal fédéral apporte d’intéressantes précisions sur la composition des intérêts (i.e. l’anatocisme) et son admissibilité dans le cadre d’un crédit en compte courant dénoncé. Le contrat au coeur du litige liait A à la banque X depuis 1984. Il avait été résilié par la banque en juin 1992. Celle-ci réclamait CHF 250’000 plus intérêts à 7.25 % dès janvier 2001. Le TF ne lui alloue que CHF 158’000 plus intérêts à 5 % dès juillet 1992, sous déduction des versements opérés depuis lors par le débiteur.
Dans la première partie de son arrêt (consid. 2.2 et 2.3), le TF se penche sur l’admissibilité de la composition des intérêts. S’agissant des intérêts conventionnels, le TF rappelle que l’interdiction de l’anatocisme n’est pas applicable aux contrats de compte courant (art. 314 al. 3 CO). Pour que les intérêts (et commissions) conventionnels donnent eux-mêmes lieu à intérêts, il faut toutefois qu’ils soient devenus des éléments du capital, par la reconnaissance du solde du compte courant valant novation. Quant à l’anatocisme en matière d’intérêts moratoires (interdit en principe par l’art. 105 al. 3 CO), il peut exister sous une forme indirecte si les parties conviennent que les paiements partiels du débiteur éteignent en premier lieu la créance principale. Dans un tel cas, une fois la créance principale éteinte, l’intérêt moratoire échu se transforme par novation en un montant en capital sur lequel l’intérêt moratoire est dû. Le TF souligne cependant qu’il doit y avoir accord distinct des parties sur ce point. Or un tel accord faisait défaut en l’occurrence. La novation de la dette en capital, en intérêts et en commissions s’est ainsi arrêtée en l’espèce au dernier relevé reçu par A avant la résiliation du contrat de compte courant par la banque, soit au 31 mars 1992. Dès cette date, il n’y avait plus de fondement à la composition des intérêts et commissions contractuels.
La seconde partie importante de l’arrêt (consid. 4) se rapporte au taux des intérêts moratoires dus dès juillet 1992 (lendemain de la demeure). Les conditions applicables au contrat prévoyaient un taux supérieur de 2 % au taux en vigueur, commissions payables en sus. Pour le TF, cette référence aux commissions est fatale à la banque, car elle démontre que la disposition en cause vise la demeure pendant le rapport contractuel. Faute de dispositions dans les conditions de la banque sur le taux après la résiliation du contrat, le TF applique donc le taux ordinaire de 5 %.
Cet arrêt a le grand mérite de résoudre en des termes accessibles des questions juridiques complexes mais fréquentes en pratique. On regrettera pourtant un certain flou dans la distinction entre les intérêts moratoires et conventionnels et dans le traitement des deux premiers alinéas de l’art. 104 CO. Le TF a ainsi été amené en l’occurrence à écarter trop rapidement l’application de l’art. 104 al. 2 CO. Il n’en demeure pas moins que les banques seraient bien inspirées, sur cette base, de revoir leur arsenal contractuel de manière à ce que celui-ci recouvre les rapports entre les parties (et notamment la composition des intérêts et leur taux) après une éventuelle dénonciation du contrat. De même, les banques devraient réfléchir plus avant à l’opportunité et au minutage d’une telle résiliation dans leur pratique quotidienne.