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Le TF confirme sa jurisprudence pour les contrats de dépôt

Le Tribunal fédéral vient de publier les considérants d’un arrêt du 4 décembre 2006 (4C.277/2006) qui rappelle certaines règles en matière de prescription.
Les époux X., domiciliés en France, avaient ouvert en 1981 un compte auprès de la banque C. en Valais. Dans le but d’encaisser dans le secret deux créances de FRF 500’000 chacune dont il était titulaire, M. X. fit verser ces avoirs sur un compte de référence ouvert au nom d’une société panaméenne et sur lequel Y., employé de la Banque et ami des X., avait une signature individuelle. Y. devait ensuite transférer ces sommes sur le compte des X. En fait, ces avoirs ont transité par différents comptes et il n’a ensuite plus été possible de suivre leur destination.
Persuadés que l’argent avait été crédité sur leur compte, les X. n’ont pas donné d’autres instructions à Y. et ont attendu 1996 pour venir en Valais relever le courrier émanant de la Banque. C’est à ce moment qu’ils ont découvert qu’ils n’avaient plus qu’un petit avoir sur leur compte et que l’argent ne leur avait jamais été viré. Le 3 septembre 2002, M. X. a fait notifier à la Banque un commandement de payer. Le 25 septembre 2003, M. X. a ouvert action en paiement contre la Banque. La Banque a soulevé l’exception de prescription. Par jugement du 22 juin 2006, le Tribunal cantonal valaisan a admis cette exception et rejeté la demande. Contre ce jugement, X. (le demandeur) interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. La Banque (la défenderesse) propose le rejet du recours et la confirmation du jugement entrepris.
Le Tribunal cantonal ayant rejeté l’action du demandeur sur la base de la prescription, il convient donc d’examiner cette question. L’action du demandeur est soumise au délai de prescription de dix ans prévu à l’art. 127 CO. C’est l’exigibilité de la créance invoquée qui permet de fixer le point de départ de la prescription (art. 130 CO). La cour cantonale a raisonné en analysant uniquement l’opération de transfert ordonnée en 1987, la qualifiant de mandat/contrat de fiducie. Elle a estimé que ce contrat avait pris fin en 1987, de sorte que les prétentions du demandeur en découlant étaient exigibles dès cette année-là.
Le Tribunal fédéral rejette ce point de vue. Les relations entre le demandeur et la défenderesse relevaient du contrat de dépôt et du mandat dans le cadre de la relation nouée en 1981. Le Tribunal fédéral a jugé dès 1965 (ATF 91 II 442) que l’obligation de restituer en cas de gestion de patrimoine et de garde de valeurs déposées ne prend naissance qu’à la fin des rapports contractuels, car l’obligation de gérer et l’obligation de restituer sont exclusives l’une de l’autre. Par conséquent, le droit du mandant ou du déposant de réclamer la restitution ne peut pas commencer à se prescrire avant d’avoir pris naissance, soit avant que prenne fin le rapport contractuel en raison d’un accord bilatéral, de l’expiration de la durée prévue, de la révocation ou de la répudiation. En outre, le fait que le mandataire détourne à son profit les valeurs confiées n’entraîne pas automatiquement la fin du contrat.
Le Tribunal fédéral ne voit pas de raisons de s’écarter de cette jurisprudence qui paraît particulièrement bien adaptée en matière de dépôt bancaire, où il arrive qu’un client ne se manifeste pas pendant une longue période.
Dans le cas d’espèce, il s’ensuit que la prescription n’a pas commencé à courir en 1987, comme l’a retenu la cour cantonale, mais bien au moment de la fin des relations contractuelles, soit au plus tôt en 1996. Partant, le 3 septembre 2002, date à laquelle le demandeur a notifié un commandement de payer à la Banque, la prescription décennale de l’art. 127 CO n’était pas encore acquise. Le recours doit donc être admis et le jugement attaqué annulé, dans la mesure où il rejette les prétentions du demandeur au motif que celles-ci étaient prescrites.
En ce qui concerne l’action au fond, le Tribunal fédéral considère qu’il ne peut pas, sur la base des faits constatés, statuer sur les prétentions du demandeur, et renvoie le dossier à la cour cantonale pour qu’elle se prononce. Il signale toutefois qu’il apparaît que la défenderesse a mal exécuté l’ordre reçu, de telle sorte que le demandeur, en tant que client, peut en principe agir directement contre elle, étant précisé qu’il s’agit d’une prétention en restitution et non d’une action en dommages intérêts (cf. ATF 127 III 553).