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La CFB modifie le traitement des instruments dérivés

Le 1er juin 2007, la CFB a annoncé avoir modifié le régime applicable aux instruments dérivés pour l’annonce de participations importantes dans des sociétés cotées en bourse (art. 13 OBVM-CFB). L’objectif de la révision est de combler ce que la CFB a perçu comme étant une lacune du régime actuel, et que l’on soupçonne d’avoir par le passé favorisé la constitution occulte de participations importantes. Les nouvelles règles entrent en vigueur le 1er juillet 2007.
La loi sur les bourses oblige quiconque atteint, excède ou passe en dessous de certains seuils de participation (5 %, 10 %, 20 %, 33 1/3 %, 50 % ou 66 2/3 % des droits de vote) dans une société suisse dont les titres de participation sont cotés à une bourse en Suisse, à annoncer cette situation à la société concernée et à la bourse où les titres sont cotés.
Les positions en instruments dérivés qui sont susceptibles d’augmenter la participation d’un investisseur (comme par exemple les positions longues en options d’achat ou les positions courtes en options de vente) doivent en principe être prises en compte pour le calcul de la participation déterminante. Les règles actuellement en vigueur dans ce domaine ont cependant donné lieu à des critiques répétées au cours des dernières années. On leur a notamment reproché d’être lacunaires, et de permettre la constitution des participations occultes importantes. Les tentatives de prise de contrôle dont ont fait l’objet des sociétés telles qu’Unaxis (rebaptisée depuis OC Oerlikon Corporation AG), Saurer, Sulzer ou Ascom ont fait de cette question un thème de débat politique. Une révision urgente des dispositions pertinentes de la LBVM est actuellement débattue devant les Chambres fédérales. De son côté, la CFB a jugé la situation suffisamment critique pour intervenir sans attendre l’issue des débats parlementaires.
La nouvelle version de l’OBVM-CFB modifie les règles actuelles sur l’annonce des participations importantes à deux égards.
D’abord, la nouvelle OBVM-CFB supprime l’exception « de minimis » dont bénéficient actuellement les positions en instruments dérivés. Le régime en vigueur permet, pour déterminer si un seuil pertinent pour l’obligation d’annonce a été franchi, de faire abstraction des positions en dérivés portant sur moins de 5 % des droits de vote de la société concernée. Le but de cette exception était d’éviter que l’activité de négoce ordinaire sur les marchés des dérivés ne suscite une inflation d’annonces dépourvues de pertinence, qui obscurcirait la structure réelle de l’actionnariat de la société concernée. Ce régime permet cependant d’acquérir près de 10 % des droits de vote d’une société cotée sans publicité, en cumulant par exemple une position de 4.9 % en actions et de 4.9 % en options d’achat. La CFB a jugé cette situation insatisfaisante. Elle a purement et simplement supprimé le régime d’exception qui s’applique actuellement aux positions en dérivés portant sur moins de 5 % des droits de vote.
La seconde modification apportée au régime actuel porte sur le traitement des instruments dérivés qui prévoient exclusivement un « cash settlement« , c’est-à-dire des instruments qui ne peuvent pas donner lieu à une livraison physique de titres. L’OBVM-CFB exclut actuellement ce type d’instrument du calcul des participations déterminantes pour l’annonce d’éventuels franchissements de seuil. Ce régime était fondé sur l’idée que seuls les instruments qui permettent une livraison physique de titres sont susceptibles d’affecter le contrôle de la société concernée, et doivent donc être pris en compte pour l’obligation d’annonce. Toutefois, l’expérience a fait apparaître une réalité plus complexe. Par exemple, l’émetteur d’une option d’achat avec clause de « cash settlement » – le plus souvent une banque – couvre généralement sa position en achetant des titres sous-jacents. L’acheteur d’une telle option est le plus souvent conscient de cette situation. Il sait par conséquent que l’acquisition d’options d’achat portant sur certaines actions donnera lieu – par une sorte d' »effet réflexe » – à l’achat par la contrepartie des actions sous-jacentes. Il sait aussi que les actions détenues à titre de couverture seront vraisemblablement vendues une fois les options d’achat exercées ou échues. Même s’il n’a pas de prétention légale à la remise des actions détenues par sa contrepartie à titre de couverture, l’acquéreur d’un option call « cash settled » peut donc espérer pouvoir acquérir ces titres s’il le souhaite. Même s’il n’a pas de droit à la livraison, il a au moins une expectative sur ce point. Pour tenir compte de cette situation, la CFB a décidé d’obliger les opérateurs à prendre en compte de façon systématique les instruments dérivés qui permettent une exécution exclusivement en espèces pour le calcul des participations importantes dans des sociétés cotées.
Les modifications apportées à l’OBVM-CFB vont sans doute mettre un terme à certaines tactiques de prise de participation occulte qui semblent avoir été utilisées récemment sur le marché suisse. Il sera cependant intéressant de voir si ces modifications suffiront à assurer la transparence souhaitée des participations importantes. Contrairement à la réglementation d’autres places financières, les règles suisses dans ce domaine ne prévoient pas de régime d’annonce particulier pour les teneurs de marché ou pour les positions de négoce des banques. Il faut donc espérer que l’augmentation de la quantité d’informations disponibles ne se fera pas au détriment de leur qualité, et que les informations supplémentaires que la révision a pour but d’apporter au marché ne seront pas noyées au milieu d’une foule d’annonces de franchissement de seuil « techniques » dénuées de pertinence.