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Le Conseil fédéral publie le Message sur la révision du droit de la SA

A la veille de l’entrée en vigueur du nouveau droit de la Sàrl, le Conseil fédéral a publié le 21 décembre 2007 son Message relatif à la révision du droit de la société anonyme. Dans les grandes lignes, le projet correspond à l’avant-projet soumis à consultation il y a deux ans (voir actualité n°396 du 16 décembre 2005) : il couvre ainsi (1) la réforme de la gouvernance ; (2) la flexibilisation du capital ; et (3) une révision du droit comptable. Dans l’ensemble, il suit les lignes politiques de l’avant-projet tout en corrigeant certaines erreurs techniques.
Le gouvernement d’entreprise est sans doute le pan du projet qui a le moins changé par rapport à l’avant-projet. Le Message confirme l’abolition de la représentation par les organes ou les banques dépositaires en faveur d’une généralisation du représentant indépendant. Il maintient la possibilité d’introduire des assemblées générales délocalisées et même électroniques et persiste à limiter le mandat des administrateurs à une durée d’une année, ce qui de fait déstabilise avant tout les administrateurs indépendants.
Le projet tente tout de même de corriger des erreurs de l’avant-projet. Notamment, il renonce au droit de demander des renseignements en tout temps pour les sociétés cotées, afin d’éviter les problèmes liées à l’égalité de traitement des actionnaires et les opérations d’initiés. Par ailleurs, il réinstaure l’obligation de suivre les instructions du conseil d’administration s’agissant de propositions présentées à l’assemblée générale, dérogeant à l’obligation d’abstention lorsque l’actionnaire ne donne pas d’instruction précise. S’il est vrai que cette solution évite de renforcer le pouvoir des actionnaires actifs présents aux assemblées aux dépens de ceux qui se contentent d’exprimer leur volonté par l’intermédiaire du représentant indépendant, elle remet le conseil d’administration en position de force : ce dernier peut forcer la main au représentant indépendant en reformulant sa proposition lors de l’assemblée générale.
Seule grande nouveauté, le Message offre désormais explicitement la possibilité aux sociétés cotées de réagir aux problèmes dits d’empty voting en refusant, sur la base d’une clause d’agrément, le droit de vote aux actions acquises par un prêt de titres (securities lending) ou une opération analogue. Soucieux d’une certaine égalité des armes, le projet étend également cette interdiction aux actions propres reçues ou données en prêt ou dans le cadre d’une opération analogue. En revanche, nonobstant les critiques, le projet ne propose pas de solution pour régler la question des actions « dispos ».
Les règles sur la flexibilisation du capital suivent également la ligne directrice de l’avant-projet tout en essayant de trouver des solutions de compromis. Les sociétés anonymes bénéficieront, en plus d’un capital autorisé, d’une marge de fluctuation permettant à la société de faire varier son capital au fur et à mesure de ses besoins. En matière de libération par compensation, le projet confirme qu’il suffit qu’une créance existe pour qu’elle puisse servir à libérer le capital par compensation. En même temps, le projet persiste à exiger que la prestation qui a donné lieu à la créance soit susceptible d’apport en nature, ce qui ne fait guère de sens : une dette d’argent, peu importe son origine, est une dette d’argent et, à défaut de compensation, la société devra verser la somme à l’actionnaire qui pourra ensuite utiliser les fonds pour libérer le capital en espèces.
Autre tentative de compromis, en matière d’émission en prise ferme, le projet renonce à sanctionner de nullité les opérations dans lesquelles la maison d’émission, contrairement à ses engagements, n’offrirait pas aux actionnaires existants la possibilité d’exercer indirectement leur droit préférentiel de souscription. Cependant, la révision est trop restrictive lorsqu’elle réserve ce mode d’émission très usités en pratique aux seuls banques et négociants suisses à l’exclusion de leurs homologues étrangers. Au-delà des relents de protectionnisme, cette disposition compliquera les émissions globales d’action et fera supporter le gros des risques aux acteurs suisses.
Les règles sur le maintien du capital constituent le volet le plus critiquable du projet. La révision maintient la réserve d’apport, qui à la lecture de la loi ne peut même pas être remboursée alors même que le projet flexibilise la réduction du capital. Il en va de même de l’abandon du critère de la mauvaise foi pour l’obligation de restituer les prestations indues qui expose les actionnaires, même de bonne foi, à devoir rembourser des dividendes payés alors que l’assise financière de la société n’était pas suffisamment solide. En revanche, le projet a réintroduit la prescription quinquennale du droit en vigueur et s’agissant de l’art. 678 al. 2 CO requiert que la disproportion soit manifeste. Par ailleurs, le projet reconnaît l’institution du dividende intermédiaire, qui permet de verser une part du bénéfice de l’exercice en cours pour autant qu’il soit attesté dans un bilan intermédiaire ayant fait l’objet d’un contrôle restreint.
Si les règles sur le maintien du capital sont problématiques, celles sur les devoirs d’annonce en cas de perte de capital ou de surendettement le sont nettement moins : le projet renonce à exiger l’avis immédiat au juge en cas de surendettement, ce qui, conformément à la jurisprudence actuelle, permet de mener à bien un assainissement extrajudiciaire. De même, le projet n’exige plus un dépôt de bilan en cas d’insolvabilité, laissant la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite régler cette question. Ainsi, ce pan du droit permet de maintenir une certaine flexibilité nécessaire pour réorganiser les sociétés en difficulté.
Si les règles sur la protection du capital deviennent plus strictes, il convient de noter que la responsabilité des réviseurs sera allégée, non par un plafonnement, mais par une exception à la solidarité entre auteurs d’un dommage : le message prévoit ainsi, en cas de solidarité notamment avec des organes de gestion, de limiter la responsabilité des personnes chargées de la révision en cas de négligence au montant dû dans les rapports internes, ce qui de fait réduit substantiellement leurs risques.
S’agissant du droit comptable, dernier volet du projet, notons, sans entrer dans les détails, que le projet renonce à inverser le principe d’autorité du bilan, qui aurait fait primer l’avis des autorités fiscales.
En définitive, ce projet de révision promet des innovations intéressantes, mais aussi recèle des problèmes, qui, espérons-le, seront corrigées par le parlement. En tout cas, malgré ces ambitions affichées, ce projet ne sera pas le dernier en la matière et il en fait guère de doute que certains volets, notamment la question du droit de vote des actions dispos ou la structure du capital, feront l’objet de nouvelles révisions.