Décision du Handelsgericht ZH en matière de rétrocessions
Claude Bretton-Chevallier
Dans sa décision du 26 juin 2007, le Handelsgericht de Zurich (ZR 107/2008 p. 129) avait à juger de l’action d’un client contre son gérant indépendant, tendant à ce que celui-ci soit, dans un premier temps, condamné à lui rendre compte des rétrocessions perçues de la banque dépositaire, puis, dans un second temps, à les lui restituer. Les parties avaient conclu, en avril 1997, un contrat de gestion de fortune, et le client, sur conseil du gérant avait ouvert un compte auprès de la banque A. Le contrat d’avril 1997 fut remplacé, en octobre 2003 par un nouveau contrat, que le client a révoqué quelques 5 mois plus tard. Le second contrat contenait la clause suivante (en traduction libre) : « Le client a connaissance du fait qu’une partie des courtages et commissions résultant de son dépôt sont créditées par la banque au gérant indépendant au titre de rétrocessions. Le gérant n’a aucune obligation de rendre compte à ce sujet ». Une quinzaine de jours avant la conclusion du deuxième contrat, le gérant avait envoyé au client un courrier précisant qu’il avait perçu CHF 8645,50.- de rétrocessions pour la période janvier 2001 à juin 2003.
L’application de la jurisprudence du Tribunal fédéral de mars 2006 sur les rétrocessions (ATF 132 III 469, cf. actualité n° 446), par le Handelsgericht de Zurich a mis en exergue certaines questions en suspens.
Tout d’abord, qu’est-ce qu’une information complète et exacte sur les rétrocessions attendues ? Le TF a érigé cette information en une des deux conditions préalables et cumulatives à la validité d’une renonciation du client à la restitution des rétrocessions (l’autre condition étant la volonté clairement exprimée du client de renoncer à la restitution). Le TF n’en a pas précisé l’étendue. Il s’est limité à souligner que l’objectif de l’information était de permettre au client d’estimer le montant des rétrocessions. Dans cette perspective, la seule connaissance de l’existence de rétrocessions, du montant de la fortune gérée et des honoraires de gestion était insuffisante. Pour le TF, le montant des rétrocessions dépendait au moins de deux autres facteurs complémentaires : le nombre d’opérations et les bases de calcul de la part rétrocédée par la banque dépositaire au gérant indépendant. Retenant l’objectif visé par l’information, le Handelsgericht du Zurich a considéré que le client qui, avant de signer le contrat d’octobre 2003, avait reçu un courrier de son gérant lui indiquant que, pour la période de janvier 2001 à juin 2003, il avait perçu CHF 8645,50.- de rétrocessions, pouvait, en mettant ces chiffres en relation avec la valeur de son dépôt, procéder à une estimation suffisamment précise pour renoncer valablement aux rétrocessions futures. Le Handelsgericht de Zurich a donc jugé qu’une information complète et exacte pouvait consister en un résultat (montant des rétrocessions effectivement perçues dans le passé), et non seulement en des bases de calcul, comme l’avait suggéré le TF, suivi en cela par le projet de circulaire de la CFB « Règles-cadres pour la reconnaissance de l’autoréglementation en matière de gestion de fortune comme standard minimal ». On lit en effet au ch. 30 de ce projet : « Le gérant de fortune informe ses clients des paramètres de calcul et des fourchettes de valeurs des prestations de tiers pour chaque catégorie de produit. »
Si l’on suit la décision zurichoise, on pourrait imaginer que les gérants présentent aux clients des tableaux de montants annuels moyens de rétrocessions, variant en fonction de la masse sous gestion et probablement du profil choisi, à l’instar des performances historiques des différentes politiques de placement montrées au client, pour lui donner une idée des revenus qu’il peut attendre du profil qu’il s’apprête à choisir.
Deuxième question : à quoi le client peut-il valablement renoncer ? L’ATF de mars 2006 traitait de la renonciation à la restitution (Ablieferung) des rétrocessions. Le Handelsgericht de Zurich a eu, du fait du libellé contractuel, à se prononcer sur la renonciation à la reddition de comptes, à l’information (Rechenschaft) sur les rétrocessions. En bonne logique, les juges zurichois ont conclu que la renonciation à la reddition de compte sur les rétrocessions et la renonciation à la restitution desdites rétrocessions, s’excluaient réciproquement au vu des conditions posées par le TF à la validité de la seconde. Cette conclusion ouvre une autre question : si le client renonce valablement à la restitution des rétrocessions, doit-il néanmoins être informé périodiquement du montant effectif de celles-ci ? Le projet de circulaire de la CFB donne une première réponse : « A la demande de ses clients et dans la mesure où elles peuvent être réparties individuellement avec des efforts raisonnables, le gérant de fortune rend en outre compte de l’importance des prestations déjà reçues de tiers (par exemple les rétrocessions sur les courtages ou les frais de dépôt). » (ch. 31).
Une certitude demeure, le débat sur les rétrocessions n’est pas clos.