Aller au contenu principal

Activités financières transfrontalières entre la Suisse et les Etats-Unis

Nouvelles obligations d'information à charge des intermédiaires financiers bénéficiant de clients américains

En date du 18 mars 2010, le Président américain a promulgué le Hiring Incentives to Restore Employment Act (le « HIRE Act »). Sous ce titre en apparence anodin se cache un arsenal de mesures qui auront un impact considérable sur l’activité de tous les intermédiaires financiers non-américains qui comptent parmi leurs clients des contribuables américains. Si ces dispositions, inspirées du projet de Foreign Account Tax Compliance Act, ne visent pas un ordre juridique en particulier, la Suisse devrait être affectée en raison du conflit prévisible entre la transparence exigée par le HIRE Act et les règles suisses en matière de confidentialité et de protection des données.
Le HIRE Act introduit dans le droit fiscal américain de nouvelles dispositions en vertu desquelles, à compter du 1er janvier 2013, tout intermédiaire financier non-américain (foreign financial institution) sera contraint de transmettre aux autorités fiscales américaines des informations sur les avoirs détenus par la clientèle américaine. Ces nouvelles obligations viennent s’ajouter à celles applicables aux institutions financières qui ont été reconnues en qualité de « qualified intermediary » (accord QI). Le HIRE Act contient également des dispositions consacrées aux obligations d’information à charge des entités non-américaines qui ne sont pas actives dans le secteur financier (non-financial foreign entity), celles-ci ne seront toutefois pas traitées dans le cadre de cette Actualité.
Sous réserve de certaines exceptions, le terme d’intermédiaire financier soumis au HIRE Act vise toute entité incorporée en dehors des Etats-Unis (i) qui accepte des dépôts dans le cadre d’une activité bancaire, (ii) dont une part significative de l’activité consiste en la détention d’actifs financiers pour le compte d’autrui ou (iii) qui déploie une activité en matière de négoce de valeurs mobilières, de matières premières ou de produits financiers dérivés des actifs précités. Dans une perspective suisse, les banques, les assurances, les négociants en valeurs mobilières, les gérants de fortune indépendants, les directions de fonds, les véhicules de placements collectifs (SICAFs, SICAVs, sociétés en commandite de placements collectifs) et les négociants en matières premières devraient tomber dans le champ d’application du HIRE Act, pour autant naturellement que ces entités bénéficient de clients ou d’investisseurs américains.
La clé de voûte de ce nouveau système de transmission d’informations est la conclusion d’un « accord » entre les autorités américaines et l’intermédiaire financier concerné, en vertu duquel ce dernier s’engage à dévoiler, sur une base annuelle, des informations sur les « comptes » (financial accounts) détenus par un contribuable américain ou par une entité juridique non-américaine dans laquelle, en substance, un contribuable américain détient une participation de plus de 10 % du capital ou des droits de vote. La définition du terme de « compte » dans le HIRE Act vise les relations de dépôt classiques (depository and custodial account) ainsi que la détention de titres de participation ou de dette non-cotés émis par un intermédiaire financier. Les informations que l’intermédiaire financier devra transmettre aux autorités américaines pour chacun de ces « comptes » incluent notamment le nom de la contrepartie, son adresse, son numéro de contribuable américain, le solde ou la valeur du « compte », les informations sur les transferts effectués depuis ou vers le « compte », ainsi que toute information additionnelle requise par les autorités américaines. Des normes d’exécution, actuellement en cours d’élaboration par le Trésor américain, viendront préciser le champ d’application et la portée de ces obligations.
Le législateur américain a considéré que les éventuelles règles de confidentialité applicables dans l’Etat d’origine de l’intermédiaire financier concerné (en Suisse typiquement le secret bancaire) ne sauraient constituer un obstacle à la transmission d’informations en vertu du HIRE Act. L’intermédiaire financier doit obtenir de ses clients américains une renonciation (waiver) à la protection conférée par l’ordre juridique de l’Etat dans lequel l’intermédiaire financier est incorporé. A défaut, la relation-client doit être clôturée.
Un intermédiaire financier qui accepte de se soumettre au régime de transparence du HIRE Act devra non seulement dévoiler les « comptes » des contribuables américains qu’il détient dans ses propres livres, mais également les relations que d’autres entités du même groupe de sociétés entretiennent avec des contribuables américains (expanded affiliated group reporting). Cette approche consolidée créera sans doute des difficultés pour les groupes financiers internationaux disposant de filiales dans un ordre juridique imposant des règles de confidentialité accrues (tel que la Suisse).
Les intermédiaires financiers non-américains qui n’adhérent pas au système prévu par le HIRE Act ou qui en violent les termes se verront soumis à un impôt à la source (withholding tax) de 30 % sur tous les revenus de source américaine, que l’intermédiaire financier reçoive ces revenus pour son propre compte ou pour le compte de clients. A teneur du HIRE Act, cet impôt frappera notamment les intérêts, les dividendes, toute autre forme de rémunération ainsi que le produit brut généré par la cession de titres de participation ou de dette américains. Il incombe au débiteur d’une prestation imposable (withholding agent) de retenir cet impôt. Si la retenue grève un paiement destiné à l’intermédiaire financier étranger, ce dernier ne pourra obtenir un remboursement que dans la mesure où il peut se prévaloir d’un plafond d’imposition prévu dans une convention de double imposition. Le montant remboursé en vertu d’un éventuel mécanisme conventionnel ne porte pas intérêt. Pour le surplus, les modalités pratiques du remboursement de cette taxe dépassent le cadre de cette Actualité et devront par ailleurs être précisées dans de futures directives de l’administration américaine.
De par son caractère unilatéral et extraterritorial, le HIRE Act contourne les mécanismes traditionnels d’entraide en matière fiscale. Ce nouveau dispositif révèle la volonté du Congrès américain d’intégrer tous les acteurs des marchés financiers dans le processus de collecte d’informations relatives aux avoirs de contribuables américains. Cette nouvelle arme dans l’arsenal de l’administration américaine pourrait toutefois s’avérer être à double tranchant. Il deviendra sans doute plus difficile pour un contribuable américain, personne physique ou morale, d’obtenir des services financiers en dehors des Etats-Unis. De plus, la menace d’une taxe de 30 % sur les revenus de source américaine contribuera sans doute à réduire l’attractivité des marchés des capitaux américains, à une époque où des places financières concurrentes se profilent en Europe et en Asie.