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Prime de contrôle dans le droit des OPA

Le chant du cygne ?

L’instauration par le législateur de 1995 d’une prime de contrôle dans le système des offres publiques d’acquisition obligatoires s’est vite avérée être une pomme de discorde. Bon an mal an, cette curiosité typiquement helvétique a toutefois perduré malgré de vertes critiques, mais semble aujourd’hui concrètement menacée.
Le Secrétariat d’Etat aux questions financières internationales SFI vient en effet de lancer une audition, ouverte jusqu’au 24 février 2011, auprès des milieux concernés dans le but d’examiner si la proposition formulée par la COPA le 21 janvier 2011 – dans le cadre du projet de modification de la loi sur les bourses (délits boursiers et abus de marché) – de supprimer la prime de contrôle mérite d’être suivie.
De lege lata, la prime de contrôle est consacrée à l’art. 32 al. 4 LBVM, qui prévoit que le prix offert dans le cadre d’une OPA obligatoire doit être au moins égal au cours de bourse, sans être inférieur de plus de 25 % au prix le plus élevé payé par l’offrant pour des titres de la société visée dans les douze mois précédant l’offre. Ce faisant, il autorise l’offrant à payer une prime susceptible d’atteindre, au plus, 33 % du prix de l’offre. Le législateur considère qu’une participation conférant le contrôle sur la société revêt une valeur économique quantifiable.
Ce système, qui constitue une brèche dans le principe d’égalité de traitement, a été sérieusement remis en question dans le cadre de l’offre d’Aquamit B.V., présentée le 2 juin 2009, sur Quadrant AG. D’abord, une interpellation au Conseil fédéral a été déposée le 12 juin 2009 par le parlementaire Hans Kaufmann. La COPA lui a emboîté le pas moins d’une année plus tard, et annoncé, dans son communiqué d’avril 2010 concernant la modification de la LBVM, son intention d’ouvrir la réflexion sur une éventuelle suppression de la prime de contrôle. La COPA vient de formuler une proposition en ce sens dans sa prise de position, susmentionnée, du 21 janvier 2011.
La COPA explique que la prime de contrôle ne se justifie plus. Elle rappelle d’abord que l’art. 24 al. 2 LBVM oblige l’offrant à traiter sur un pied d’égalité tous les détenteurs de titres de la même catégorie. Elle relève ensuite que la prise de contrôle d’une société est, dans les faits, assurée au moyen de l’acquisition préalable d’une participation majoritaire. Il s’ensuit que l’offre est reléguée au rang de figure imposée, l’offrant se préoccupant plus du prix payé pour l’acquisition préalable d’une participation de contrôle que de celui de l’offre.
La COPA relève, par ailleurs, qu’il n’est pas établi que la prime de contrôle bénéficie au seul actionnaire de contrôle. La prime peut être versée en rapport avec n’importe quelle acquisition préalable. La prime payée par l’offrant ne rémunère donc pas nécessairement l’acquisition du contrôle, ce qui met à mal la justification économique de ce système. Enfin, la COPA estime que la suppression de la prime de contrôle ne devrait pas conduire à une paralysie du marché des prises de contrôle. Elle explique que la valeur de la prime serait simplement répercutée sur le prix de l’offre, profitant ainsi à tous les actionnaires.
Dans son rapport, la COPA formule deux propositions de modification du système existant : la première, radicale, de supprimer purement et simplement la prime de contrôle ; la seconde, subsidiaire, d’en limiter le champ d’application aux seules acquisitions de participations conférant effectivement le contrôle.
La première proposition de la COPA prévoit que le prix de l’offre doit être égal ou supérieur au cours de bourse (VWAP) et au prix le plus élevé payé par l’offrant pour des titres de participation de la société visée dans les douze mois précédant l’offre. Une telle réforme présenterait les avantages suivants : (i) garantir une égalité de traitement absolue entre les actionnaires, (ii) rendre notre système de paiement du prix de l’offre euro-compatible, (iii) limiter le problème de l’illiquidité des titres, respectivement son évaluation par un organe de contrôle, déjà discuté par l’affaire Harwanne (Rashid Bahar, Actualité n° 678).
Toutefois, la suppression définitive de la prime de contrôle aurait son revers de médaille. Elle limiterait d’une part la liberté contractuelle, empêcherait d’autre part de tenir compte de la valeur économique des parts cédées, sans compter qu’elle ne permettrait plus de dédommager l’actionnaire cédant pour certaines prestations accessoires (Representations and Warranties).
La seconde proposition de la COPA consiste, sans supprimer la prime de contrôle, à en limiter l’attribution aux seuls transferts de participations de contrôle, le point crucial étant de définir cette notion. La COPA estime que celle-ci devrait correspondre à 33⅓ % des droits de vote de la société visée, par analogie avec l’art. 32 al. 1 LBVM. Une refonte du système dans le sens de cette proposition reviendrait à (i) épouser la volonté historique du législateur, (ii) préserver la liberté contractuelle des acteurs, (iii) maintenir la reconnaissance économique du contrôle, (iv) sauvegarder la possibilité de rémunérer des prestations accessoires, mais sacrifierait néanmoins une conception absolue du principe d’égalité de traitement.