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Obligation d’annoncer une participation

Le TF confirme la position du TAF selon laquelle l’abaissement du seuil déterminant de l’art. 20 al. 1 LBVM s’est accompagné d’un « oubli » du législateur

La modification de l’art. 20 al. 1 LBVM, entrée en vigueur le 1er décembre 2007, a soulevé un problème de droit transitoire étant donné que dans sa version précédente la règle ne prévoyait aucun devoir d’annonce en dessous d’un seuil de détention de 5 %. En particulier, comment traiter les actionnaires qui détenaient, lors de la modification législative, une participation supérieure au seuil de 3 %, mais inférieure au seuil de 5 % ? Ceux-ci devaient-ils s’annoncer pour la seule raison de l’abaissement du premier seuil de participation de 5 % à 3 %, indépendamment du fait qu’ils aient procédé – ou non – à toute opération depuis l’entrée en vigueur de la loi ?

Cette question a été tranchée dans le cadre d’une demande d’exemption présentée à l’Instance pour la publicité des participations de SIX Swiss Exchange SA (IPP) par une société anonyme contrôlée par une fondation de famille, qui détenait ainsi indirectement plus de 3,2 % des titres de la société cotée « T ». L’exemption a été refusée, et l’IPP a émis une recommandation prônant non seulement la publication d’informations relatives à la société et à la fondation, mais aussi aux membres de la famille bénéficiant des prestations de celle-là. Le rejet de la recommandation de l’IPP a conduit à une procédure devant l’ancienne CFB, qui a confirmé l’opinion de l’IPP. La société détentrice des titres, la fondation de famille et une personne physique (ensemble : les recourants) se sont plaints au Tribunal administratif fédéral en arguant notamment qu’en tant que simples investisseurs passifs, ils n’entraient pas dans le champ d’application de l’art. 20 al. 1 LBVM. Le TAF a rendu son arrêt le 20 juillet 2010 (B-7126/2008).

Au-delà de la question de droit transitoire que posait l’abaissement du seuil, dès lors qu’un état de fait durable (la détention d’une participation depuis 1964) était susceptible d’être soumis à une nouvelle situation juridique, il s’agissait principalement pour le TAF d’interpréter le nouvel art. 20 LBVM. A cet égard, le Tribunal a tout d’abord concédé que la lettre de la loi ne permettait pas de conclure à une obligation d’annonce du simple fait de détenir passivement, au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle disposition, des titres au-delà du seuil de 3 % des droits de vote. Le texte clair de l’art. 20 al. 1 LBVM indique en effet que l’obligation de déclarer prend naissance par le fait d’acquérir ou d’aliéner des titres ou des droits, avec pour conséquence que la participation franchit un des seuils mentionnés des droits de vote. C’est ainsi le résultat d’une opération d’acquisition ou d’aliénation qui donne lieu au franchissement de seuil.

Conjuguant ensuite approches téléologique, systématique et historique, le TAF a relevé qu’au moment de l’introduction du concept de publicité des participations importantes dans la loi sur les bourses, le législateur a accompagné le devoir d’annonce qui en découlait d’une disposition transitoire : l’art. 51 LBVM. Aux termes de celle-ci, « quiconque, à l’entrée en vigueur de la présente loi, détient une participation d’au moins 5 % des droits de vote d’une société anonyme ayant son siège en Suisse et dont les titres sont cotés en bourse doit l’annoncer, dans un délai de trois ans, à la société et aux bourses où les titres sont traités ». Le législateur entendait dès lors soumettre à l’obligation d’annonce la simple détention passive d’une participation importante, c’est-à-dire le fait d’avoir atteint ou franchi un seuil, du seul fait de l’entrée en vigueur de la loi. L’art. 51 LBVM venait ainsi compléter l’art. 20 LBVM. Cette disposition transitoire visait à garantir aux investisseurs la transparence de l’actionnariat et permettait de s’assurer que l’on ne négligeât pas les transactions effectuées avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi. En revanche, lorsqu’il a abaissé de 5 à 3 % le seuil minimal déclenchant une obligation d’annonce, le législateur n’a pas prévu de réglementation transitoire similaire à l’art. 51 LBVM. Pour le TAF, il s’agit ici d’une pure omission, non d’un silence qualifié. L’interprétation téléologique de l’art. 20 al. 1 LBVM ne laisse en effet aucun doute : l’obligation de déclarer concerne avant tout les franchissements de seuils et non les opérations (acquisitions ou aliénations) elles-mêmes. Une approche contraire aurait pour conséquence qu’un actionnaire détenant une participation qualifiée, lors de l’entrée en vigueur de la loi, aurait pu rester dans l’anonymat, ce qui conduirait à une inégalité de traitement injustifiée entre investisseurs actifs et passifs. L’obligation de déclarer les participations importantes n’atteint son but que si elle met en lumière tous les rapports de force en présence au sein d’une société. Il a ainsi conclu que les membres de la famille « A », investisseurs (passifs), ne pouvaient être traités différemment des autres investisseurs (actifs) : ils devaient s’annoncer.

Mécontents, les recourants ont porté cette décision devant le TF. Dans un arrêt destiné à la publication du 27 mai 2011 (2C_719/2010), celui-ci a confirmé la décision du TAF.

Le TF a suivi l’argument selon lequel, il ne s’agit pas d’asseoir une nouvelle obligation d’annonce non prévue dans la loi, mais de concrétiser les exigences accrues de transparence voulues par le législateur lors de la révision de l’art. 20 LBVM.

Par ailleurs, si le TF a reconnu que les recourants subissaient une atteinte dans leur droit constitutionnel à la protection de la sphère privée (Cst. 13), il a néanmoins jugé que celle-ci était justifiée en l’espèce (Cst. 36). D’abord, l’atteinte ne pouvait être considérée comme grave au sens de la jurisprudence, car la divulgation de données financières n’était pas de nature à affecter la considération sociale et économique des recourants, ni leur dignité ou leur honneur. Ensuite, l’intérêt public poursuivi par la LBVM (la transparence) l’emportait ici sur l’intérêt privé, car la possibilité pour les acteurs d’avoir une vue d’ensemble du marché ne pouvait être assurée qu’au prix d’une divulgation de l’identité des recourants. Enfin, l’atteinte n’était pas disproportionnée, étant entendu que les recourants pouvaient toujours réduire leur participation au dessous du seuil de 3 %, et ce, dans un délai approprié que leur fixerait la FINMA, s’ils désiraient préserver leur anonymat.