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Profession d’avocat

Admissibilité des sociétés anonymes d'avocats

Dans son arrêt 2C_237/2011 du 7 septembre 2012 destiné à la publication, le Tribunal fédéral a admis la possibilité pour les avocats de s’organiser sous forme de société anonyme et a autorisé l’inscription aux registres cantonaux des avocats employés par ces sociétés. L’affaire concernait les avocats d’une Étude saint-galloise, qui ont été radiés du registre cantonal après avoir transformé leur Étude en société anonyme. Cet arrêt confirme l’évolution jurisprudentielle d’autres cantons qui permettent actuellement aux avocats de s’associer sous forme de personne morale afin de limiter leur responsabilité personnelle.
La volonté des avocats de se regrouper au sein de personnes morales a déjà été reconnue par le législateur fédéral. Une motion parlementaire dans ce sens (n° 12.3372) a été déposée en mai 2012 auprès du Conseil fédéral.
La FSA s’est également penchée sur la question. Dans le but d’harmoniser le droit suisse, elle a proposé en février 2012 un projet de loi fédérale sur la profession d’avocat. Selon le texte du projet, les sociétés d’avocats pourront être constituées sous toute forme juridique prévue par le droit suisse (Art. 38ss), à condition de respecter certains critères supplémentaires, plus restrictifs que les dispositions du CO. Ainsi, selon ce projet, ne pourront être sociétaires que les personnes physiques (sauf exception prévue par l’art. 42 pour les sociétés holding) ; le but principal de la société devra se limiter à la prestation de services juridiques et aux activités qui lui sont liées ; les trois quarts au moins des droits de vote devront revenir à des associés qui devront être des avocats inscrits aux registres suisses et la participation de ces derniers devra atteindre au minimum deux tiers du capital propre de la société ; les décisions à tous les niveaux de la société devront être prises exclusivement à la majorité des voix des associés inscrits en Suisse (à l’exception des majorités plus strictes découlant des statuts ou de la loi) ; les associés devront être exclusivement des avocats inscrits, sauf exception admise par l’autorité de surveillance (Art. 41), et la société devra conclure une assurance responsabilité civile (Art. 39).
Le Tribunal fédéral a autorisé la constitution de ces sociétés en posant des critères plus restrictifs que la FSA. Comme il n’existe actuellement aucune réglementation explicite dans ce domaine, la question a été examinée sous l’angle de l’obligation d’indépendance régie par l’art. 8 al. 1 let. d de la loi sur la libre circulation des avocats (LLCA). Les juges ont refusé une interprétation littérale du texte, qui prévoit que les avocats ne peuvent être employés que « par des personnes elles-mêmes inscrites dans un registre cantonal ». Il résulte de l’esprit de la loi que le devoir d’indépendance ne fait pas obstacle à ce que les avocats soient employés par une société anonyme lorsque certaines conditions sont remplies.
Les juges retiennent que l’art 8 al. 1 let. d LLCA pose une présomption légale qui peut être renversée par la preuve du contraire. Selon le Tribunal fédéral, c’est la structure organisationnelle qui est déterminante pour évaluer la question de l’indépendance et non pas la forme juridique du consortium. Lorsque la société est détenue et dirigée exclusivement par des avocats inscrits aux registres suisses, l’indépendance des avocats employés est préservée. En l’occurrence, la société saint-galloise respectait ces conditions. En effet, la transmissibilité des actions était limitée aux avocats inscrits et la société ne pouvait être dirigée que par ses actionnaires.
En ce qui concerne l’exigence de l’exercice de l’activité sous sa propre responsabilité prévue par l’art. 12 let. b et c LLCA, le Tribunal constate qu’elle n’implique pas que l’avocat soit personnellement responsable.
Le dernier point soulevé était celui du risque de violation du secret professionnel par l’organe de révision. Le Tribunal fédéral a écarté cet argument en estimant qu’un tel risque n’existe pas, car ces organes sont également soumis à un devoir de secret (730b al. 2 CO). La question de savoir si les réviseurs pouvaient être qualifiés d’auxiliaires a été laissée ouverte. Enfin, l’impact de l’organe de révision doit être relativisé, dans la mesure où il existe d’autres institutions (hôpitaux, caisses maladie) qui sont également des sociétés anonymes et qui n’ont pas rencontré des problèmes en cette matière.
Vu la volonté croissante des avocats de s’organiser sous forme de personnes morales, il est probable que la jurisprudence récente marque une nouvelle étape importante dans le développement d’une loi régissant les formes d’organisation des sociétés d’avocats.