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Réformes structurelles du secteur bancaire de l’UE

Rapport Liikanen : Vers une séparation légale des banques européennes ?

Le 2 octobre 2012, le groupe d’experts de haut niveau, chargé par le commissaire européen Michel Barnier d’évaluer la nécessité de procéder à des réformes structurelles au sein des banques européennes afin de renforcer la stabilité et les performances du secteur bancaire de l’UE, a publié son rapport final (ci-après Rapport Liikanen, du nom du président du groupe d’experts et gouverneur de la banque centrale de la Finlande, M. Erkki Liikanen). Dans son rapport, le groupe a dû examiner la plausibilité d’une séparation légale, au sein des groupes bancaires, entre certaines activités particulièrement risquées et les activités de banque de dépôt, faisant ainsi écho aux propositions du Volcker Rule aux Etats-Unis et du Rapport Vickers au Royaume-Uni. Le rapport recommande un train de cinq mesures, qui s’inscrivent dans le cadre des reformes réglementaires globalement adoptées ou proposées après la crise financière de 2008.
Il faut rappeler que le Volcker Rule, introduit dans la section 619 du Dodd-Frank Act, prévoit des limites significatives aux activités de négociation des banques pour leur propre compte (avec des exemptions pour les services de couverture, les négociations de bonds du gouvernement américain etc.). La Réserve Fédérale prévoit un délai transitoire jusqu’au mois de juillet 2014 pour la mise en œuvre de la règle. Par contre, le rapport Vickers a exigé une séparation légale obligatoire entre les banques de dépôt et les entités actives dans le domaine du investment banking au sein du même groupe bancaire. Sur la base de ce rapport, le gouvernement britannique introduira des règles législatives d’ici à mai 2015.
Le rapport Liikanen propose un test sur deux niveaux afin de décider si les autorités devraient rendre obligatoire la séparation entre les activités de négociation pour propre compte ou d’une certaine importance (p.ex. positions sur actifs ou dérivés résultant d’activités de tenue du marché) et les autres activités bancaires. Dans un premier temps, les actifs détenus par une banque à des fins de transaction et disponibles à la vente devraient dépasser soit un seuil situé entre 15 % et 25 % du total des actifs de la banque soit un seuil absolu de 100 milliards d’euros. Dans un second temps, la Commission européenne devrait fixer un seuil, exprimé en pourcentage du total des actifs de la banque, afin de permettre aux autorités nationales de surveillance de se prononcer sur la nécessité d’une séparation en fonction de la proportion d’actifs auxquels s’appliquerait l’obligation de séparation. L’obligation de séparation ne couvrirait pas la fourniture de service de couverture, ni la prise ferme de valeurs mobilières, à des clients autres que des banques.
L’ensemble des activités particulièrement risquées devrait être assignées à une entité juridique distincte (entité négociatrice), qui pourrait opérer avec la banque de dépôt au sein d’une structure de holding bancaire. Cette entité négociatrice devrait aussi être soumise à l’ensemble des exigences règlementaires applicables aux établissements financiers de l’UE.
Par ailleurs, le rapport souligne l’importance des plans de redressement et de résolution, qui permettraient aux autorités nationales de réduire ou de supprimer les obstacles à la résolvabilité. Ces dernières devraient exiger une séparation plus significative d’activités que la séparation obligatoire évoquée ci-dessus, afin d’assurer la résolvabilité et la continuité opérationnelle des fonctions critiques de la banque.
Le rapport s’avère très favorable à l’utilisation par les banques d’instruments dédiés au renflouement interne (bail in). Toutefois, le groupe est d’avis qu’une définition plus précise serait nécessaire. Le rapport ajoute aussi qu’il serait préférable que les instruments admissibles aux fins de renflouement interne ne soient pas détenus par les banques elles-mêmes mais que leur détention devrait être réservée aux investisseurs institutionnels non bancaires.
En outre, le rapport propose au comité de Bâle d’appliquer dans ses travaux actuels des pondérations de risque plus fortes lors de la détermination des normes minimales de fonds propres, et d’imposer un traitement plus cohérent des risques dans les modèles internes établis par les banques. Il invite aussi la Commission européenne à envisager de nouvelles mesures concernant le traitement des prêts immobiliers dans le cadre des exigences de fonds propres.
Enfin, concernant la gouvernance et le contrôle au sein des groupes bancaires, le rapport demande des réformes qui visent, entre autres, au renforcement des capacités des organes d’administration et de direction à gérer et à superviser des banques complexes, à l’introduction de nouveaux régimes de rémunération des dirigeants et du personnel des banques et à l’amélioration de la qualité, de la comparabilité et de la transparence des informations publiées sur les risques bancaires.
Le rapport Liikanen adopte une approche “hybride” par rapport aux règles du Volcker Rule ou aux propositions du rapport Vickers ; une approche qui ne pourrait pas mettre en danger le futur du modèle universel d’organisation des banques européennes. La séparation proposée vise à empêcher que les fonds de la banque de dépôt ne servent à couvrir les pertes subies au sein de l’entité négociatrice, à éviter que la banque de dépôt ne consacre trop de prêts à d’autres activités financières et à réduire le degré d’interdépendance entre les banques et le système bancaire parallèle. Il faut rappeler que le rapport contient de simples recommandations. La Commission européenne est d’ores et déjà la seule autorité responsable de l’évaluation de ces propositions et de leur intégration dans son plan d’action concernant le futur du secteur bancaire de l’UE.