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Conseil en placement

Responsabilité de la banque mandataire

Le Tribunal fédéral devait examiner, dans une affaire ayant donné lieu à un arrêt rendu le 10 décembre 2012 (4A_444/2012) non destiné à la publication, la responsabilité contractuelle d’un conseiller en placement.
Une société panaméenne disposait d’un portefeuille d’environ 17.5 millions d’euros financé à 60 % par un crédit lombard. Les parties avaient conclu un contrat formel de conseil en placement prévoyant un profil d’investissement tendant à l’accroissement du capital, profil par lequel l’investisseur était disposé à accepter un risque de perte substantielle dans son portefeuille. L’investisseur avait placé 10.5 millions d’euros dans des obligations d’une société. Le conseiller avait toutefois et préalablement recommandé à ce dernier de placer un montant bien inférieur, en lui indiquant qu’il encourait un risque de défaut de la société émettrice dans les cinq ans à venir. Ayant subi une perte d’environ 1.2 millions d’euros par rapport au montant investi (10.5 millions d’euros), l’investisseur fait grief à son conseiller en placement d’avoir violé son devoir de diligence en lui permettant de concentrer des capitaux très importants sur un seul produit, au moyen d’un crédit lombard, presque deux fois supérieur à sa fortune totale. Ayant été débouté tant par le Tribunal de première instance du canton de Genève, que par la Chambre civile de la Cour de Justice, l’investisseur interjette un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral.
De prime abord, le Tribunal fédéral souligne que le pouvoir décisionnel du client constitue le principal critère de distinction entre le conseil en placement et le contrat de gestion de fortune.
Dans un second temps, les juges fédéraux examinent la portée des devoirs de renseignement, de conseil et de mise en garde d’un conseiller en placement. Plus particulièrement, le devoir de conseil se rapporte à l’opportunité d’effectuer un placement par rapport à la situation personnelle du client, de sorte que le conseiller doit se renseigner sur la situation personnelle du client et s’enquérir du degré de risque que ce dernier est prêt à assumer, avant de lui donner un conseil en placement. Le cas échéant, le conseiller peut devoir mettre en garde le client lorsque sa stratégie d’investissement n’est pas adéquate. La banque mandataire n’encourt cependant aucune responsabilité si l’investisseur persiste dans sa stratégie de placement malgré une mise en garde de la banque, ou même si ce dernier est simplement conscient des risques encourus. Et le Tribunal fédéral de préciser que les devoirs de renseignement, de conseil et d’avertissement du mandataire varient selon que les parties sont liées par un contrat de conseil en placement ou un mandat de gestion, le mandat de gestion étant plus contraignant pour la banque mandataire.
En l’espèce, selon notre Haute Cour, il ne suffit pas de constater que l’investissement, par son financement et sa concentration sur un seul produit, comportait objectivement des risques importants, pour en déduire une violation de l’obligation de diligence de la banque. En effet, l’investisseur avait pleinement conscience de ces risques au moment de l’investissement. Or, celui-ci n’a pas suivi les conseils de la banque, en pariant sur le fait que la société émettrice n’allait pas faire défaut. Dès lors, le Tribunal fédéral écarte le grief de la violation de l’obligation de diligence du conseiller en placement.
Il résulte de l’arrêt du Tribunal fédéral que l’investisseur n’est pas en droit d’invoquer la responsabilité du conseiller en placement une fois que son investissement a mal tourné, tout en étant initialement pleinement conscient des risques encourus avant le placement litigieux (‘‘wise after the event’’).
Nous saluons le fait que les parties dans l’arrêt précité avaient réglé leurs rapports de conseil en placement dans un contrat formel. Les parties doivent prendre le soin de préciser par contrat l’étendue des obligations du conseiller, notamment si ce dernier ne doit conseiller qu’au moment de l’investissement ou s’il doit surveiller pendant la durée des rapports tous les placements.
Nous pouvons toutefois reprocher aux juges de Mon Repos de ne pas avoir suffisamment pris en compte, lors de leur analyse, l’adéquation d’un conseil en placement en rapport avec la situation financière et personnelle de l’investisseur ainsi qu’avec ses objectifs d’investissement (aspect objectif du devoir de conseil).