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Droit de timbre d’émission

Imposition de la renonciation au dividende confirmée

Dans un arrêt non publié du 27 mai 2016 (2C_1095/2015), le Tribunal fédéral (TF) a confirmé sa jurisprudence relative au droit de timbre d’émission. Elle consacre une portée large des objets frappés par cet impôt, mais également des communications susceptibles d’interrompre la prescription en la matière.

A. SA (recourante) est une société inscrite au registre du commerce du Tessin, détenue par C. SA. Lors de contrôles de l’Administration fédérale des contributions (AFC) en 2010, il a été constaté qu’un poste du compte de pertes et profits de A. SA libellé « utile da rinuncia azionisti  » (excédent d’une renonciation d’actionnaires) indiquait un montant de CHF 1’790’151.22.

Après divers échanges, l’AFC a signifié, en date du 6 décembre 2012, à A. SA, qu’elle n’a pu vérifier si des versements supplémentaires ont été effectués selon les articles 5 al. 2 let. a et 8 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les droits de timbre (LT), respectivement des prestations appréciables en argent aux termes de l’article 4 al. 1 let. b de la loi fédérale sur l’impôt anticipé (LIA) et de l’article 20 de son ordonnance. Jusqu’à preuve du contraire, elle estime ces hypothèses réalisées. Par cette communication, l’AFC entendait aussi interrompre la prescription pour l’exercice fiscal 2007.

Le 29 janvier 2014, elle a demandé à la recourante le paiement de CHF 17’901.50 à titre de droit de timbre d’émission en relation avec un versement supplémentaire prenant la forme d’une renonciation de créance de la part de son actionnaire, C. SA. Suite au défaut de paiement dudit montant, l’AFC a émis une décision datée du 22 octobre 2014 imposant à A. SA le versement de cette somme, frais et intérêts moratoires en sus, rejetant ainsi l’opposition signifiée le 12 juin de la même année.

Saisie d’une réclamation, l’AFC a maintenu sa position le 2 février 2015, confirmée par le Tribunal administratif fédéral (TAF) le 2 novembre 2015. Les deux instances concluent que la créance fiscale n’était pas prescrite, que la reprise était justifiée, et que les conditions permettant un sursis à la perception ou la remise du droit n’étaient, en l’espèce, pas réunies. A. SA a alors interjeté un recours auprès du TF invoquant les griefs de l’exception de la prescription et de son interruption, et contestant l’imposition en tant que telle.

La créance fiscale évoquée se prescrit par cinq ans dès la fin de l’année civile au cours de laquelle elle a pris naissance (art. 30 al. 1 LT). Une interruption, à teneur de l’art. 30 al. 3 LT, advient chaque fois qu’une personne tenue au paiement reconnaît la créance fiscale et chaque fois qu’un acte officiel tendant à recouvrer la créance est porté à la connaissance du débiteur. A chaque interruption, un nouveau délai de prescription commence à courir. En reprenant par analogie le raisonnement relatif à l’art. 17 al. 3 LIA, de teneur identique à 30 al. 3 LT, le TF confirme qu’il est suffisant qu’une communication soit transmise au contribuable précisant qu’un état de fait résulte imposable, caractère reconnu in casu au courrier du 6 décembre 2012. Réfutant également le grief soulevé de manque de clarté quant à la période fiscale contentieuse, le TF confirme sa jurisprudence relative aux « actes officiels tendant à la fixation de la prétention fiscale » ou actes tendant au recouvrement qui doivent être interprétés largement, et précise qu’il n’est pas nécessaire que les circonstances susceptibles de comporter une reprise fiscale y soient entièrement mises en exergue, ni que le montant précis de la créance fiscale de l’autorité soit indiqué (cf. notamment arrêt 2C_379/2010 du 19 novembre 2010).

Quant à l’imposition, notre Haute Cour relève que le TAF se fonde sur des renvois à la comptabilité de la recourante, nullement contestés. Dès lors, étant liés par les faits, les juges de Mon-Repos confirment le caractère imposable en présence, précisant leur jurisprudence (notamment 2C_115/2007 du 11 février 2008) afférente à l’art 5 al. 2 let. a LT. Cette disposition ne vise pas uniquement les versements supplémentaires assimilés à la création de droits de participation, mais plus généralement tout avantage économique octroyé à une société, parmi lesquels figure l’abandon de créance d’un actionnaire en sa faveur, ou encore, la renonciation au prélèvement d’un dividende exigible. Conformément à la présomption d’exactitude dont jouissent les écritures comptables, la renonciation au dividende en faveur de A. SA s’inscrit dans le cadre de la relation d’actionnariat, est bien effectuée sans contreprestation, partant soumise au droit de timbre.

Le TF fait également siennes les considérations de l’instance précédente, en écartant soit l’hypothèse d’une renonciation à la perception du droit de timbre par l’AFC sur les versements supplémentaires des associés, tels abandons de créances, apports de capital, dans le cadre de la liquidation formelle de la société (Circulaire AFC n. 32 du 23 décembre 2010 ch. 3.3.4), soit l’application de l’art. 6 al. 1 let k LT, car la renonciation en question ne permettait pas d’éliminer les pertes existantes. Aucun assainissement n’étant à relever en l’espèce, la possibilité d’un sursis à la perception, voire la remise du droit (art. 12 LT), ne sont pas réalisées. L’AFC ne peut donc pas renoncer à la perception du droit de timbre.

En définitive, notre Haute Cour confirme une ample conception de l’objet du droit d’émission, étendu à tout avantage économique octroyé à une société par son actionnaire, outrepassant la lettre de la loi. Cette position s’avère d’autant plus intéressante, alors que la suppression du droit de timbre d’émission sur le capital propre devra être débattue aux Chambres fédérales.