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Garantie d'activité irréprochable

Quelle responsabilité de la FINMA ?

L’arrêt commenté n° A-5973/2015 rendu par le TAF le 1er septembre 2017 précise les conditions strictes de l’engagement de la responsabilité de la FINMA, qui n’est pas retenue  en l’espèce.

En 2010, la FINMA a ouvert une procédure contre la recourante qui avait repris la gestion d’une société en 2007 et a constaté qu’elle n’offrait plus la garantie d’une activité irréprochable. Ce constat a été annulé en 2013 par le TAF en raison d’une violation du devoir de motivation (TAF, 2 septembre 2013, ATAF 2013/56). La FINMA a tout de même ajouté la recourante sur sa liste de surveillance (watch list) dès 2013. La recourante a donc introduit une action en responsabilité contre la FINMA concernant ses deux décisions : celle de 2010 relative à la garantie d’activité irréprochable et celle de 2013 relative à la liste de surveillance. Ces décisions auraient eu un impact sur sa carrière et sur sa santé. La FINMA a considéré que sa responsabilité n’avait pas à être engagée. Partant, le TAF a cherché dans la présente décision à savoir « si c’est à bon droit que la FINMA a estimé que les conditions de sa responsabilité n’étaient pas réalisées » (c. 3.4).

A cette fin, le tribunal rappelle les conditions de responsabilité de la FINMA, puis les applique en l’espèce.

La FINMA, institution indépendante de l’administration, répond elle-même des dommages qu’elle cause à des tiers à travers ses organes et ses employés en vertu de la LRCF (c. 6.1). Plus précisément, le TAF rappelle que « la Confédération répond du dommage causé sans droit à un tiers par un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions. La responsabilité de la Confédération fondée sur cette disposition est de nature causale, ce qui signifie que le lésé n’a pas à établir l’existence d’une faute de l’agent responsable ; il lui suffit de faire la preuve d’un dommage, d’un acte illicite, ainsi que d’un rapport de causalité adéquate entre ces deux éléments. Ces conditions sont cumulatives ; si l’une d’elles fait défaut, l’action en responsabilité doit être rejetée » (c. 6.2 ; voir ég. c. 6.3).

Il convient de noter que le TAF s’attache seulement dans sa décision à analyser la condition de l’acte illicite, qui en l’espèce n’est pas remplie. Puisque les conditions sont cumulatives, nous laisserons de côté les questions du dommage et du rapport de causalité.

S’agissant de l’acte illicite, en vertu de l’art. 19 al. 2 LFINMA, l’autorité et les personnes qu’elle a mandatées sont responsables uniquement aux conditions cumulatives d’une violation des devoirs essentiels de fonction et du fait que l’assujetti n’a pas causé les dommages en violant ses propres obligations. Si le fait dommageable porte atteinte à un droit absolu (vie, santé, droit de propriété), « l’illicéité est d’emblée réalisée, sans qu’il soit nécessaire de rechercher si et de quelle manière l’auteur a violé une norme » (c. 6.4.3). Notons qu’en l’espèce, « le constat négatif relatif à la garantie d’une activité irréprochable constitue une atteinte à des droits fondamentaux protégés par la Constitution, sans toutefois [porter atteinte] à des droits absolus », l’illicéité n’est donc pas réalisée d’emblée (c. 8.3.3).

Le TAF va appliquer ces dispositions aux deux décisions de la FINMA.

Concernant la décision de 2010 de la FINMA, celle-ci a certes violé le devoir de motivation, mais pour le TAF cela ne suffit pas en soi à réaliser la condition de l’illicéité (c. 8.2.2). En effet, pour la FINMA, seule une violation d’un devoir essentiel à l’exercice d’une fonction est de nature à rendre une de ses décisions illicites. Pour le tribunal, il faut donc se demander si en ne motivant pas sa décision, la FINMA a violé un devoir essentiel de fonction (c. 8.3).

Bien que l’arrêt ne soit pas clair sur ce point, le TAF semble donner un faisceau d’indices au titre duquel un défaut de motivation constituerait une violation d’un devoir essentiel de fonction (c. 8.3.3, 8.4) : le droit d’être entendu devrait être entièrement violé, la FINMA devrait chercher à soustraire ses décisions à un examen matériel de la garantie d’une activité irréprochable en usant de violations formelles. En l’espèce, concernant le droit d’être entendu, le TAF estime qu’il a été respecté car il existe un recours contre la décision constatant qu’une personne n’offre plus la garantie d’une activité irréprochable et ce constat a été effectué « au terme d’une procédure d’enquête au cours de laquelle le droit d’être entendu a été respecté ». Concernant l’examen matériel, aucun élément en l’espèce ne laisse à penser que la FINMA, malgré la légèreté de sa motivation, voulait soustraire sa décision de 2010 à un examen au fond. Le défaut de motivation n’étant pas tel qu’il viole un devoir essentiel de fonction, l’illicéité n’est pas retenue.

Il convient de souligner que l’application de ce faisceau d’indices laisse peu de chance au recourant : d’une part, le droit d’être entendu ne sera finalement jamais violé car il existera toujours un recours contre le constat négatif relatif à la garantie d’une activité irréprochable (c. 3.3.3) et d’autre part, la preuve du caractère frauduleux de la décision de la FINMA est difficile à établir.

Concernant la décision de 2013, qui met la recourante sur la liste de surveillance, le TAF rappelle qu’il s’agit d’un fichier regroupant les données des personnes ne présentant pas toutes garanties d’une activité irréprochable (relatives à l’identité, à la situation professionnelle, aux poursuites). En l’espèce, les données collectées n’étant pas illicites, la condition de l’illicéité n’est pas remplie (c. 9.3.3.3). Notons que depuis 2017 les données enregistrées sur la watch list sont strictement délimitées, ce qui pourra avoir une influence à l’avenir sur l’engagement de la responsabilité de la FINMA, moyen qui pourra mieux prospérer que la violation du droit d’être entendu.