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Confiscation

La violation du droit de la surveillance ne paye pas

Ne peuvent être déduits du gain acquis en violation du droit de la surveillance et en conséquence confiscable sur la base de l’art. 35 LFINMA que les frais effectivement engagés pour la réalisation de ce gain. Ainsi en a jugé le Tribunal fédéral (TF) dans un arrêt du 20 mars 2019 (2C_422/2018). Ce faisant, le TF s’est rallié à la position de la FINMA.

Par ordonnance du 7 octobre 2016, la FINMA a constaté que Falcon Private Bank SA avait gravement enfreint les dispositions en matière de blanchiment d’argent dans le contexte du scandale 1MDB. Elle a ordonné, entre autres mesures, la confiscation du gain acquis en violation du droit de la surveillance, soit un montant de CHF 2’523’365.-.

Saisi par la banque, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a partiellement admis le recours et a réduit la somme confisquée à CHF 1’772’044.- (B-6952/2016 du 3 avril 2018, commenté in Christophe Chatelanat, cdbf.ch/1002). Contrairement à la FINMA, il a estimé que les frais généraux d’exploitation, qui auraient de toute façon été engagés même sans la violation du droit de la surveillance, sont déductibles du gain confiscable en vertu de l’art. 35 LFINMA (consid. 2.1).

La FINMA a recouru au TF contre cette décision.

Dans son arrêt, le TF rappelle que la confiscation de l’art. 35 LFINMA ne revêt pas un caractère pénal mais constitue une mesure administrative visant au rétablissement de l’ordre légal. La notion de gain au sens de cette disposition ne repose pas sur la différence entre revenus et frais mais sur les principes qui régissent la restitution de l’avantage perçu, tels que développés en matière d’enrichissement illégitime (art. 62 CO) ou de gestion d’affaires sans mandat dite « égoïste » (art. 423 CO) (consid. 2.3).

Dans le cadre de cette dernière institution juridique, le profit perçu par le gérant et que ce dernier est tenu de remettre au maître conformément à l’art. 423 CO se calcule selon la méthode du gain net. Les dépenses effectivement engagées pour la réalisation du profit doivent être déduites. Ne sont en revanche pas compris les coûts fixes ou les frais généraux qui auraient de toute façon été engagés (consid. 2.4).

Le calcul du montant confiscable au sens de l’art. 35 LFINMA doit s’effectuer de la même manière (consid. 2.5).

La non-déductibilité des frais généraux résulte d’ailleurs de la notion du « gain à restituer », qui renvoie à la différence entre le patrimoine effectif de celui qui a violé la loi et la valeur qu’aurait ce patrimoine en l’absence de la transgression (consid. 3.2.).

En l’espèce, Falcon Private Bank SA n’a (évidemment) pas fait valoir qu’elle n’aurait pas eu à supporter les CHF 751’321.- de coûts fixes sans la violation du droit de la surveillance (consid. 3.2.).

Le recours de la FINMA s’avère dès lors bien fondé.

La position du TF et de la FINMA nous semble la bonne, ne serait-ce que pour des motifs d’égalité de traitement. Déduire des frais généraux du gain confiscable sur la base de l’art. 35 LFINMA a pour conséquence que ces coûts fixes sont « couverts » par la violation du droit de la surveillance, là où ils devraient l’être par l’activité régulière de l’assujetti. En d’autres termes, celui qui transgresse le droit de la surveillance se trouve mieux loti que celui qui s’y conforme et la violation paye.

Si le TAF s’était également servi de la notion d’égalité de traitement dans son raisonnement, c’était en s’appuyant sur une constellation assez surprenante. Les juges saint-gallois avaient en effet estimé que si les frais généraux n’étaient pas déductibles, il en résulterait une différence de régime entre les banques qui transgressent le droit de la surveillance dans le cadre d’une structure en elle-même conforme aux prescriptions légales et celles qui créent une infrastructure spéciale pour la violation des règles prudentielles. Les premières ne pourraient pas déduire du gain confiscable les coûts liés à l’infrastructure, les secondes si (position résumée dans le consid. 3.1 de l’arrêt du TF).

Nous osons cependant croire que l’hypothèse de la banque qui créerait une structure spécifiquement destinée à la transgression de prescriptions légales, telle qu’envisagée par le TAF, est suffisamment marginale pour ne pas en tenir compte dans l’interprétation de la notion de gain confiscable au sens de l’art. 35 LFINMA. Si une telle situation « pathologique » devait néanmoins se présenter, les autres mesures d’enforcement à disposition de la FINMA veilleront quoi qu’il en soit à ce que l’établissement qui abrite ce type d’infrastructure ne soit pas globalement mieux traité que les autres.