Aller au contenu principal

L-QIF

Un nouveau venu dans la famille des placements collectifs suisses

Le 26 juin 2019, le Conseil fédéral a ouvert une consultation relative à la modification de la Loi fédérale sur les placements collectifs de capitaux du 23 juin 2006 afin d’y introduire un nouveau type de placements collectifs, le Limited Qualified Investor Fund dit « L-QIF », lequel ne sera pas soumis à l’obligation d’obtenir une autorisation ou une approbation de la FINMA. Le L-QIF a vocation à constituer l’alternative suisse à certains fonds étrangers, notamment les Reserved Alternative Investment Funds (RAIF) luxembourgeois, lesquels ne sont pas soumis au régime d’autorisation ou de surveillance de la Commission de Surveillance du Secteur Financier (CSSF), mais qui doivent nommer un gestionnaire autorisé (« AIFM ») conformément à la directive européenne 2011/61/UE (AIFMD), telle que transposée en droit luxembourgeois.

Définition

Conformément à l’art. 118a al. 1 AP-LPCC, le L-QIF sera un placement collectif au sens de l’art. 7 al. 1 LPCC qui sera (i) exclusivement réservé aux investisseurs qualifiés (art. 10 al. 3 et 3ter nLPCC), (ii) non soumis à l’autorisation/approbation ou à la surveillance de la FINMA, et (iii) dont l’administration sera exercée directement ou indirectement (délégation) par une direction de fonds.

Il sera également possible de constituer des L-QIF à investisseur unique au sens de l’art. 7 al. 3 et 4 LPCC, une éventuelle délégation des décisions d’investissement à l’investisseur ne pouvant toutefois se faire qu’à la condition que ledit investisseur soit soumis à la surveillance de la FINMA (Rapport explicatif, p. 21-22).

Les L-QIF, à l’exception des L-QIF constitués sous forme de sociétés en commandite de placements collectifs (SCmPC), auront une banque dépositaire et toutes les formes de L-QIF seront auditées. Ces acteurs contribueront, en sus de la direction, à assurer une certaine surveillance du L-QIF.

Nouveau produit et nouvelle flexibilité

Le L-QIF pourra être un placement collectif ouvert ou fermé. Le L-QIF n’est pas une nouvelle forme juridique, puisqu’à teneur de l’art. 118c AP-LPCC, il ne pourra que revêtir l’une des formes juridiques déjà prévues par la LPCC.

Les prescriptions de placement du L-QIF, qui se veulent flexibles, seront définies par le Conseil fédéral. L’OPCC et l’OPC-FINMA seront également révisées en conséquence. Ces prescriptions devront être décrites dans le document constitutif du produit. En toute hypothèse, les L-QIF ne seront pas tenus d’établir un prospectus, conformément à la pratique actuelle de la FINMA pour les placements collectifs exclusivement réservés aux investisseurs qualifiés.

Investisseurs éligibles

Le cercle des investisseurs éligibles est limité aux investisseurs qualifiés. Compte tenu de l’absence d’approbation ou d’autorisation de la FINMA, cette limitation est justifiée du point de vue du droit de la surveillance. La notion d’investisseurs qualifiés est relativement large puisqu’elle couvre non seulement les investisseurs qualifiés « usuels » (réglementés, tels que les banques ou non réglementés tels que les institutions de prévoyance), mais également les clients privés fortunés dit « HNWI » et les structures     d’investissement privées instituées pour ces derniers, dès lors qu’une déclaration d’opting-out est valablement effectuée par l’investisseur concerné (art. 10 al. 3 nLPCC cum art 5 al. 1 LSFin).

Le Rapport explicatif rappelle également que les investisseurs ayant conclu un contrat de gestion de fortune écrit avec un intermédiaire financier soumis à surveillance au sens de l’art. 4 al. 3 let. a LSFin (voire un intermédiaire financier étranger soumis à une surveillance prudentielle équivalente), sont des investisseurs qualifiés, pour autant que ces investisseurs n’aient pas déclaré vouloir être traités comme des investisseurs non-qualifiés.

Le Rapport explicatif du Conseil fédéral ne traite explicitement que du contrat de gestion de fortune, alors que l’art. 10 al. 3ter nLPCC (tel que modifié par la LSFin) précise que la conclusion par un client d’un contrat de conseil en placement avec un intermédiaire habilité par la loi permet également de traiter le client comme un investisseur qualifié, sauf déclaration contraire de ce dernier. Cette omission ne devrait cependant rien changer à la systématique du texte légal, ce d’autant plus que le Rapport explicatif contient des références clairsemées à la notion de conseil en placement (Rapport explicatif, p. 13-14).

Administration, gestion et délégation

Indépendamment de la forme juridique du L-QIF, l’administration du L-QIF, ce par quoi il faut également comprendre les décisions de placement, sera effectuée par une direction. La délégation des décisions en matière de placement, de même que la sous-délégation, seront cependant possibles à certaines conditions, mais en principe uniquement à un gestionnaire de fortune collective suisse, voire étranger aux conditions prévues par l’AP-LPCC. Une exception limitée au principe de la délégation existe pour les SCmPC dont l’associé indéfiniment responsable est une banque ou une assurance. Les gestionnaires de minimis au sens de l’art. 17 al. 1 LEFin ne seront en revanche pas autorisés à gérer des L-QIF (Rapport explicatif, p. 23).

Conclusion

L’arrivée des L-QIF est sans nul doute une bonne nouvelle pour l’asset management en Suisse. L’absence de refonte du régime fiscal des placements collectifs et le retard pris par la Suisse face à ses concurrents en tant que place d’établissement pour les placements collectifs peuvent cependant venir tempérer l’enthousiasme. Certains pourraient également regretter la place prépondérante de la direction, mais cela serait oublier le poids historique des directions en Suisse et leur rôle concret en matière d’administration. Quoiqu’il en soit, l’initiative doit être saluée et il est à espérer que la consultation, qui court jusqu’au 17 octobre 2019, soit un succès.