Aller au contenu principal

FINMA

Légalité et conditions de la condamnation aux frais lors du classement d’une procédure d’enforcement

Le 4 mai 2020, le Tribunal fédéral, saisi de recours en matière de droit public, a rendu deux arrêts (TF 2C_839/2019 et 2C_959/2019) qui précisent sa jurisprudence sur la légalité et les règles applicables en matière d’attribution et de fixation des émoluments auprès de la FINMA. Ces arrêts traitent en particulier des frais dus par celui qui a provoqué l’ouverture d’une procédure de surveillance ayant finalement fait l’objet d’une décision de classement conformément à l’art. 5 al. 1 let. b de l’Ordonnance sur les émoluments et les taxes de la FINMA (Oém-FINMA).

Bien que les deux arrêts rendus ne portent pas sur des faits similaires, ils aboutissent tous les deux à l’admission des recours interjetés. Le premier arrêt a trait à l’imputation des frais d’une procédure d’enforcement – finalement classée – à l’encontre d’un courtier en devises ayant fait l’objet d’une procédure d’enquête individuelle de la part de la FINMA, à la suite de la condamnation de l’établissement bancaire pour lequel il travaillait. Le second arrêt concerne également une procédure d’enforcement ouverte par la FINMA à l’encontre d’un non-assujetti dont elle a considéré dans un premier temps que le modèle d’affaires tombait potentiellement sous le coup de la réglementation bancaire. La décision d’assujettissement y relative ayant été contestée avec succès par devant le Tribunal administratif fédéral et le Tribunal fédéral, la FINMA a dû finalement se résoudre à classer cette procédure, sans toutefois renoncer à imputer à celui qui l’avait provoqué les frais de la procédure, y compris ceux du chargé d‘enquête qu’elle avait nommé à cet effet.

Ces deux arrêts clarifient tout d’abord définitivement la question de la légalité de l’art. 5 al. 1 let. b Oém-FINMA. Après avoir rappelé que les émoluments fixés par la FINMA constituent des contributions causales, notre Haute Cour a examiné si cette disposition réglementaire remplissait non seulement les exigences formelles prévues par les art. 127 et 164 Cst., mais également celles applicables à la densité normative requise. Pour le Tribunal fédéral, l’art. 5 al. 1 let. b Oém-FINMA se fonde sur l’art. 15 LFINMA, qui définit à la fois le groupe de personnes soumises à la taxe et l’objet de celle-ci, ainsi que sur l’art. 46a LOGA qui oblige le législateur – en l’occurrence le Conseil fédéral – à respecter les principes d’équivalence et de la couverture des frais en matière d’émoluments administratifs. En tant qu’il trouve un fondement dans des lois supérieures et respecte toutes ces exigences, l’art. 5 al. let. b Oém-FINMA constitue donc une base légale valable et suffisante pour imputer les frais d’une procédure de surveillance classée à celui qui l’a provoquée.

Ensuite, dans son premier arrêt concernant le courtier en devises, le Tribunal fédéral clarifie les conditions auxquelles les frais d’une procédure de surveillance classée pouvaient être imputés à celui qui l’avait provoquée. En principe, les coûts de la surveillance des marchés financiers sont supportés par les personnes surveillées, y compris celles qui agissent sans autorisation. Cependant, comme le relève le TF en s’appuyant sur sa jurisprudence topique rendue en lien avec la loi fédérale sur les cartels (ATF 128 II 247), l’art. 15 al. 1 LFINMA et l’art. 5 al. 1 let. b Oém-FINMA ne permettent pas dans tous les cas d’attribuer les frais de procédure à la personne visée par une procédure de surveillance. Le Tribunal fédéral arrive à la conclusion qu’une condamnation du « provocateur » aux frais en cas de classement de celle-ci ne se justifie que si une appréciation sommaire réalisée au moment du classement permettait de conclure que le comportement examiné aurait de manière prévisible donné lieu à une sanction au titre du droit de la surveillance. Une telle prévision implique non seulement que l’ouverture de la procédure n’était pas sans fondement, mais également que la personne surveillée est responsable du fait qu’il existait des indices que le droit de la surveillance a été enfreint au moment de l’ouverture de la procédure de surveillance. Tel est notamment le cas si la personne surveillée n’a pas respecté ses obligations de coopération avant l’ouverture de la procédure. Or, en l’espèce, le courtier en devises n’avait pas violé son devoir de coopération. Enfin, le Tribunal fédéral examine si le courtier incriminé avait provoqué par sa faute individuelle, de manière causale et coupable une violation grave du droit de surveillance. Notre Haute Cour considère à juste titre qu’en se référant simplement à l’ordonnance de condamnation rendue à l’encontre de la banque et en rejetant implicitement les diverses demandes de preuves du courtier sans justification suffisante, la FINMA avait établi les faits de manière incomplète et violé son obligation de motivation. Tous ces éléments ont amené le Tribunal fédéral à annuler la décision sur l’attribution des frais.

Dans son second arrêt, le Tribunal fédéral parvient à la même conclusion considérant que le fait que le recourant poursuive un modèle d’affaires qui, en raison de son caractère inhabituel, a donné lieu à une ordonnance de classement, ne peut en soi conduire à ce que le recourant, déjà gravement affecté par la procédure de surveillance, soit condamné aux frais de procédure. De plus, une telle issue se justifie d’autant moins qu’il n’y a plus de raison pour la FINMA, après avoir effectué un examen unique (positif) du nouveau modèle d’affaires, de soumettre des concurrents ayant des modèles d’affaires comparables à une nouvelle procédure de surveillance. Pour le TF, l’imputabilité individuelle de la procédure de surveillance est ainsi fortement relativisée au point de dénier à la FINMA toute faculté de mettre les frais à la charge de celui qui l’a provoquée.