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LSFin

Les clients professionnels pas tous logés à la même enseigne ?

Alors que les premiers délais transitoires prévus par la LSFin arrivent à échéance prochainement, soit le 24 décembre 2020 pour l’affiliation à un organe de médiation et le 19 janvier 2021 pour l’inscription au registre des conseillers, le champ d’application de ces obligations suscite de multiples questions. L’une d’elles est de savoir si les exemptions aux obligations d’enregistrement des conseillers et d’affiliation à un organe de médiation s’étendent à la fourniture de services financiers à tous types de clients professionnels ou seulement à des clients professionnels per se.

Exemption de l’obligation d’inscription au registre des conseillers

Selon l’art. 28 al. 2 LSFin, le Conseil fédéral peut exempter de l’obligation d’enregistrement les conseillers à la clientèle des prestataires de services financiers étrangers soumis à surveillance prudentielle qui fournissent leurs services en Suisse exclusivement à des « clients professionnels ou à des clients institutionnels au sens de l’art. 4 ». Cette disposition est mise en œuvre par l’art. 31 OSFin.

Cette référence à l’art. 4 LSFin donne lieu à controverse quant à l’étendue des clients visés. Une interprétation littérale de l’art. 28 al. 2 LSFin pourrait conduire à considérer que l’exemption ne vise que les prestataires s’adressant à des clients professionnels per se (selon l’art. 4 al. 3 LSFin), à l’exclusion des clients professionnels opt-out (selon l’art. 5 al. 1 LSFin). Cette position a récemment été adoptée par les trois organes d’enregistrement, BX Swiss AG, ARIF et RegFix, dans des FAQ (cf. question 6), dont la FINMA a pris note. La FINMA indique pour sa part sur son site internet que l’exemption ne vise pas les prestataires fournissant des services financiers « à des particuliers ».

Exemption de l’obligation de s’affilier à un organe de médiation

Le nouvel art. 77 LSFin (adopté dans le cadre de la Loi TRD) prévoit que les prestataires qui ne fournissent pas exclusivement des services à des « clients institutionnels ou à des clients professionnels au sens de l’art. 4, al. 3 et 4 » doivent être affiliés à un organe de médiation. Selon la communication du DFF du 9 novembre 2020, cette disposition devrait entrer en vigueur le 1er février 2021, étant précisé que la FINMA n’exigera pas d’affiliation durant la période du 25 décembre 2020 au 31 janvier 2021. A noter qu’un nouvel art. 16 LEFin a également été adopté dans ce cadre. Cette disposition distingue les établissements financiers ne fournissant pas de services financiers, tels les trustees, qui ne sont ainsi pas soumis à l’obligation de s’affilier à un organe de médiation.

Le DFF note dans sa communication du 9 novembre 2020 que l’exemption à l’obligation de s’affilier vise uniquement les prestataires fournissant leurs services exclusivement à des clients institutionnels ou professionnels, à l’exclusion des « clients privés fortunés ayant déclaré être des professionnels ». Le statut des structures d’investissement privées instituées par des clients privés fortunés n’est pas clair à cet égard.

Evaluation et perspectives

Ces approches semblent introduire une sous-division parmi les clients professionnels limitant l’application des exemptions susmentionnées. A notre sens, ceci reviendrait à une lecture trop limitative du texte légal qui s’éloignerait du but poursuivi.

La référence à l’art. 4 LSFin devrait se lire comme une référence générale à la disposition légale qui établit le principe de la classification des clients. En d’autres termes, un client professionnel opt-out est un client professionnel au sens de l’art. 4 LSFin. Celui-ci devrait dès lors se voir appliquer toutes les dispositions de la LSFin relatives aux clients professionnels. Il en va de même du client professionnel classifié conformément à un régime équivalent (p.ex. MiFID II, cf. Commentaires du DFF relatifs à l’OSFin, p. 23). La LSFin et l’OSFin n’opèrent aucune distinction au sein de la catégorie des clients professionnels (autre que celle de l’art. 4 al. 4 LSFin qui crée la sous-catégorie des clients institutionnels). Il n’y a en particulier aucune différenciation dans l’application des règles de conduite en fonction du « type » de client professionnel (cf. p.ex. art. 13 al. 3, art. 20 al. 2 LSFin). Cette approche est d’ailleurs celle suivie par le texte de l’art. 31 OSFin en relation avec l’obligation d’enregistrement.

Une éventuelle différenciation entre clients professionnels per se et opt-out (voire entre particuliers fortunés opt-out) ne ressort pas non plus des débats parlementaires.

L’interprétation adoptée par les organes d’enregistrement nous semble d’ailleurs aller à l’encontre du système même d’opting-out et d’opting-in de la LSFin (art. 5 LSFin). A suivre sa logique, dans une hypothèse inverse, le prestataire fournissant des services financiers à des clients professionnels ayant déclaré vouloir être traités comme des clients privés (opting-in, art. 5 al. 5 LSFin) devrait pouvoir bénéficier des exemptions. Or, un tel résultat serait contraire au but de protection des clients poursuivi par la LSFin. En fin de compte, les exemptions, à l’instar des règles de conduite, devraient se fonder sur la classification finale des clients faite par le prestataire conformément à l’art. 4 LSFin, indépendamment de la question de savoir si cette classification se fonde sur le régime par défaut (per se), un opting-out, un opting-in ou une classification selon un régime équivalent.

L’adoption d’exemptions de façon précipitée par le législateur et l’interprétation qui en est faite créent une incertitude importante. Rappelons que les organes d’enregistrement ou de médiation n’ont pas de compétence pour ces questions. L’on peut du reste se demander si un prestataire pourrait se voir reprocher avoir considéré à tort pouvoir bénéficier des exemptions analysées ci-dessus dans la mesure où celles-ci dépendent d’une classification de clients pour laquelle il dispose encore d’un délai transitoire, jusqu’au 1er janvier 2022 (art. 103 al. 1 OSFin).