Placements collectifs de capitaux
Les lignes directrices de la FINMA pour lutter contre la pratique de l’écoblanchiment
Yannick Caballero Cuevas
En marge de la COP26, la FINMA a publié une communication sur la surveillance concernant la prévention et la lutte contre l’écoblanchiment (greenwashing). Ce document présente les attentes de la FINMA pour lutter contre cette pratique dans le domaine des fonds de placement. Tout d’abord, elle rappelle que plusieurs initiatives au niveau national et international ont été prises pour accroître la transparence en matière de durabilité pour les investisseurs et clients. En effet, un des principaux enjeux pour prévenir et lutter contre l’écoblanchiment est l’accès à une information objective et exacte concernant la durabilité des placements effectués. La FINMA constate ensuite qu’à ce jour des prescriptions prudentielles spécifiques pour les produits et services financiers se référant à la durabilité font malheureusement défaut. Ceci augmente dès lors le risque d’écoblanchiment. C’est dans ce contexte que la FINMA souhaite protéger les investisseurs et les clients contre une telle pratique et garantir ainsi la conformité des produits et services financiers à leurs objectifs de durabilité.
Trois axes sont abordés dans cette communication, à savoir (i) les informations quant à la durabilité des placements collectifs de capitaux suisses, (ii) l’organisation des établissements qui gèrent des placements collectifs de capitaux se référant à la durabilité et (iii) les règles de conduite au point de vente (point of sale).
Concernant les informations quant à la durabilité des placements collectifs de capitaux suisses, la FINMA indique que les placements collectifs suisses faisant référence aux dénominations « ESG », « durable » ou « vert » font l’objet d’une attention particulière au moment de leur approbation et tout au long de leur mise sur le marché suisse. Ainsi, les informations doivent être publiées de manière adéquate et les investisseurs ne doivent pas être trompés par celles-ci. À ce sujet, l’art. 12 al. 1 LPCC protège les investisseurs contre la tromperie et la confusion en matière de dénomination des fonds de placement. Parmi les pratiques relevant de l’écoblanchiment, la FINMA cite notamment les placements collectifs se référant à la durabilité sans qu’une politique/stratégie de placement durable ne soit effectivement suivie, ou les placements collectifs qui se réfèrent à la durabilité en utilisant des termes comme « impact » ou « carbone zéro » sans que les effets ou les économies réalisés ne soient mesurables ou prouvables. D’ailleurs, la FINMA recommande à titre de bonne pratique et à des fins de transparence que les placements collectifs fassent l’objet d’un reporting accessible aux investisseurs. Celui-ci a pour but de présenter dans quelle mesure les placements ont atteint leurs objectifs de durabilité.
Pour les établissements qui gèrent des placements collectifs de capitaux se référant à la durabilité, la FINMA rappelle qu’ils doivent disposer d’une organisation adéquate, notamment en application des art. 9 LEFin, 14 al. 1 let. c et 20 al. 1 let. b LPCC. À cet effet, les aspects suivants sont en particulier examinés :
- si les critères de durabilité et leur respect sont intégrés dans le processus de décision en matière de placement ;
- si l’établissement dispose de l’expertise et des connaissances techniques nécessaires dans le domaine de la durabilité ; ou encore
- si l’établissement a défini la stratégie à suivre en matière de durabilité.
Par ailleurs, lors de la sélection et de l’utilisation des données et analyses externes liées à la durabilité, ou des outils et notations, l’établissement doit veiller à évaluer et surveiller de manière adéquate les fournisseurs de ces données, ainsi que valider les informations correspondantes. L’adéquation de l’organisation est donc primordiale afin d’identifier les risques inhérents à la durabilité qui s’ajoutent aux risques classiques liés à l’activité de placement.
Finalement, la FINMA indique que le processus de conseil peut comporter des risques d’écoblanchiment. La responsabilité d’en limiter les risques incombe aux prestataires de services financiers, car ceux-ci peuvent voir leur responsabilité civile engagée. Cependant, la LSFin ne contient aucune disposition spécifique luttant contre l’écoblanchiment. Ainsi, il n’est pas possible de déduire de la LSFin des obligations particulières quant à la manière de prendre en compte les préférences du client en matière de durabilité. À ce sujet, la FINMA renvoie au Guide pour l’intégration des facteurs ESG dans le processus de conseil auprès des clients privés de l’Association suisse des banquiers.
À notre avis, il convient également de rappeler que les règles générales du mandat s’appliquent. Cependant, en cas de mauvaise exécution du contrat, il sera difficile de quantifier objectivement le dommage subi par le client à la suite d’une pratique d’écoblanchiment. Ce dernier point démontre l’importance de quantifier financièrement les facteurs de durabilité et d’adopter une taxonomie définissant les critères techniques en la matière. Cela offrirait une meilleure visibilité tant pour les prestataires de services financiers que pour les clients.
D’ailleurs, dans une déclaration du 3 novembre 2021, la FINMA s’est engagée à mettre en œuvre les recommandations du Network for Greening the Financial System (NGFS) qui en résumé propose d’intégrer les risques financiers liés au climat dans la surveillance et de les publier. À cet effet, l’International Sustainability Standards Board contribuera à établir des standards en matière de publication et améliorera par la même occasion la mesure des risques liés au climat auxquels les établissements financiers sont exposés.
En conclusion, on ne peut que saluer cette communication qui donne une certaine prévisibilité quant aux attentes et à la direction que la FINMA souhaite prendre en matière de prévention et de lutte contre l’écoblanchiment. Cependant, de nombreuses questions restent ouvertes, en particulier s’agissant des méthodes de mesures des risques financiers liés à la durabilité. Cet élément est essentiel puisqu’il permettra de publier des informations objectives en matière de durabilité à l’attention des autorités de surveillance et des investisseurs. Ainsi, les organisations internationales jouent un rôle primordial pour établir les standards internationaux nécessaires et éviter des pratiques déloyales dans le domaine de la durabilité.