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Confiscation du gain illicite par la FINMA

Entre rappels jurisprudentiels et casuistique

Dans un arrêt du 19 août 2021 (2C_530/2020), le Tribunal fédéral a rappelé les principes applicables en matière de calcul du gain confiscable au sens de l’art. 35 LFINMA.

Une société anonyme X autorisée par la FINMA en qualité de gestionnaire de placements collectifs au sens de la LPCC (autorisation désormais connue sous l’appellation de gestionnaire de fortune collective depuis que les dispositions idoines ont été transférées de la LPCC dans la LEFin) avait conclu des contrats d’apporteurs d’affaires avec une société anonyme Y sis à Genève.

Le fondateur de la société Y a été condamné le 8 février 2018 par le Tribunal correctionnel de Genève à une peine privative de liberté de cinq ans pour plusieurs infractions pénales. Il lui était reproché d’avoir massivement investi dans des valeurs patrimoniales, à l’insu de certains clients d’une banque qu’il représentait, dans un titre américain par le biais, entre autres, des placements collectifs dont X assurait la gestion. Ces investissements auraient entraîné des pertes importantes en 2014 et 2015, en particulier pour un investisseur.

Par décision du 1er septembre 2017, la FINMA a constaté, suite à l’ouverture d’une procédure d’enforcement à l’encontre de X, que X avait gravement violé le droit de la surveillance, en manquant à ses devoirs de loyauté, de diligence et d’information imposés par la LPCC. Outre ce constat, la FINMA a ordonné en vertu de l’art. 35 LFINMA la confiscation d’un montant de CHF 500’321.75 en main de X en faveur de la Confédération (sous réserve d’une confiscation relevant du droit pénal) tout en mettant à la charge de X non seulement les frais de procédure, mais également les frais du chargé d’enquête nommé dans le cadre de la procédure d’enforcement.

Le recours de X ayant été rejeté par le Tribunal administratif fédéral le 28 avril 2020, la société a formé recours en matière de droit public auprès du TF. En substance, X concluait à la nullité, voire l’annulation de la décision de la FINMA.

En droit et au fond, le TF rappelle que la confiscation constitue une mesure de nature purement administrative dont l’objectif est de rétablir l’ordre légal en remettant l’assujetti dans la situation qui aurait été la sienne sans violation grave des dispositions de surveillance des marchés financiers. S’appuyant sur le Message du Conseil fédéral sur la LFINMA, le TF souligne également que la confiscation permet de favoriser l’équité entre les établissements financiers en évitant de pénaliser les bons élèves qui se verraient désavantager au profit de ceux qui pourraient retirer un bénéfice de leur comportement illicite.

Notre Haute Cour rappelle ensuite sa jurisprudence sur la notion de « gain » soulignant que le gain confiscable se calcule d’après les principes régissant la restitution de l’avantage perçu développés en matière d’enrichissement illégitime (art. 62 CO) ou de gestion d’affaires sans mandat dite « égoïste » (art. 423 CO). Le profit que le gérant a perçu et qu’il est tenu de restituer se calcule ainsi selon la méthode du gain net. Les dépenses effectivement engagées pour la réalisation du profit doivent être déduites de celui-ci. En revanche, ni les coûts fixes ni les frais généraux ne sont pris en compte, ceux-ci étant de toute manière supportés par l’assujetti (cf. cdbf.ch/1058/). Le TF mentionne en passant, ce point n’étant pas véritablement au cœur de l’arrêt, la possibilité pour la FINMA d’estimer le montant du gain confiscable en cas d’impossibilité de déterminer précisément le gain ou si sa détermination requiert des moyens disproportionnés (non sans limite toutefois, voir l’arrêt du TAF B-3930/2016 concernant la confiscation du gain dans l’affaire BSI suite au scandale 1MDB).

Le TF rappelle également le contenu du principe de proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst) et le fait que la FINMA doit, à ce titre, veiller à ce que la confiscation n’entraine pas de conséquences disproportionnées. Tel peut être le cas si la mesure est susceptible d’entraîner la faillite de l’assujetti. De manière générale, le TF fait sien l’argument du TAF, selon lequel « l’intérêt au bon fonctionnement des marchés financiers exige qu’une confiscation ne soit pas réduite trop aisément du seul fait qu’elle pourrait engendrer des problèmes de liquidités, au risque sinon de vider de sa substance la fonction compensatoire de la mesure ».

En fin de compte, dans le cas d’espèce, le TF rejette l’ensemble des arguments de la recourante. En particulier, le TF souligne que la mesure n’est en rien disproportionnée ni susceptible d’entraîner une faillite, X n’étant pas en situation de surendettement (après le prononcé des mesures) et pouvant même bénéficier de paiements échelonnés. Le TF rappelle de surcroît que le montant de la confiscation n’était pas supérieur aux gains enregistrés par X du fait de ses violations. Le TF écarte l’argumentaire selon lequel le changement d’équipe dirigeante et les « dégâts » d’image de X que la nouvelle équipe s’efforcerait de « corriger » sont des motifs valables de réduction supplémentaire du montant confisqué (lequel avait déjà été réduit en raison du risque de faillite). En point d’orgue, le TF précise, en réponse à un grief de X, que la confiscation n’est pas un moyen de dissuasion à l’encontre des organes actuels d’un assujetti, mais bel et bien un moyen de suppression des avantages indûment perçus en violation du droit des marchés financiers.

En résumé et conclusion, si cette jurisprudence n’est pas novatrice, elle constitue cependant un bon condensé de la jurisprudence du TF en la matière. Elle peut pour le surplus alimenter la casuistique et permettre aux praticiens de mieux circonscrire les arguments susceptibles (ou non) d’être retenus par les tribunaux, en particulier par notre Haute Cour.