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Finance numérique

Le Conseil fédéral donne un cap

Dans son rapport sur la finance numérique, le Conseil fédéral définit les champs d’action dans le domaine pour les années à venir. Il constate que la transformation numérique du secteur financier représente un fort potentiel de croissance pour la place économique suisse. Cette transformation peut conduire à une amélioration de l’efficience des marchés financiers, une transparence accrue, une meilleure adéquation des services à la clientèle ainsi qu’à une réduction des coûts. Or le Conseil fédéral note que le recours aux nouvelles technologies peut aussi accroître la vulnérabilité des acteurs financiers aux cyberattaques (cf. Célian Hirsch – Thèse en cours), favoriser les manipulations de marché (cf. Yannick Caballero Cuevas – Thèse en cours) ou rendre difficile la lutte contre le blanchiment d’argent (cf. Jeremy Bacharach – Thèse en cours).

Ce rapport aborde douze domaines de la finance numérique, notamment l’émergence de nouveaux acteurs, la finance ouverte, la cybersécurité, l’intelligence artificielle et la technologie des registres distribués. Ces thèmes sont d’ailleurs traités dans le cadre du CAS Digital Finance Law organisé par le Centre de droit bancaire et financier.

Parmi les points à retenir, le principe de neutralité technologique et l’approche fondée sur les risques, à savoir same business, same risks, same rules, continuent à être les leitmotivs en matière de finance numérique. Le Conseil fédéral constate ensuite l’émergence et la multiplication des nouveaux acteurs issus des nouvelles technologies. Ces FinTech et BigTech ne sont cependant pas exemptes des exigences réglementaires. Le rapport laisse la question ouverte concernant la finance décentralisée.

En matière de finance ouverte, le Conseil fédéral souhaite encourager l’ouverture des interfaces, sans pour autant la rendre obligatoire à l’image de la Directive européenne sur les services de paiement. Cette approche repose donc sur la participation active des établissements financiers traditionnels. Ces derniers joueront un rôle décisif dans la standardisation et l’ouverture des interfaces. Le Conseil fédéral part de l’idée que les établissements financiers sauront sélectionner les projets qui répondront au mieux aux besoins du secteur et des clients. Il se réserve toutefois le droit de réglementer si l’évolution sur le marché de la finance ouverte se relève trop lente ou superficielle.

S’agissant de l’utilisation des données, le Conseil fédéral souhaite favoriser de nouveaux modèles d’affaires. Il rappelle néanmoins que leur utilisation doit se faire en conformité avec la loi sur la protection des données et la circulaire 08/21 de la FINMA sur les risques opérationnels (actuellement en révision). Des mesures de promotion de l’autodétermination numérique devront également être adoptées, afin que les utilisateurs aient un pouvoir de contrôle accru sur leurs données. Le rapport indique qu’un examen des projets visant à encourager l’échange de données sur la place financière sera conduit. Cela permettra notamment d’améliorer la lutte contre le blanchiment d’argent.

Cette utilisation croissante des données n’est pas sans risques, notamment en matière de fuites de données. À ce sujet, le Conseil fédéral rappelle qu’un niveau de résilience élevé face aux cyberattaques est nécessaire. Cela constitue d’ailleurs un aspect important lorsque des données sensibles sont traitées par plusieurs prestataires. De plus, le Département fédéral des finances œuvre à l’introduction d’une obligation générale de signaler les cyberattaques à la charge des banques et des infrastructures du marché financier (cf. le repérage du 17 janvier 2022).

Malgré ces risques, l’utilisation accrue des données permet l’essor de l’intelligence artificielle. Cette technologie a un fort potentiel disruptif qui demeure abstrait à l’heure actuelle. Elle permettra notamment d’améliorer la gestion des risques (p. ex. le filtrage des transactions) et de proposer des services hautement personnalisés à la clientèle. L’adoption de cette technologie soulève cependant des questions sur la provenance et l’usage des données ainsi que sur la transparence des processus décisionnels basés sur l’intelligence artificielle. L’utilisation du big data pourrait en outre mener à certaines dérives. On peut penser, en particulier, aux manipulations de marché. Le Conseil fédéral propose donc de réaliser une analyse du cadre juridique régissant les applications de l’intelligence artificielle pour le secteur financier.

S’agissant finalement de la technologie des registres distribués, le Conseil fédéral salue les avancées apportées par la loi TRD. Il note toutefois que celle-ci ne répond pas aux besoins concernant les cryptofonds. Ainsi, une adaptation de la loi sur les placements collectifs est nécessaire afin d’explorer le potentiel inexploité de cette technologie en matière de conservation et administration des actifs virtuels, ainsi que de la possibilité de lancer de nouveaux produits innovants de placements collectifs.

En conclusion, ce rapport dresse un état des lieux de la finance numérique en Suisse et des enjeux que celle-ci représente en matière de réglementation. Il présente également les axes principaux du champ d’action du Conseil fédéral pour les années à venir. Cela étant, le Conseil fédéral peine encore, selon nous, à appréhender les enjeux de la finance décentralisée tant sur le plan de la protection des investisseurs que sur son potentiel disruptif pour le secteur bancaire et financier.