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IOSCO

Un rapport expliquant la DeFi et ses risques

En date du 24 mars 2022, l’International Organization of Securities Commissions (IOSCO) a publié un rapport sur la finance décentralisée (DeFi). Ce rapport vise à présenter et analyser le fonctionnement de la DeFi sur le plan de la technique, des produits et services, et des principaux participants tout en prenant en compte divers risques. Le rapport, bien que relativement succinct, est relativement dense. Ce commentaire se limite à présenter certains éléments saillants.

Entre interrogations et reconnaissance

L’objectif principal poursuivi par la DeFi, reconnu par l’IOSCO dans son rapport, consiste en la suppression des intermédiaires pour permettre l’exécution d’opérations au pair-à-pair (peer-to-peer). Cette désintermédiation permet d’offrir une alternative à la finance traditionnelle qui repose en règle générale sur des infrastructures centralisées. Il serait toutefois permis de se demander si les outils et services de la DeFi ne remplacent pas en définitive une forme d’intermédiation par une autre. Quoiqu’il en soit, le rapport constate le succès et la croissance indéniable de la DeFi. A cet égard, la total value locked (valeur totale bloquée) de l’industrie DeFi est actuellement estimée par certains au 4 avril 2022 à USD 229.58 milliards.

Le rapport s’interroge sur la possibilité d’appliquer les règles existantes aux participants et aux activités conduites dans un environnement décentralisé. Il souligne que le monde de la DeFi n’est pas un monde étanche et que de nombreux produits ou services présentés comme « décentralisés » sont en réalité contrôlés par un nombre restreint d’utilisateurs, notamment par le biais des jetons de gouvernance (governance tokens) qui confèrent à leurs détenteurs des droits économiques et/ou sociaux sur des modifications futures de certaines caractéristiques d’un protocole.

Produits et services

Le rapport s’attarde sur l’augmentation de l’utilisation des dérivés facilitée par l’emploi des smart contracts et de la possibilité de créer des expositions synthétiques dont la valeur dérive d’actifs de référence (réels ou virtuels) ou de la survenance d’un événement (e.g. le piratage d’un protocole). Le rapport contient une analyse détaillée des protocoles de prêts tout en reconnaissant le caractère novateur de certains mécanismes comme les prêts flash en matière de réduction des risques. Les services de trading sont également analysés, ainsi que les protocoles d’assurance que le rapport considère plutôt en l’état comme des dérivés que de véritables assurances.

Principaux participants

Le rapport identifie les acteurs principaux suivants : (i) les créateurs de protocoles et les développeurs, (ii) les DAOs (decentralised autonomous organisations) et (iii) les investisseurs. Le rapport contient une comparaison avec le processus d’investissement dans la finance traditionnelle et relève eu égard aux DAOs que bien leur mise en place sur le long terme puisse réduire la centralisation, l’organisation initiale et la collecte des fonds par une DAO impliquent en principe encore, à l’heure actuelle, des acteurs centralisés.

Principaux risques

L’IOSCO se montre préoccupée par la suppression des intermédiaires, lesquels jouent un rôle de garde-fou tout en conférant une légitimité aux opérations. Selon l’IOSCO, la disparition de cette intermédiation, notamment dans les domaines du conseil, de l’information, du contrôle des liquidités, ainsi qu’en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme fait peser des risques importants sur les investisseurs et les marchés, en particulier si cette disparition n’est pas compensée de manière adéquate.

Selon l’IOSCO, la désintermédiation induite par la DeFi fait courir les risques suivants : (i) asymétrie de l’information et fraude, (ii) risque de front-running (la lenteur des blockchains étant un facteur augmentant ce risque), (iii) le risque d’activités illégales, en particulier en matière LBA et de contournement des sanctions, (iv) risques opérationnels et faille de sécurité (piratage, perte de clés privées, etc.), et (v) risque de gouvernance, soit notamment les risques de conflits d’intérêts et de manque de transparence quant à l’exercice des droits de vote rendant les protocoles DeFi vulnérables aux prises de contrôle hostile ou encore aux délits d’initié.

Un autre risque concret mis en évidence par le rapport est le risque d’ « effets secondaires » sur les marchés résultant de l’interconnexion grandissante entre la DeFi et la finance traditionnelle. Ce risque et les mesures visant à le réduire sont au demeurant d’ores et déjà pris en compte par la FINMA, en particulier dans le domaine de l’asset management. A noter enfin que le rapport contient une analyse détaillée de l’impact que les stablecoins souvent utilisés dans la DeFi peuvent avoir sur les actifs de référence (e.g. devises ayant cours légal dit « fiat », matières premières et autres instruments financiers). Le rapport de l’IOSCO permet ainsi de s’interroger sur la nature systémique du risque posé par la DeFi et les crypotactifs, en particulier les stablecoins.

Conclusion

Si le rapport présente la DeFi de manière plutôt pédagogique, il n’apporte en revanche pas de solution sur la manière de réguler cette industrie naissante. Ce rapport constitue néanmoins un bon condensé résumant l’univers de la DeFi et les risques posés par cet écosystème. La production de ce rapport et la mise en place par l’IOSCO d’une task force DeFi soulignent l’intérêt porté par les autorités de surveillance. Cet intérêt devrait également être compris par les acteurs comme les prémisses d’une réglementation qui a déjà commencé, notamment à l’étranger, à se mettre en place et dont MiCA est un premier avant-goût.