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Conseil en placement et gestion de fortune

L’ASB précise certaines obligations en matière de finance durable

L’Association suisse des banquiers (ASB) a publié, le 28 juin 2022, deux directives d’autorégulation libre en matière de finance durable à l’attention de ses membres. La première directive concerne l’intégration des préférences ESG et des risques ESG par les prestataires de services financiers (prestataires) dans le cadre de leurs activités de conseil en placement et gestion de fortune. La deuxième directive s’adresse, quant à elle, aux fournisseurs d’hypothèques afin que ceux-ci abordent la question de l’efficacité énergétique et de la préservation de la valeur à long terme des bâtiments au moment de l’octroi du financement. Le présent commentaire se limite à présenter les obligations prévues dans la première directive susmentionnée. En outre, il ne traite ni des modalités de mise en œuvre de cette directive ni des différentes définitions qui y sont contenues.

Avec cette directive, l’ASB vise, d’une part, à fixer un standard minimal uniforme pour l’intégration des préférences ESG et des risques ESG dans le conseil en placement et la gestion de fortune, et d’autre part, à prévenir l’écoblanchiment dans le cadre de ces activités. Ainsi, la directive s’applique uniquement aux services financiers de conseil en placement et de gestion de fortune, à l’exclusion des autres services financiers (cf. art. 3 let. c LSFin).

En complément des règles contenues dans la LSFin sur l’obligation d’informer (cf. art. 8 ss LSFin), la directive précise ces règles, lorsque des solutions de placement ESG sont proposées. Les prestataires doivent notamment fournir des informations générales sur les différentes solutions de placement ESG disponibles, afin de permettre aux clients – ayant exprimé des préférences ESG – de comprendre les caractéristiques ESG de ces placements. Les prestataires peuvent également préciser les approches ESG qui sont suivies dans les différentes solutions de placement ESG. En outre, dès que le client choisit une solution de placement ESG, il y a lieu de l’informer sur la manière dont cette solution intègre ses préférences ESG. Dans ce contexte, les prestataires doivent s’abstenir de fournir des informations fausses ou trompeuses aux clients pour éviter toute accusation d’écoblanchiment qui, à notre avis, pourrait éventuellement être analysée sous l’angle de l’escroquerie (art. 146 CP) ou de la gestion déloyale (art. 158 CP).

La directive vise également à compléter les art. 10 ss LSFin. Tout d’abord, lors de la vérification du caractère approprié (cf. art. 11 LSFin) ou de l’adéquation (cf. art. 12 LSFin), les prestataires doivent inclure les préférences ESG des clients. Pour cela, ils doivent collecter les informations pertinentes auprès de leurs clients. On peut, par exemple, penser à déterminer ce que le client entend par durable, en tenant compte de l’empreinte carbone des entreprises selon les différents scopes du GHG Protocol corporate standard, et ainsi exclure ou inclure certains types de placement. Cette collecte de données doit être homogène dans le cadre des activités de gestion de fortune ou de conseil en placement basé sur l’ensemble du portefeuille. Il est intéressant de noter que ces préférences ESG ne prévalent pas sur les objectifs de placement du client. En outre, si le client n’exprime aucune préférence ESG, le prestataire n’a pas d’obligation de tenir compte de critères ESG, à moins qu’il le juge opportun dans le cadre de l’exécution de son mandat. Par ailleurs, la directive prévoit que si le client a été interrogé sur ses préférences ESG, mais qu’il ne répond pas, le prestataire peut partir du principe que le client est neutre sur le plan ESG. Dans ce cas, il n’est pas nécessaire de prendre en compte des critères ESG. On peut donc déduire de l’art. 11 par. 7 de la directive une obligation pour les prestataires de se renseigner sur les préférences ESG de leurs clients.

Par ailleurs, la directive précise que certaines informations doivent être documentées de manière appropriée par les prestataires conformément à l’art. 15 LSFin. À titre d’exemples, il y a lieu de documenter si les clients ont une préférence ESG et quelles sont-elles, ou s’ils sont neutres ou encore si les caractéristiques ESG d’une solution de placement ou d’un instrument financier correspondent aux préférences ESG du client. Les prestataires peuvent aussi être amenés à rendre compte aux clients de la concordance ou de la non-concordance entre ces préférences et les solutions de placement ou les instruments financiers proposés (cf. art. 16 LSFin).

Enfin, selon la directive, les prestataires doivent s’assurer que les caractéristiques ESG de la solution de placement ou de l’instrument financier soient conformes aux préférences ESG des clients, aussi bien dans le cadre du conseil en placement basé sur des transactions isolées que sur l’ensemble du portefeuille ou de la gestion de fortune. Ils doivent en outre signaler clairement les solutions de placement ou les instruments financiers qui s’écartent des préférences ESG du client et le lui communiquer dans le cadre de la recommandation. Ainsi, la transaction ne peut pas être exécutée par le prestataire sans en informer préalablement son client. Toutefois, l’exécution d’une telle transaction ne signifie pas pour autant une modification globale du profil client.

À notre avis, cette directive doit être saluée, car elle précise, d’une part, les différentes obligations pour les prestataires de services financiers en matière de conseil en placement et gestion de fortune, lorsque les clients expriment des préférences ESG. D’autre part, elle oblige les prestataires à classifier les clients selon leurs intérêts et préférences ESG, de sorte qu’ils doivent être proactifs dans la collecte de ces informations auprès de leurs clients. À noter que cette directive entrera en vigueur le 1 janvier 2023 et prévoit des délais transitoires.