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Placements collectifs de capitaux

Les directives de l’AMAS en matière de durabilité

L’Asset Management Association Switzerland (AMAS) a publié une autorégulation libre en matière de durabilité visant à améliorer les conditions-cadres de la création et de la gestion des placements collectifs de capitaux (PCC) durables. Cette autorégulation entrera en vigueur le 30 septembre 2023 et imposera des directives contraignantes pour les établissements financiers – membres de l’AMAS – qui produisent et gèrent des PCC en lien avec la durabilité. L’AMAS complète ainsi l’autorégulation des critères de durabilité dans le conseil client établie par l’Association suisse des banquiers (commenté in cdbf.ch/1241).

Pour que la circulaire s’applique, la direction, la gestion de fortune collective ou la création des PCC doivent se référer à la durabilité. L’art. 3 de la circulaire précise qu’un lien avec la durabilité existe lorsqu’un placement est décrit ou positionné comme durable en référence aux aspects ESG. Une annexe définit les différentes approches d’investissement se référant à la durabilité. On y retrouve notamment les approches d’exclusions, de best-in-class ou positive screening, d’impact investing ou encore de stewardship. Il est intéressant de noter qu’il n’existe pas de lien suffisant avec la durabilité lorsqu’il est uniquement fait mention à certains aspects de durabilité, comme l’exclusion ou l’intégration de critères ESG. Ce type d’approche doit ainsi être combiné avec une autre approche listée dans l’annexe, pour qu’il existe un lien suffisant avec la durabilité.

Les art. 4 à 5 de la circulaire règlent la question du champ d’application personnel, territorial, et matériel de l’autorégulation.

La circulaire prévoit plusieurs principes s’appliquant aussi bien aux gérants de fortune collective qu’aux producteurs de PCC. Dans le présent commentaire, nous allons nous concentrer sur les obligations en matière de durabilité pour les producteurs, respectivement les articles concernant la politique en matière de durabilité (art. 25), les clarifications (art. 26), la publicité (art. 28) et le reporting (art. 29). On retrouve des obligations similaires pour les gérants de fortune collective.

Selon l’art. 25 al. 1 de la circulaire, les bases de la politique en matière de durabilité doivent être définies par le producteur dans le contrat de société et/ou le prospectus de chaque placement collectif. Ces documents doivent mentionner les approches durables – au sens de l’annexe – mises en œuvre. La circulaire prévoit un principe de comply or explain, si le producteur déroge aux définitions prévues à l’annexe. En outre, le contrat de société doit définir les seuils minimaux de placements devant être conformes aux prescriptions en matière de durabilité énoncées dans la politique d’investissement et gérés selon la politique en matière de durabilité. La part de placements non conformes à la politique d’investissement doit en outre être détaillée et expliquée. De plus, les informations figurant dans le prospectus et le contrat de société doivent être indiquées de manière claire et compréhensible, et englober les renseignements nécessaires pour une décision d’investissement. Autre point intéressant de cette circulaire est l’obligation de transparence sur les sources externes utilisées dans le cadre de la gestion des aspects de durabilité. Les principales sources doivent figurer dans le contrat de société ou le prospectus, si elles proviennent de fournisseurs de données professionnels. Au vu des enjeux relatifs aux données sur la durabilité, ce souci de transparence est le bienvenu.

L’art. 26 de la circulaire prévoit certaines clarifications lorsqu’il est notamment fait mention d’une approche basée sur le stewardship, ou soucieuse du climat, ou poursuivant une stratégie « impact ». Si des pratiques d’exclusion sont appliquées conjointement à d’autres approches durables, les critères d’exclusion doivent être publiés dans le prospectus.

La circulaire règle aussi la question de la publicité de PCC faisant référence à la durabilité. L’art. 28 de la circulaire prévoit que le producteur – qui diffuse en son nom une publicité pour des PCC liés à la durabilité – a pour obligation de vérifier que la publicité ne contredit pas les informations figurant dans les documents légaux. Cet article fait écho à l’art. 68 LSFin, respectivement à son alinéa 3, et vise à renforcer la prévention contre la pratique de l’écoblanchiment (cf. cdbf.ch/1205).

L’art. 29 de la circulaire prévoit une obligation pour les producteurs et les tiers – comme les gestionnaires de fortune – d’informer les investisseurs sur les approches durables pertinentes pour le positionnement utilisé par un PCC. Cette information est fournie sous la forme d’un rapport de durabilité annuel. Ce dernier décrit notamment les approches durables applicables, en comparant les notations, indicateurs ou autres informations pertinentes du PCC avec les données de l’indice de référence, lorsque cela est pertinent. En outre, le rapport devra communiquer dans quelle mesure le PCC a réalisé les objectifs de durabilité, s’il vise un impact précis en matière de durabilité. Si cette obligation est déléguée au gestionnaire de fortune, ce dernier doit confirmer périodiquement au producteur qu’un rapport conforme aux exigences est mis à disposition des investisseurs. À notre avis, une bonne pratique voudrait que le rapport de durabilité soit transmis au producteur.

Avec l’explosion des PCC faisant référence à la durabilité, cette autorégulation est salutaire afin d’encadrer la gestion et création de PCC. La question demeure de savoir si l’autorégulation libre est suffisante ou si des propositions législatives seront nécessaires à l’avenir, notamment en vue de lutter contre l’écoblanchiment. La portée extraterritoriale des (futures) réglementations européennes et américaines joueront un rôle dans la réponse apportée.