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Rétrocessions et execution only

Étendue de l’information pour une renonciation anticipée

Dans l’arrêt ACJC/1002/2024 du 19 août 2024, la Cour de justice genevoise considère que la question de l’obligation de restituer des rétrocessions dans un rapport execution only, controversée en doctrine et faisant l’objet de décisions cantonales divergentes, peut rester indécise, en raison d’une renonciation valable du client.

À partir de 2008, un client et une banque genevoise sont liés par un contrat de simple dépôt bancaire (execution only). La banque modifie à plusieurs reprises ses conditions générales pendant la relation contractuelle. Depuis 2009, celles-ci prévoient notamment que la banque peut recevoir des rémunérations de tiers et que le client accepte qu’elles soient conservées par la banque. Dès 2012, les conditions générales sont précisées par le biais d’une annexe intitulée « Remuneration factsheet » qui indique que les rémunérations perçues par la banque sont calculées selon un pourcentage du volume d’investissement sur une base annuelle. À partir de 2018, cette annexe est directement intégrée dans les conditions générales qui prévoient que la rémunération peut être comprise en pourcentage du volume investi :

  • entre 0 % et 1.4 % concernant les fonds d’investissement ;
  • entre 0 % et 2 % pour les émissions d’obligations ;
  • entre 0 % et 2.5 % pour les produits dérivés ; et
  • entre 0 % et 3.5 % pour les produits structurés.

En 2019, le client réclame la restitution des rétrocessions perçues depuis 2009 par la banque. Le Tribunal de première instance déboute intégralement le client et considère, en se fondant sur une partie de la doctrine, qu’en présence d’une relation execution only, les rétrocessions perçues ne sont pas soumises à une obligation de restitution en vertu de l’art. 400 al. 1 CO.

La Cour de justice rappelle tout d’abord que le Tribunal fédéral a expressément laissé ouverte la question portant sur l’obligation de restituer des rétrocessions dans le cadre d’une relation d’execution only (4A_496/2023, commenté in Fischer, cdbf.ch/1338) et qu’il existe à ce sujet des décisions cantonales divergentes. Certains tribunaux cantonaux admettent en effet une obligation de restituer dans un rapport execution only, comme celui de Zurich (HG210223-O, commenté in Pittet, cdbf.ch/1305), de Berne (HG 22 21) et du Tessin (12.2023.140), contrairement à celui de Saint-Gall (HG.2018.11). Dans le cas d’espèce, cette question peut (encore) rester indécise en raison d’une renonciation valable du client.

Au sujet de la validité de la renonciation du client aux rétrocessions spécifiquement perçues dans un rapport d’execution only, les juges cantonaux considèrent dans l’arrêt commenté que les exigences jurisprudentielles relatives au devoir d’information sur les rétrocessions développées en lien avec la gestion de fortune ne sauraient être transposées telles quelles dans le cadre d’une relation de simple dépôt bancaire. En effet, dans cette dernière relation, le devoir d’information de la banque est bien plus faible et celle-ci n’est pas tenue d’assurer la sauvegarde générale des intérêts du client. De même, le client prend seul les décisions d’investissement, de sorte que la banque n’est pas susceptible d’être placée dans un conflit d’intérêts et n’est pas en mesure de savoir quelles transactions vont être effectuées. Partant, elle ne peut calculer de manière complète et précise les rémunérations indirectes susceptibles d’être perçues.

La Cour de justice retient que l’information fournie par la banque est suffisante dans la mesure où le client a connaissance du mode de calcul et de l’ordre de grandeur des rétrocessions perçues en fonction des différents instruments financiers. Avec les fourchettes fournies, il peut se rendre compte du coût de chaque catégorie de produits et peut librement décider de procéder aux investissements. S’agissant de l’ordre de grandeur des fourchettes indiquées par la banque, l’arrêt relève que celles-ci sont souvent comprises entre 0 % et 2.5 % et que dès lors, elles sont suffisamment précises. Partant, la renonciation anticipée aux rétrocessions est valable. Pour les rétrocessions perçues entre 2009 et 2012 (soit avant l’indication dans les conditions générales de pourcentages du volume d’investissement), la Cour de justice considère qu’une information ex post sur les fourchettes de valeurs est suffisante sachant que le client n’a pas révoqué sa renonciation au moment de l’information complète en 2012.

Cet arrêt a le mérite de préciser l’étendue de l’information qui doit être fournie au client pour qu’il puisse valablement renoncer aux rétrocessions dans un rapport d’execution only, à défaut de clarifier la pratique des tribunaux genevois en la matière. En effet, dans le jugement JTPI/1076/2024 (résumé in Thévenoz et al., RSDA 2024 p. 214 ss, 232 s.) le Tribunal de première instance de Genève a admis une obligation de restituer les rétrocessions perçues dans un rapport d’execution only, après l’avoir niée dans plusieurs jugements antérieurs, dont notamment dans les jugements JTPI/4669/2023 (résumé in Thévenoz [op. cit], p. 232) et JTPI/10949/2023.

Il est intéressant de relever que la Cour de justice considère que la banque n’est pas susceptible d’être placée dans une situation de conflit d’intérêts dans une relation de simple dépôt bancaire. Cette position diffère de celle adoptée par certaines juridictions cantonales (Handelsgericht de Zurich, HG210223-O, commenté in Pittet, cdbf.ch/1305 ; Tribunale d’appello du Tessin, 12.2023.140), qui considèrent que le risque de conflit d’intérêts pouvant exister dans une telle relation justifie, entre autres, une obligation de restituer les rétrocessions perçues dans ce cadre.

Les exigences prévues dans cet arrêt pour une renonciation valable en execution only s’inscrivent dans la continuité de la jurisprudence récente du Tribunal fédéral selon laquelle l’ampleur des informations à fournir est moins importante dans ce type de relation que dans le cadre de la gestion de fortune ou du conseil en placement (4A_496/2023, commenté in Fischer, cdbf.ch/1338). Il confirme également que l’indication de fourchettes de valeurs en fonction de la valeur du placement du client constitue une valeur de base appropriée dans une relation de simple dépôt bancaire (4A_574/2023, 4A_576/2023, commenté in Ollivier, cdbf.ch/1358), tout en donnant des indications sur les fourchettes admissibles, qui sont plutôt larges (entre 0 % et 3.5 %). À noter qu’une appréciation globale semble avoir été faite par les juges en prenant en compte la fourchette moyenne calculée sur la moyenne des valeurs extrêmes indiquées. Enfin, la solution retenue par la Cour de justice correspond à l’information qui doit être donnée sous l’angle réglementaire pour une renonciation anticipée (art. 26 al. 2 LSFin).