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Responsabilité de l’entreprise

De la succession en matière pénale

La question avait depuis longtemps été posée par la doctrine : qu’advient-il d’une poursuite pénale dirigée à l’encontre d’une entreprise lorsque celle-ci, d’une manière ou d’une autre, disparait ? La Cour d’appel du Tribunal pénal fédéral s’est penchée sur la problématique dans une décision du 19 août 2024 (CN.2024.18). Elle a jugé que la reprise d’une entreprise par une autre – soit une fusion par absorption au sens de l’art. 3 al. 1 let. a LFus – n’entrainait pas l’extinction de l’action pénale dirigée contre la première, mais que la société reprenante se substituait à la société transférante dans la procédure pénale. La décision de la Cour d’appel du Tribunal pénal fédéral n’est, à l’heure où ces lignes sont écrites, pas définitive.

En matière de responsabilité pénale individuelle, la mort du prévenu entraîne le classement de la procédure. Le transfert d’une quelconque responsabilité aux héritiers est exclu, en vertu du principe de la personnalité des peines. Mais une entreprise, même si elle peut cesser d’exister, ne meurt évidemment pas au sens propre du terme. L’application par analogie des dispositions procédurales valant pour les individus aux entreprises trouvent ici ses limites. Dans le même ordre d’idées, le principe de personnalité des peines ne peut pas être interprété strictement de la même manière entre personnes physiques et morales, en raison des différences intrinsèques aux deux personnalités juridiques et aux constructions des responsabilités (pénales) qui en découlent.

A juste titre à notre sens, le Tribunal pénal fédéral se détache d’une vision purement formelle de la notion de disparition de la société et raisonne au regard de la continuité de l’activité économique et fonctionnelle de l’entreprise. La fusion par absorption entraine la dissolution (sans liquidation) de la société transférante, dont la totalité des actifs est transférée par succession universelle à la société reprenante. Dans le cas d’espèce, il s’agissait de la reprise d’une banque par une autre, de sorte que le but social poursuivi par les deux sociétés était similaire. Tous les clients de la banque transférante, de même que l’ensemble de l’activité commerciale de celle-ci ont été absorbés par la banque reprenante. L’activité économique de la banque dissoute n’a donc pas cessé d’exister mais se perpétue sous une nouvelle forme. La procédure pénale doit dans ce cas se poursuivre à l’encontre de la banque ayant repris cette activité économique.

L’approche correspond d’ailleurs à celle récemment adoptée par la Cour de cassation française (cf. décision du 22 mai 2024, pourvoi n° 23-83.180 et les deux autres décisions citées). La jurisprudence de la CourEDH a quant à elle confirmé, sous l’angle de l’art. 6 CEDH, qu’une telle position ne violait pas le principe de la personnalité des peines, dès lors que, dans la constellation d’une fusion-absorption, la société absorbante ne pouvait être véritablement considérée comme « autrui » par rapport à la société absorbée (cf. décision de la CourEDH Carrefour France c. France du 1er octobre 2019, requête n° 37858/14, § 47).