Modification des frais applicables
Des conditions tarifaires particulières écartées face à une passivité négligente du client

Benjamin Vignieu
Dans son arrêt ACJC/141/2025 du 28 janvier 2025, la Cour de Justice de Genève considère que la transmission par une banque de ses nouvelles conditions tarifaires conformément à ses conditions générales, prévoyant une acceptation tacite, déroge valablement à des conditions particulières convenues avec le client sur les frais, faute d’opposition de ce dernier en temps utile. Un recours au Tribunal fédéral a été déposé contre cet arrêt.
Au début de l’année 2019, un client ouvre une relation auprès d’une banque genevoise pour le dépôt d’un grand nombre d’actions d’une société étrangère. Les conditions générales et le règlement de dépôt (ci-après ensemble les « Conditions Générales ») prévoient notamment que la banque dispose du droit de modifier avec effet immédiat ses tarifs et que, faute d’opposition écrite du client, les documents notifiés valablement sont considérés comme acceptés. Lors du processus d’ouverture de compte, les parties négocient, oralement, le tarif applicable à la relation bancaire, soit un forfait annuel de CHF 70’000.
En juin 2020, la banque informe le client de sa décision de clore le compte, en raison d’une réorientation de sa stratégie commerciale, et demande au client de lui communiquer les coordonnées bancaires d’une autre institution pour le transfert des avoirs déposés. En novembre 2020, elle indique annuler l’accord avec le client sur le tarif négocié et son intention d’appliquer ses tarifs standards à l’issue d’un délai de quelques mois, le temps pour le client de trouver une autre institution bancaire. La brochure détaillant les frais de la banque est jointe à cette communication. Environ cinq mois plus tard, le client indique à la banque s’opposer à l’application des nouveaux tarifs le temps du transfert de ses avoirs. La totalité des avoirs est transférée à la fin de l’année 2021 et la banque fait état de frais pour les deux derniers trimestres de l’année 2021, calculés selon ses tarifs standards, d’environ EUR 679’000, et les compense avec le solde du compte du client.
Suite à une demande en paiement du client, le Tribunal de première instance condamne la banque au remboursement des frais à hauteur de plus de USD 700’000. Cette dernière dépose un appel en invoquant notamment que ses Conditions Générales lui permettent de modifier unilatéralement ses tarifs, nonobstant la conclusion du tarif négocié avec le client.
La Cour de Justice retient tout d’abord que les parties n’ont pas convenu, expressément ou tacitement, que les clauses des Conditions Générales réservant le droit de la banque de modifier ses tarifs, ne s’appliquent pas à leur relation contractuelle ou que les tarifs négociés entre elles ne peuvent, en aucun cas, être modifiés. Ainsi, l’accord des parties sur les tarifs ne déroge pas aux Conditions Générales, mais seulement à la brochure de la banque sur les frais.
La Cour estime ensuite que la banque a agi de manière appropriée et a respecté la pratique bancaire en matière de modification tarifaire, en communiquant celle-ci au client, par la voie habituellement utilisée, avec l’octroi d’un délai raisonnable pour s’y opposer ou transférer ses avoirs auprès d’une autre institution bancaire. Dès lors, la modification unilatérale des tarifs applicables ne saurait, en l’espèce, être qualifiée d’abusive. L’ampleur de l’augmentation n’est à cet égard pas pertinente en raison de la possibilité pour le client de calculer les nouveaux tarifs à l’aide de la brochure transmise. En toute hypothèse, le client a accepté, de manière tacite, la modification des tarifs, conformément à la fiction d’approbation prévue dans les Conditions Générales. En ne contestant pas à temps l’application des nouveaux tarifs, le client qui n’était pourtant pas novice dans le domaine des affaires, a fait preuve de « passivité négligente ». La Cour considère ainsi que la banque était fondée à appliquer ses tarifs standards, comme dûment annoncés à l’avance au client et acceptés par celui-ci, faute de toute contestation en temps utile.
Cet arrêt illustre l’importance de formaliser les conditions particulières applicables par écrit et de coordonner l’application de celles-ci avec les conditions générales. En pratique, deux clauses contractuelles auraient permis au client de se prémunir d’une modification unilatérale des tarifs par la banque, à savoir (i) une clause de modification prévoyant que les conditions particulières ne peuvent être modifiées que par accord écrit et signé des parties, et (ii) une clause d’intégralité stipulant que les conditions tarifaires relèvent exclusivement des conditions particulières, lesquelles prévalent sur tout autre accord, conditions générales ou brochure.
Enfin, en présence d’une clause de fiction d’approbation, le client est tenu de réagir en temps utile à toute modification qu’il entend contester. À défaut, son acceptation tacite lui sera opposée.