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Procédure pénale administrative

Inexploitabilité de déclarations obtenues en vertu d’une obligation de collaborer avec la FINMA

Les déclarations obtenues en vertu d’une obligation de collaborer avec la FINMA sont inexploitables dans le cadre d’une procédure pénale administrative ouverte contre un individu pour exercice sans autorisation de l’activité d’intermédiaire financier. Cette conclusion, à laquelle le Tribunal fédéral est parvenu dans son arrêt 7B_45/2022 du 21 juillet 2025 (non destiné à publication), a pour conséquence le renvoi de la cause à la Cour d’appel du Tribunal pénal fédéral qui devra rejuger le cas sans ces éléments de preuve.

L’affaire remonte à 2014, lorsqu’Albert demande à la FINMA confirmation que sa société, active dans le négoce du sucre, n’a pas besoin de s’affilier à un organisme d’autorégulation. En retour, la FINMA impartit à la société, par deux courriers distincts, un délai pour remplir deux questionnaires, l’un relevant de la LBA, l’autre de la FINMA. Elle attire simultanément son attention sur son obligation de fournir les renseignements et lui joint les dispositions pertinentes, notamment l’art. 29 LFINMA (obligation de renseigner et d’annoncer), l’art. 44 LFINMA (conséquences pénales de l’exercice de l’activité sans autorisation) et l’art. 45 LFINMA (conséquences pénales de la transmission de fausses informations).

En l’absence de réponse, la FINMA adresse un troisième courrier à la société, rappelant derechef son obligation de collaborer et précisant qu’en cas de non-respect de ce devoir, elle rendrait sa décision sur la base du dossier en sa possession et pourrait prendre en considération le refus de collaborer dans le cadre de l’appréciation des preuves. L’autorité indique également qu’elle envisage la désignation d’un chargé d’enquête au frais de la société et qu’elle se réserve la possibilité d’inscrire celle-ci sur la liste des établissements non autorisés.

Albert renvoie finalement les deux formulaires à la FINMA.

Plusieurs mois plus tard, le régulateur dénonce le cas au Département fédéral des finances (DFF) qui reconnaitra Albert coupable d’exercice sans autorisation de l’activité d’intermédiaire financier, pour une période s’étendant du 26 avril 2012 au 31 décembre 2014. Les deux Cours du TPF confirmeront, dans les grandes lignes, cette condamnation.

Devant le Tribunal fédéral, Albert conteste l’exploitabilité des deux questionnaires adressés à la FINMA et utilisés par les autorités inférieures pour motiver sa condamnation.

Les juges de Mon Repos lui donnent raison.

Dans son raisonnement, le Tribunal fédéral rappelle les trois règles qui sous-tendent la problématique d’espèce. La première est le principe de non-incrimination consacré aux art. 113 al. 1 CPP et 6 CEDH, applicable dans le cadre de la procédure pénale administrative dirigée contre Albert. La seconde est l’obligation de collaborer avec la FINMA au sens de l’art. 29 LFINMA, sur la base de laquelle Albert était tenu de remplir les formulaires litigieux. La troisième est celle de l’entraide entre autorités (art. 38 LFINMA) : la FINMA doit en principe fournir toutes les informations utiles à l’autorité pénale.

Mais, dans le cas d’Albert, l’application conjuguée de ces trois règles convoque l’image des aimants qui se repoussent : l’obligation de collaborer, couplée à l’entraide entre autorités, permettrait de contourner le principe de non-incrimination.

Le problème peut – à lire le Tribunal fédéral – être résolu par l’octroi d’un droit de refuser de collaborer de l’assujetti avec la FINMA, si cette coopération peut aboutir à des conséquences pénales pour celui-ci (à la suite d’une dénonciation du régulateur). Dans cette optique, la FINMA doit informer l’administré de ce droit. Les déclarations transmises au régulateur par l’assujetti dûment avisé sont, elles, exploitables au pénal.

En l’espèce, la FINMA savait que le comportement d’Albert pouvait donner lieu à une procédure pénale. Elle aurait donc dû lui indiquer qu’il n’était pas tenu d’effectuer, dans la procédure administrative, des déclarations susceptibles de l’incriminer pénalement. Elle ne l’a pas fait.

La Cour d’appel du TPF a retenu que cette omission n’entraînait pas l’inexploitabilité des formulaires remplis par Albert. Était bien plutôt déterminant – et penchant en faveur de l’exploitabilité des documents – le fait que les trois courriers de la FINMA n’étaient pas assortis de la menace de sanctions pénales en cas de non-exécution par l’assujetti au sens des art. 48 LFINMA ou 292 CP.

A la lecture de cette décision, trois remarques nous viennent à l’esprit. Premièrement, c’est, à notre connaissance pour la première fois et à juste titre, que le Tribunal fédéral – même s’il ne le dit pas explicitement – ne fait pas dépendre l’exploitabillité de renseignements de la question de savoir si ceux-ci ont été obtenus en vertu d’une obligation de collaborer assortie de la menace d’une sanction pénale en cas de non-respect.

Deuxièmement, c’est, à notre connaissance également pour la première fois, que le Tribunal fédéral consacre le devoir de la FINMA d’avertir l’assujetti de son droit de refuser de collaborer dans la procédure administrative s’agissant des déclarations susceptibles de l’incriminer pénalement, sous peine d’inexploitabilité de celles-ci dans le cadre d’une procédure pénale (administrative). L’approche apparait a priori sensée mais elle pose son lot de questions notamment quant au degré de précision de l’information à donner et aux obstacles que cela peut poser pour l’établissement des faits dans le cadre de la procédure d’enforcement.

Troisièmement, dans son contenu, l’arrêt apparait quelque peu confus sur les liens entre le droit de ne pas s’auto-incriminer de la société et celui d’Albert (comp. consid. 2.4 par. 3 et 2.4 par. 4), et sur le fait que l’omission de la FINMA n’est pas problématique sous l’angle de la procédure administrative mais sous celui de la procédure pénale (cf. consid. 2.4). Des clarifications sur ces points auraient été les bienvenues et, ensuite, la décision aurait mérité d’être destinée à la publication.