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Crédit hypothécaire

Pas de responsabilité de la banque malgré un déséquilibre contractuel

Un éventuel déséquilibre contractuel dans une relation de crédit entre une banque et ses clients n’engage pas la responsabilité de la banque, pour autant que celle-ci remplisse valablement son devoir d’information. Tels sont les principaux enseignements de l’arrêt 4A_567/2024 du 27 mai 2025.

En 2013, des clients concluent avec une banque un contrat de crédit hypothécaire à hauteur d’environ CHF 1,5 million. Le taux d’intérêt est variable et correspond au LIBOR sur trois mois (puis au SARON), augmenté d’une marge. Le contrat prévoit qu’en cas de LIBOR (ou de SARON) négatif, le taux d’intérêt est égal à la marge. Le crédit est renouvelé à plusieurs reprises, une dernière fois en 2020.

Pour se prémunir contre le risque taux variable LIBOR/SARON, les clients concluent parallèlement avec la banque un contrat swap sur trente ans, aux termes duquel les clients verseront à la banque un intérêt fixe de 2,31 % contre le taux LIBOR/SARON (calculé sur le même montant du prêt hypothécaire, soit CHF 1,5 million). Le contrat swap ne prévoit toutefois pas de taux plancher en cas de LIBOR/SARON négatif.

Cumulés, les intérêts dus par les clients résultant des deux contrats se résument comme suit :

  • Si LIBOR/SARON ≥ 0 → Taux d’intérêt = marge + 2,31 %
  • Si LIBOR/SARON < 0 → Taux d’intérêt = marge + 2,31 % + |LIBOR/SARON|

En résumé, la protection contre le taux variable disparaît si le LIBOR/SARON devient négatif, l’intérêt négatif venant s’ajouter aux intérêts à payer.

En 2022, les clients se plaignent auprès de la banque, puis devant les tribunaux, du déséquilibre résultant de la combinaison des deux contrats ainsi que de l’absence de toute information à ce sujet. Les clients argumentent également que, dans leur situation, la banque aurait dû leur proposer un crédit à taux fixe. Ils estiment leur préjudice à CHF 82’259.-. Parallèlement à la procédure judiciaire, le crédit est remboursé début 2023.

Après quelques développements juridiques généraux sur l’étendue des obligations d’information et de conseil de la banque, le Tribunal fédéral pose trois questions pour apprécier le comportement de celle-ci :

  1. La banque avait-elle l’obligation de présenter aux clients l’option d’un crédit à taux fixe et d’en expliquer le fonctionnement ?
  2. Les clients ont-ils été valablement informés des effets des deux contrats ?
  3. Au vu de l’ensemble des circonstances, la banque avait-elle l’obligation de recommander une hypothèque à taux fixe ou, à tout le moins, de déconseiller la solution mise en œuvre ?

S’agissant de la première question, le Tribunal fédéral estime que les clients ont reçu des informations suffisantes s’agissant d’un crédit à taux fixe. Cela ressort en particulier (i) d’un e-mail adressé aux clients avant la conclusion des contrats, mentionnant des taux fixes indicatifs, ainsi que (ii) d’une présentation PowerPoint évoquant la possibilité de recourir à des crédits à taux fixe. Par ailleurs, les clients ne démontrent pas en quoi des informations supplémentaires de la banque les auraient conduits à conclure un crédit à taux fixe.

Concernant la deuxième question, le Tribunal fédéral considère que, si les clients n’avaient réellement pas compris le fonctionnement de la combinaison des deux contrats, ils auraient réagi dès le passage des taux LIBOR/SARON en négatif. Or, ils ont payé à plusieurs reprises les intérêts majorés par le taux négatif sans se plaindre du déséquilibre contractuel. Par ailleurs, la banque avait précisé aux clients, dans un e-mail, que le LIBOR/SARON ne constituait pas une charge, sauf s’il devenait négatif.

Enfin, pour ce qui est de la troisième question, le Tribunal fédéral conclut que les clients ne parviennent pas à démontrer qu’un crédit à taux fixe serait, en l’espèce, plus avantageux que la solution proposée par la banque. La structure contractuelle utilisée en l’espèce présente notamment l’avantage de garantir un taux fixe aux clients pendant trente ans (en cas de LIBOR/SARON positif), alors qu’un crédit à taux fixe ne peut vraisemblablement pas être conclu pour une telle durée. De plus, la banque ne pouvait raisonnablement pas s’attendre – au moment de la conclusion du swap – à ce que le LIBOR devienne négatif pendant la durée du contrat.

Les clients invoquent subsidiairement l’art. 8 LCD. Selon cette disposition, agit « de façon déloyale, celui qui, notamment, utilise des conditions générales qui, en contradiction avec les règles de la bonne foi, prévoient, au détriment du consommateur, une disproportion notable et injustifiée entre les droits et les obligations découlant du contrat » (emphase ajoutée).

En reprenant les arguments de l’instance précédente, le Tribunal fédéral relève que les clauses contractuelles pertinentes ne figurent pas dans les conditions générales du contrat, comme l’exige l’art. 8 LCD. Par ailleurs, la solution contractuelle n’entraîne pas un déséquilibre notable et injustifié. Comme mentionné ci-dessus, elle présente l’avantage de pérenniser la situation des clients sur une période de trente ans, ce qui n’est généralement pas possible avec un crédit à taux fixe. L’art. 8 LCD n’a pas vocation à imposer indirectement à la banque de proposer des crédits à taux fixe sur trente ans.

Cette décision rappelle l’importance pour la banque du devoir d’informer. Elle doit s’assurer que le client comprenne les mécanismes et les effets juridiques et économiques d’un contrat de crédit. Du côté du client, cet arrêt démontre une fois de plus l’importance de réagir rapidement. La nonchalance du client, dans cette situation comme dans d’autres, n’est jamais à son avantage si une procédure judiciaire est ouverte par la suite.