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Exercice d'une activité sans autorisation

Le Tribunal fédéral valide le naming and shaming

Dans un arrêt du 16 septembre 2025, le Tribunal fédéral confirme que la publication pendant cinq ans, sur le site internet de la FINMA, d’une décision faisant interdiction à une personne d’exercer une activité soumise à autorisation en vertu du droit des marchés financiers sans disposer de l’autorisation nécessaire est justifiée (2C_596/2024 du 16 septembre 2025).

Cet arrêt s’inscrit dans le même contexte factuel que l’arrêt 2C_597/2024 du 16 septembre 2025(commenté in : Dupuis, cdbf.ch/1440/).

En résumé, il est reproché à une société et à ses trois actionnaires principaux, qualifiés d’« actionnaires de référence », d’avoir exercé, en tant que groupe, une activité de maison d’émission (art. 3 al. 2 aOBVM) (actuelle maison de titres, art. 44 al. 1 let. c LEFin) sans disposer de l’autorisation requise.

À la suite d’une dénonciation, la FINMA ouvre une procédure d’enforcement à l’encontre de la société et des trois actionnaires de référence. À l’issue de cette procédure, l’autorité ordonne la dissolution et la liquidation de la société. Elle ordonne également aux actionnaires de référence de s’abstenir d’exercer toute activité soumise à autorisation sans disposer de l’autorisation nécessaire, sous menace de sanction pénale (art. 48 LFINMA).

La FINMA décide de publier pendant cinq ans sur son site internet l’interdiction d’exercer prononcée à l’encontre des trois actionnaires (art. 34 LFINMA). Cette décision est confirmée par le Tribunal administratif fédéral et se retrouve par conséquent devant le Tribunal fédéral.

Dans son recours, l’un des actionnaires ne conteste plus avoir exercé, en tant que membre d’un groupe au sens du droit de la surveillance, une activité de maison d’émission sans autorisation. Il considère cependant que la FINMA aurait dû s’abstenir de publier l’interdiction d’exercer qui lui a été signifiée. Subsidiairement, il estime que la durée de cinq ans est disproportionnée.

L’art. 34 al. 1 LFINMA dispose qu’en cas de violation grave du droit de la surveillance, la FINMA peut publier sa décision finale, y compris les données personnelles des assujettis concernés, sous forme électronique ou écrite, à compter de son entrée en force.

La publication d’une décision prudentielle, pratique dite du « naming and shaming », est une sanction administrative répressive et une mesure préventive de protection du public. Selon la jurisprudence, elle vise à sanctionner les personnes concernées en atteignant leur réputation (ATF 151 II 197). Le Tribunal fédéral a toutefois déjà eu l’occasion de préciser que cette sanction ne constitue pas une accusation en matière pénale au sens de l’art. 6 CEDH (ATF 147 I 57).

Une telle sanction ne peut être prononcée par la FINMA qu’en cas de violation grave du droit de la surveillance. Une violation ponctuelle et mineure ne suffit pas. De jurisprudence constante, l’exercice non autorisé d’une activité soumise à autorisation constitue en soi une violation grave des dispositions réglementaires.

En l’espèce, le Tribunal fédéral constate que le recourant a participé activement à l’activité de maison d’émission sans autorisation en tant que fondateur de la société et ancien président de son conseil d’administration. Le Tribunal fédéral considère qu’il est par conséquent l’un des « trois principaux instigateurs » de l’activité non autorisée.

Dans son analyse, le Tribunal fédéral balaie l’argument du recourant selon lequel celui-ci se serait fondé sur un avis de droit établi par un avocat pour considérer que le modèle de financement de la société était licite. Notre Haute Cour affirme à cet égard qu’un tel avis de droit ne saurait justifier a priori une confiance légitime du recourant dans la licéité de son activité.

Dans ces circonstances, le Tribunal fédéral estime que la publication de l’interdiction d’exercer est justifiée et passe à l’analyse de la proportionnalité de la durée de cinq ans ordonnée par la FINMA.

Le Tribunal fédéral rappelle à cet égard que l’art. 34 al. 1 LFINMA est une disposition potestative conférant un large pouvoir d’appréciation à la FINMA. Il considère dans le cas d’espèce que la durée de cinq ans est proportionnée dans la mesure où elle correspond à celle prononcée dans des cas similaires. Une durée inférieure a certes été admise dans des cas où la personne concernée avait commis une faute individuelle de moindre importance, mais tel n’est pas le cas du recourant, qui a joué un rôle clé dans l’activité non autorisée et en a tiré un profit personnel considérable.

La décision de la FINMA est par conséquent confirmée.

Dans la pratique, le cas d’application le plus fréquent de l’art. 34 LFINMA est la publication, visant une personne physique déterminée, d’une interdiction d’exercer une activité soumise à autorisation sans disposer de l’autorisation nécessaire. D’ailleurs, les 21 décisions actuellement publiées sur le site internet de la FINMA concernent toutes des cas de ce type. Aucune décision visant une personne morale ne fait en l’état l’objet d’une telle publication.

La FINMA dispose cependant d’un autre instrument de « naming and shaming » indirect dont elle fait principalement usage à l’encontre des personnes morales. Il s’agit de l’art. 22 al. 2 LFINMA, qui permet à l’autorité de surveillance d’informer le public des procédures d’enforcement en nommant expressément la personne concernée même si elle n’a pas ordonné préalablement une publication selon l’art. 34 LFINMA (cf. à ce sujet Hirsch, cdbf.ch/1374/).

Si, jusqu’à ce jour, la FINMA a fait à juste titre preuve d’une certaine retenue dans ses communications en ne nommant que relativement rarement la personne visée, la pratique semble être en train d’évoluer. L’autorité appelle en effet depuis plusieurs années à davantage de possibilités de communication et semble considérer qu’à l’avenir, c’est bien l’absence de communication nominative qui devrait constituer l’exception. Il faut toutefois espérer que le principe de proportionnalité demeure le socle de toute décision de nommer expressément la personne concernée, aussi bien sous l’angle de l’art. 34 que de l’art. 22 al. 2 LFINMA.