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Le TF cautionne une interprétation économique des instructions sur les placements

Dans un environnement où l’ingénierie financière permet de transformer radicalement tous les instruments financiers en transférant et transformant les risques, comment faut-il comprendre des instructions relatives aux investissements permissibles ? Faut-il adopter une approche formaliste ou faut-il préférer une approche économique qui s’intéresse avant tout aux risques encourus ?
Dans un arrêt 4A.223/2007 du 30 août 2007, le Tribunal fédéral a donné la préférence à la seconde voie. Dans le cas d’espèce, le client avait mandaté un gérant de fortune et lui avait donné comme objectif de placement une croissance réelle à long terme avec un mélange équilibré de tous les instruments de placement. Oralement, il lui précisa qu’il ne souhaitait ni action cotée ni placement en dollars dans son portefeuille. Après quelques années, le gérant plaça le gros de la fortune dans des actions privilégiées d’une société dont l’avoir consistait essentiellement en notes d’une société tierce. Quatre ans plus tard, les actions de cette société ne valent plus rien et le client agit en réparation du dommage motif pris la violation des instructions.
Bien que les circonstances du cas aient été déterminantes et qu’une interprétation subjective du contrat était suffisante pour résoudre le litige, le Tribunal fédéral a tenu bon d’ajouter que des instructions selon lesquelles aucune action ou devise étrangère ne devait être achetée devait également, dans une interprétation objective selon le principe de la confiance, se comprendre comme signifiant seulement que le client ne voulait pas être exposés aux risques du marchés actions ou aux risques de change. Par conséquent, l’achat d’actions qui, économiquement, présentaient le même risque qu’un placement obligataire ne contredisait pas les instructions du client (c. 6.2.2).
Derrière un simple contentieux sur l’interprétation des instructions se cache un obiter dictum qui peut avoir une portée importante pour la pratique bancaire. En effet, au cours des vingt dernières années, les institutions financières sont devenues expertes dans le dépeçage et la transformation des risques : les dérivés, les produits structurés, les hedge funds poursuivant une stratégie « alpha », indépendante des mouvements du marchés, sans mentionner la titrisation, ne sont que des manifestations de ce phénomène plus large. En considérant que les instructions du client concernant les placements admissibles doivent être interprétées en considérant avant tout les risques économiques et non la forme juridique de l’investissement, il sera désormais dans une large mesure égal dans la perspective d’une fidèle exécution du mandat si le gérant a mise en œuvre sa stratégie par un investissement direct ou a plutôt utilisé un véhicule de placement ou un produit structuré. De même, cette approche invite à considérer le profil de risque du portefeuille et non celui des placements individuels. Ainsi, un investissement non conforme à la politique de placement peut soudain s’y conformer si le risque prohibé est couvert par le recours à un autre placement. La seule question qui reste alors ouverte est celle de savoir si les coûts de transaction restent proportionnés.