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Nouveau soubresaut dans l’affaire Quadrant

Calcul du prix minimum de l’offre

En date du 30 novembre 2010, la deuxième Cour du Tribunal administratif fédéral a rendu un arrêt B-5272/2009 très attendu, brisant un suspense long de 15 mois. Le TAF a partiellement admis le recours d’un actionnaire minoritaire, Sarasin Investmentfonds SA, annulé les décisions de la COPA (décision COPA 410/2 du 16 juin 2009) et de la FINMA (décision du Comité des offres publiques d’acquisition de la FINMA du 8 juillet 2009) et renvoyé la cause à la COPA pour nouvelle décision. L’arrêt du TAF est définitif et ne peut donc plus être attaqué par devant le Tribunal fédéral.
Le complexe de faits de cette affaire peut être résumé comme suit. Les administrateurs et principaux actionnaires de la société industrielle zurichoise Quadrant AG ont constitué Aquamit B.V., par apport en nature de leurs actions et options sur actions de Quadrant. Ils ont ensuite vendu 50 % de leur participation dans Aquamit au groupe japonais Mitsubishi Plastics Inc. Cette opération leur a permis de réaliser indirectement un prix de CHF 114.50 par action de Quadrant. Parallèlement, Quadrant et Aquamit ont conclu un transaction agreement en vue d’une offre publique d’acquisition sur les actions de Quadrant. Le 4 mai 2009, l’annonce préalable de l’offre a été publiée avec un prix fixé à CHF 86. Actionnaire minoritaire de Quadrant, Sarasin Investmentfonds a requis le 14 mai 2009 la qualité de partie à la procédure, après avoir prouvé détenir plus de 2 % des droits de vote de Quadrant (art. 33b al. 3 LVBM et 56 al. 3 OOPA). Par décision 410/01 du 29 mai 2009, la COPA jugea l’offre d’Aquamit conforme aux prescriptions sur les OPA. Mécontent du prix proposé de CHF 86, Sarasin s’opposa à la décision de la COPA, motif pris de la violation des règles sur le prix minimum, et requit une majoration de celui-ci. La COPA débouta l’actionnaire qualifié par décision 410/02 du 16 juin 2009, laquelle fut confirmée par le Comité des offres publiques d’acquisition de la FINMA le 8 juillet 2009. Sarasin forma recours au TAF le 19 août 2009.
L’arrêt du TAF est intéressant à plusieurs titres. Du point de vue formel, tant les intimés que les instances inférieures ont contesté la qualité pour recourir de la société d’investissements puisque cette dernière avait disposé au cours du délai de l’offre d’une part importante de sa participation dans Quadrant. Cet argument n’a pas trouvé grâce aux yeux du TAF. Ce dernier a considéré que la qualité pour recourir de Sarasin s’analysait exclusivement à la lumière des règles de l’art. 48 PA. Par conséquent, le fait que Sarasin ne remplissait plus à ce moment les conditions pour être partie selon l’art. 33b al. 3 LBVM était indifférent dans la mesure où cette dernière avait un intérêt à l’issue du litige.
Quant au fond, le TAF s’est penché sur la question du prix de l’offre (CHF 86) qui, selon la recourante, violait les règles sur le prix minimum. Cette dernière a fait valoir que le prix de l’acquisition préalable (CHF 114.50), supérieur de 24.9 % au prix de l’offre (CHF 86), ne reflétait pas la valeur d’autres avantages obtenus par les administrateurs.
En réponse à cet argument, le TAF relève qu’Aquamit a certes agi en qualité d’offrant au sens formel. En réalité, il convient de considérer Aquamit, Mitsubishi et les administrateurs de Quadrant comme un groupe agissant de concert. Le TAF juge par ailleurs que l’application des règles sur le prix minimum n’est pas subordonnée exclusivement à la conclusion de transactions avec des tiers, i.e. d’éventuels destinataires de l’offre, mais s’applique également à des transactions entre membres d’un même groupe. Le TAF en conclut, contrairement à la position statuée tant par la COPA que la FINMA, que l’acquisition indirecte d’actions Quadrant par Mitsubishi, via la vente de la moitié du capital d’Aquamit par les administrateurs de Quadrant, ne doit pas être exclue pour le calcul du prix minimum au sens de l’art. 32 al. 4 LBVM.
S’agissant du prix de l’offre, le TAF, de manière frustrante, se refuse à arrêter un chiffre. Il confirme qu’il existait en l’espèce des motifs permettant une correction du prix de l’acquisition préalable, en raison d’éventuelles prestations importantes (notamment les conditions de financement extrêmement avantageuses attribuées par Mitsubishi aux administrateurs, qui en tiraient directement profit pour moitié), outre les prestations principales échangées dans le cadre de l’acquisition préalable (art. 41 al. 4 OBVM-FINMA).
Le TAF renonce à exiger une expertise concernant les points litigieux relatifs à l’appréciation du prix et envoie la cause à la COPA pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Selon lui, et conformément aux autorités inférieures, la COPA est en droit de se fonder sur l’avis émis par l’organe de contrôle, à qui il reconnaît dans sa tâche un large pouvoir d’appréciation. L’organe de contrôle doit néanmoins délivrer une appréciation transparente, compréhensible et plausible, et ne peut se contenter d’évaluer globalement les prestations et contre-prestations qui caractérisent les différentes transactions de l’affaire. Le TAF engage l’organe de contrôle à revoir sa méthode de calcul et à évaluer individuellement chacune des prestations pertinentes pour le calcul du prix minimum de l’offre.
Cette affaire complexe démontre que le prix est, dans le système des OPA, le nerf de la guerre. Si le TAF a élagué le terrain, il n’en demeure pas moins qu’il n’a malheureusement pas délié le véritable nœud du problème, faute de s’être prononcé sur le prix des actions. Après avoir déjà occupé le devant de la scène de 2001 à 2006 (dans une procédure au terme de laquelle la COPA avait conclu que les trois principaux administrateurs de Quadrant formaient un groupe assujetti à l’obligation de présenter une offre, toutefois en l’occurrence au bénéfice d’une dérogation), le feuilleton Quadrant continue.