Placements collectifs
Le TF précise la notion d’appel au public
CDBF
Par un arrêt du 10 février 2011, le Tribunal fédéral (TF) a débouté la FINMA, qui avait recouru contre un jugement du Tribunal administratif fédéral (TAF) du 14 décembre 2009. La décision du TAF désormais confirmée par le TF précise la notion d’appel au public au sens de la Loi fédérale sur les placements collectifs de capitaux (LPPC). Contrairement à la position adoptée par la FINMA, le TF considère qu’une offre, qui s’adresse à un cercle restreint d’investisseurs, ne constitue pas un appel au public alors même que les personnes approchées ne sont pas des investisseurs qualifiés au sens de la LPCC.
La notion d’appel au public a une importance particulière dans le système de la LPCC. Seuls les placements collectifs étrangers distribués au public en Suisse ou à partir de la Suisse sont assujettis à la LPCC. Par ailleurs, toute personne qui distribue des parts d’un placement collectif par appel au public doit bénéficier d’une autorisation de la FINMA. En outre, un produit structuré ne peut être offert au public en Suisse ou à partir de la Suisse qu’aux conditions fixées par la LPCC. Dans la cause jugée par le TAF, puis par le TF, le recourant soutenait, contrairement à l’avis de la FINMA, qu’il n’avait pas fait d’appel au public pour des placements collectifs alors même qu’il avait approché quelques investisseurs non qualifiés.
La notion d’appel au public découle de l’article 3 LPCC. La première phrase de cette disposition prévoit que par appel au public, on entend la publicité « qui s’adresse au public ». La troisième phrase de l’article 3 LPPC, précise que la publicité qui s’adresse exclusivement à des investisseurs qualifiés n’est pas considérée comme un appel au public. Dans sa circulaire 2008/8 « appel au public – placements collectifs », la FINMA a souhaité concrétiser la notion d’appel au public. L’autorité de surveillance estime que tout appel qui ne s’adresse pas uniquement à des investisseurs qualifiés, est considéré comme public (cf. Cm 9 Circ.-FINMA 08/8). Cette interprétation de la notion d’appel au public basée sur la troisième phrase de l’article 3 LPCC a pour conséquence que tout appel fait à un seul investisseur non qualifié, doit être considéré comme public. Une telle interprétation réduit la portée de la première phrase de l’article 3 LPCC, qui comme indiqué, prévoit que l’appel au public se réfère à toute publicité, qui s’adresse au public.
Dans son arrêt du 10 février 2011, le TF procède à une interprétation historique, téléologique, grammaticale et systématique de l’article 3 LPCC et convient que la première phrase de cet article constitue le fondement de la notion d’appel au public. Le TF en conclut qu’un appel qui s’adresse à un cercle restreint d’investisseurs ne doit pas être considéré comme public. On se souviendra ici que la notion d’appel au public au sens de la Loi fédérale sur les fonds de placements à laquelle la LPCC a succédé, reposait déjà sur le concept de « cercle restreint ». Le TF rappelle par ailleurs que ce concept de « cercle restreint » comprend tant un élément quantitatif qu’un élément qualitatif, éléments qui doivent être appréciés de façon concrète dans chaque situation. En l’espèce, le recourant au TAF avait approché une quinzaine de personnes parmi ses parents et ses proches pour leur proposer un placement collectif. Le TF a considéré que l’offre en question avait été adressée à un cercle restreint de personnes et que le recourant au TAF n’avait dès lors pas enfreint la LPCC.
L’arrêt du 10 février 2011 apporte une clarification bienvenue sur une notion centrale de la réglementation suisse des placements collectifs. L’interprétation par la FINMA de la notion d’appel au public au sens de l’article 3 LPCC, selon laquelle toute offre adressée à un seul investisseur non qualifié était constitutive d’appel au public, était en effet critiquable. Si l’industrie financière peut se réjouir que le TF considère qu’une offre adressée à un cercle restreint de personnes ne constitue pas un appel au public, on regrettera, pour la sécurité du droit, que la pratique soit à nouveau confrontée au concept indéterminé du cercle restreint de personnes. Il nous apparaît dès lors essentiel que la notion d’appel au public et le concept du cercle restreint de personnes soient clairement précisés dans le cadre de la prochaine révision de la LPCC et de son ordonnance d’application. Incidemment, la LPCC et son ordonnance d’application devront être révisées afin de tenir compte des impacts de la Directive européenne sur les gestionnaires de fonds alternatifs (cf. actualité n° 718). Dans le cadre de cette révision législative, il conviendrait de fixer l’élément quantitatif du cercle restreint de personnes. Le chiffre de 20 retenu par la législation bancaire devrait s’imposer. Cette question de sécurité juridique doit sans aucun doute être résolue dans le cadre d’une modification de la LPCC ou de son ordonnance d’application et non dans une circulaire de la FINMA. Il découle en effet de la jurisprudence du 10 février 2011 que le TF n’est nullement lié par les circulaires de l’autorité de surveillance.