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Arrêt du TAF

Responsabilité de la Confédération dans l'affaire BCGe

L’Etat de Genève a été débouté, par arrêt du Tribunal administratif fédéral du 11 avril 2012 (A-7111/2010), de sa demande d’indemnisation à concurrence des montants déboursés dans le cadre de l’assainissement de la BCGe.
Par demande du 21 février 2002, déposée auprès du Département fédéral des finances (ci-après : DFF), l’Etat de Genève a actionné la Confédération en responsabilité pour le dommage que lui aurait causé l’ancienne Commission fédérale des banques (ci-après : CFB) dans le cadre de l’assainissement de la Banque cantonale de Genève (ci-après : BCGe). En substance, l’Etat de Genève reproche à la CFB d’avoir toléré que, de 1991 à 2000, la BCGe mène une activité bancaire déficitaire et ne constitue pas les provisions requises au vu des risques identifiés sur débiteurs douteux. La CFB aurait attendu que l’assainissement de la BCGe soit inéluctable, début 2000, pour exiger de l’Etat de Genève un refinancement d’urgence de la banque. Dans ce contexte, l’Etat de Genève aurait subi un dommage supérieur à CHF 2,5 milliards, correspondant au montant de la recapitalisation.
Après une suspension de l’instruction durant plus de sept ans en raison de procédures pénale et civile parallèles, l’instruction de la demande du 21 février 2002 a finalement été reprise le 19 août 2009 sur injonction du Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF).
Pour des motifs d’économie de procédure, le DFF a toutefois décidé de limiter l’examen de la demande à la question – décisive pour une éventuelle indemnisation – de savoir si les normes de surveillance bancaire prévues par la loi sur les banques étaient destinées à protéger l’Etat de Genève.
Par décision du 26 août 2010, le DFF a rejeté la demande en dommages-intérêts au motif que les normes de surveillance bancaire n’étaient pas destinées à protéger la banque, ses organes ou ses actionnaires, mais uniquement les créanciers de la banque et plus particulièrement les déposants. Selon le DFF, l’Etat de Genève était – en raison de sa qualité de fondateur et d’actionnaire majoritaire, avec les communes genevoises, de la BCGe – un organe de fait de la BCGe et devait, pour cette raison, être exclu du cercle de protection des normes de surveillance figurant dans la loi sur les banques.
L’Etat de Genève a recouru contre cette décision par acte du 29 septembre 2010 déposé auprès du TAF, au motif qu’il ne pouvait pas être assimilé à un organe de la BCGe et qu’il devait, en tant que garant des dépôts d’épargne et de prévoyance de la banque, bénéficier de la même protection que les déposants.
Par arrêt du 11 avril 2012, le TAF a confirmé la décision du DFF du 26 août 2010 refusant d’indemniser l’Etat de Genève pour les sommes versées dans le cadre de l’assainissement de la BCGe en 2000.
Dans son arrêt, le TAF rappelle tout d’abord que la loi sur les banques vise, principalement, à protéger les déposants contre le risque de perdre tout ou partie de leurs avoirs en cas d’insolvabilité de leur banque et, accessoirement, à assurer la stabilité du système bancaire suisse. Toutefois, seuls les créanciers appartenant au public « non averti », à l’exclusion de ceux qui sont (en théorie) en mesure de sauvegarder seuls leurs intérêts ou d’exercer une influence non négligeable sur la marche des affaires de la banque (tels les actionnaires détenant une participation qualifiée et les investisseurs institutionnels professionnels), sont protégés par la loi.
Dans l’examen des griefs invoqués par l’Etat de Genève, le TAF constate que le DFF a, à tort, qualifié l’Etat de Genève d’organe de fait de la BCGe. En effet, même si l’Etat de Genève a concouru à l’organisation de la banque et qu’il en est un actionnaire important, il n’est jamais intervenu directement dans la gestion de ses affaires et n’a pas participé à la prise de décisions excédant les simples affaires courantes – critère déterminant pour la qualification d’organe de fait.
Néanmoins, selon le TAF, même si l’Etat de Genève n’est pas un organe à proprement parler de la BCGe, il se trouve dans une situation bien différente de celle du public « non averti », car il dispose de possibilités de contrôle et d’influence sur la banque « en amont », dont les déposants sont dépourvus.
Sans trancher la question de savoir si les actionnaires des banques sont également protégés par la loi sur les banques, le TAF estime que l’Etat de Genève n’est de toute façon pas un actionnaire « ordinaire » de la BCGe, car il en détient plus d’un tiers des actions et des droits de vote et dispose, de ce fait, de possibilités d’information, d’influence et de blocage qui l’excluent d’emblée du champ d’application de la loi. L’Etat de Genève ne peut de ce fait pas se prévaloir de la violation des normes de surveillance bancaire pour obtenir la réparation du préjudice subi dans le cadre de l’assainissement de la BCGe.
Le mérite de cet arrêt est de préciser que les normes de surveillance bancaire ne protègent pas les cantons contre le risque de devoir un jour assainir leur banque cantonale, dont ils garantissent les dépôts d’épargne et de prévoyance. Les cantons ne sont par conséquent pas autorisés à agir en responsabilité contre la Confédération pour défaut de surveillance de la CFB.