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Retrocessions (suite mais pas fin)

La FINMA intervient

Suite à l’arrêt du Tribunal fédéral du 30 octobre 2012, qui a déjà fait l’objet d’un [commentaire précédent, la réaction de la FINMA ne s’est pas fait attendre. Dans une Communication 41/2012 du 26 novembre 2012, l’autorité de surveillance a attiré l’attention des banques et négociants sur cet arrêt et a déclaré que, bien qu’elle ne soit pas compétente pour trancher d’éventuels litiges de droit privé, elle considérait que le respect des obligations civiles faisait partie intégrante de la garantie d’une activité irréprochable.

Par conséquent, elle a fait savoir aux instituts surveillés qu’elle exigeait :

  • qu’ils tiennent compte immédiatement de l’arrêt du Tribunal fédéral dans le cadre de leurs activités courantes ;
  • qu’ils contactent les clients potentiellement concernés afin de les informer de l’arrêt ;
  • qu’ils indiquent aux clients à quel service ils peuvent s’adresser afin d’obtenir des renseignements complémentaires ;
  • qu’ils communiquent le montant des commissions perçues aux clients qui en font la demande.

A ce stade, certaines questions restent ouvertes : qui sont les « clients potentiellement concernés » ? Faut-il ainsi informer tous les clients en rapport avec lesquels les établissements ont perçu des commissions d’état ou est-ce que l’information doit s’adresser aux seuls clients qui n’auraient pas renoncé valablement à leur droit à la reddition de compte au sens de l’art. 400 CO ? Est-ce que les banques doivent informer tous les clients, seuls ceux qui ont conféré un mandat de gestion de fortune, sans informer les clients qui seraient dans une relation execution-only, voire ceux qui auraient sollicité les conseils de la banque ? Enfin, il reste à déterminer si les banques doivent aussi chercher à contacter les clients ayant fermé leur compte et dont l’adresse actuelle peut être incertaine.

En tout état de cause, les banques sont désormais clairement intimées à revoir leur documentation contractuelle et déterminer si elle est adéquate. Si elles devaient répondre par la négative, elles devraient, en plus de réviser leurs conditions générales, considérer la nécessité de constituer une provision pour refléter les prétentions potentielles de clients ou du moins mentionner ce fait dans l’annexe au bilan.

Dans ce contexte, la question de la prescription de l’action en reddition de compte jouera un rôle important. En effet, une controverse fait actuellement rage entre les auteurs qui argumentent que la prescription quinquennale à compter de la réception des rétrocessions s’applique et ceux qui estiment que l’action est sujette à un délai de prescription de dix ans à compter de la fin du mandat. Si cette dernière solution devait prévaloir, la période couverte par une action en reddition de compte engloberait une période antérieure à l’ATF 132 III 460, période à laquelle la plupart des conditions générales ne répondait pas aux exigences de la jurisprudence en la matière.

Par ailleurs, si la FINMA semble se limiter à requérir une information générale des clients, les établissements auraient, dans certaines circonstances, fort à profiter de franchir un pas supplémentaire et d’aborder la question dans le cadre d’un entretien personnalisé avec le client. Dans ce contexte, au-delà des mesures de formation interne des conseillers à la clientèle, les établissements devraient, pour satisfaire les attentes de la FINMA, prendre les devants et, dans la mesure du possible, s’atteler à chiffrer les montants en jeu.

En synthèse, la communication de la FINMA force les établissements à confronter le problème directement et de façon transparente à l’égard des clients.

Cette réaction forte a surpris de nombreux acteurs. Toutefois, elle n’est pas aussi inusuelle que certains semblent le penser. Certes, le droit de la surveillance helvétique n’oblige pas les établissements surveillés à mettre en place un processus efficace afin de gérer les plaintes des clients. En revanche, la mesure préconisée par la FINMA reprend dans une large mesure le principe général énoncé par l’art. 10 de la directive MiFID de niveau 2, qui requiert que les instituts établissent, implémentent et maintiennent des procédures efficaces et transparentes afin de gérer rapidement et raisonnablement les plaintes de clients de détail.

Au demeurant, la FINMA a, de par le passé, souvent eu l’occasion d’affirmer qu’une violation d’obligations de droit privé pouvait aller à l’encontre de la garantie d’une activité irréprochable. C’est ainsi qu’elle a réagi aux cas de front running et de cours-coupés bien avant que le droit de la surveillance ne prévoie des règles de conduite pour les négociants. Dans l’affaire Biber, elle a même ordonné aux banques impliquées de mettre sur pied un fond destiné à indemniser les clients victimes d’un cas d’abus de marché, ce qui a fait sourciller le Tribunal fédéral (voir Bull. CFB. 40 (2000) 37, c. 9d).

Néanmoins, la mesure ordonnée par la FINMA est d’une ampleur sans précédent. Dans les autres cas, l’autorité s’était limitée à agir contre des acteurs ayant commis une violation. Désormais, elle s’adresse à tous les établissements et exige qu’ils agissent de façon proactive en informant les clients potentiellement concernés de leurs droits. Dans cette optique, il s’agit peut-être d’un aperçu des ambitions de l’autorité de surveillance en matière de protection des investisseurs sous l’égide de la loi sur les services financiers qui est actuellement en préparation au sein de l’administration.

En prenant un peu plus de recul, force est de constater que l’avenir des rétrocessions n’est pas rose. Sur le plan international, elles sont remises en cause par le Royaume-Uni, qui les prohibera dans certaines circonstances dès le 30 décembre 2012, et par l’Union Européenne, qui dans le cadre du projet de MiFID II entend également les interdire dans le contexte du conseil en placement et de la gestion de fortune. Il reste à voir si, en Suisse, les tribunaux, la FINMA ou le parlement leur emboîteront le pas. Ainsi, ce cinquième acte ne sera pas le dernier de la saga des rétrocessions.