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Assainissement des banques internationales d’importance systémique

Coordination des pratiques américaines et britanniques au niveau international

Le 10 décembre 2012, la Federal Deposit Insurance Corporation (ci-après « FDIC ») et la Bank of England (ci-après « BoE ») ont publié un rapport commun concernant la coordination de leurs pratiques d’assainissement des banques internationales d’importance systémique, qui sont actives sur leur territoire. Le rapport est le résultat d’une longue procédure de dialogue entre les deux autorités, qui procèdent actuellement à la mise en place des propositions formulées par le Conseil de stabilité financière dans ses « Key Attributes of Effective Resolution Regimes for Financial Institutions » à la fin de l’année 2011. Le vice-gouverneur de la BoE, Paul Tucker, a souligné que « the too big to fail issue must be cured ; we believe it can be and that this joint paper provides evidence of the serious progress that is being made  ».
Il faut rappeler que, suite à la crise bancaire en 2008, ces deux autorités ont été parmi les premières à réagir afin de mettre en place des législations crédibles, qui permettraient une intervention rapide des autorités afin d’assainir ou de liquider de manière ordonnée les banques d’importance systémique (bank resolution). Ainsi, les Etats-Unis ont introduit le Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act, qui, dans son Titre II, prévoit des pouvoirs étendus de la FDIC en matière d’assainissement et de liquidation de banques d’investissement et de sociétés holding exerçant des activités bancaires. Par ailleurs, le Royaume-Uni a mis en place, avec l’introduction du Banking Act en 2009, un régime spécial pour le traitement des crises financières au sein de ces banques, qui est le fondement de son Special Resolution Regime.
Dans leur rapport commun, les deux autorités décrivent leurs scénarios pour la gestion d’une crise majeure au sein d’une de leurs banques internationales d’importance systémique. Les approches choisies préconisent une intervention isolée exclusivement au niveau de la société holding d’un groupe bancaire (top down and single point of entry resolution strategy).
La FDIC, en tant que receiver pendant une crise bancaire, favorise la création d’une banque-relai, qui sera exclusivement contrôlée par elle-même. D’ailleurs, elle pourra imposer des pertes aux actionnaires ainsi qu’un haircut ou une conversion des dettes en equity à certaines catégories des créanciers, afin de capitaliser cette banque-relai. Au stade ultime, le rapport prévoit une acquisition de la banque-relai par un ou plusieurs établissements bancaires privés.
La BoE, pour sa part, propose d’abord une recapitalisation de la holding sur la base d’une administration par un trustee. Ce dernier pourrait infliger des pertes aux actionnaires existants ainsi que mettre en place des pratiques de bail-in (conversion des dettes en equity) pour certains créanciers. Comme les banques britanniques ne semblent pas disposer de dettes suffisantes au niveau de la holding pour l’application d’une telle procédure de bail-in, le rapport prévoit aussi une possible contribution du fonds de protection des déposants (jusqu’à la somme que ce dernier serait contraint de verser aux déposants en cas de liquidation) à la recapitalisation. Une fois la recapitalisation effectuée, une procédure de restructuration profonde serait envisageable.
Tant l’approche américaine que l’approche britannique envisage de démettre les organes de la banque de leurs fonctions, de respecter le droit des déposants aux renseignements afin d’éviter un bank run, d’imposer un ajournement temporaire à l’exercice des droits de résiliation des contrats et de garantir un flux constant d’informations entre la FDIC et la BoE. Selon la conclusion du rapport, l’assainissement rapide entrepris exclusivement au niveau de la holding n’empêcherait pas le fonctionnement ordonné des filiales ou des succursales du groupe, qui seraient, malgré la crise, encore solvables.
La FDIC et la BoE soulignent que la coordination des procédures d’assainissement entre elles serait facilitée par le développement des resolution plans crédibles et opérationnels. Les établissements bancaires d’importance systémique actifs sur le territoire américain, et parmi eux Crédit Suisse et UBS, ont déjà soumis leurs plans respectifs aux autorités américaines (dont les parties non-confidentielles restent disponibles sur le site de la FDIC).
Malgré quelques critiques concernant ce rapprochement entre les deux côtés de l’Atlantique, au moment où la discussion en Europe pour une directive établissant des standards communs de stabilisation et d’assainissement bancaire est en pleine ébullition, nous saluons cette initiative de la FDIC et de la BoE. Cet exemple pourrait être démonstratif d’une nouvelle ère de coordination entre autorités afin de mieux accomplir leurs tâches au sein des Crisis Management Groups déjà créés pour tous les groupes bancaires internationaux d’importance systémique. En revanche, les attentes des deux autorités pour une procédure simplifiée d’assainissement et isolée au niveau de la holding sans interruption significative des activités du groupe pourraient s’avérer fallacieuses et problématiques, surtout en tenant compte de l’interdépendance profonde actuelle entre les différentes entités des groupes bancaires internationaux (comme c’était p.ex. le cas avec Lehman Brothers en 2008).