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Avant-projets LSFIN, LEFIN et LIMF

Quelles répercussions sur la réglementation des placements collectifs de capitaux ?

La mise en consultation des avant-projets de la Loi fédérale sur les services financiers (LSFIN) et de la Loi fédérale sur les établissements financiers (LEFIN) le 27 juin 2014 soulève d’ores et déjà de nombreuses questions. On pensera notamment à la question de l’impact de ces projets sur la réglementation des placements collectifs de capitaux.

D’un point de vue formel, les avant-projets de la LSFIN et de la LEFIN introduisent d’importantes modifications à la Loi fédérale sur les placements collectifs de capitaux (LPCC). Les avant-projets prévoient non seulement des modifications de nombreuses dispositions de la LPCC, mais aussi le déplacement de dispositions de la LPCC dans la LSFIN et la LEFIN. Il est également prévu d’introduire de nouvelles dispositions en matière de gestion collective tant dans la LSFIN que dans la LEFIN. L’industrie de la gestion collective, qui s’était habituée à être essentiellement régie par des règles autonomes, soit la LPCC et ses ordonnances d’application, devra à l’avenir appréhender des règles plus complexes, ancrées tant dans la LPCC que dans la LSFIN et la LEFIN.

D’un point de vue matériel, le régime de protection des investisseurs de la LPCC de 2006, telle que modifiée en 2012, repose largement sur une catégorisation entre investisseurs qualifiés et non qualifiés. La notion d’investisseurs qualifiés de la LPCC devrait à l’avenir être calquée sur celle de « clients professionnels » au sens de l’avant-projet de la LSFIN. On précisera que la clientèle gérée, qui bénéficie du statut d’« investisseur qualifié » selon la LPCC (cf. art. 10 al. 3ter LPCC), ne devrait pas être considérée comme un client professionnel au sens de l’avant-projet de la LSFIN. Incidemment, cet avant-projet introduit un mécanisme général d’opting-out et d’opting-in, largement repris de la LPCC.

Sous l’angle des acteurs suisses de la gestion collective, l’avant-projet de la LEFIN reprend la réglementation des directions de fonds et des gestionnaires de placements collectifs qui, avec les gestionnaires d’institutions de prévoyance, constitueront à l’avenir les gestionnaires de fortune qualifiés. La LEFIN devrait ainsi réduire le champ d’application de la LPCC aux produits de placements collectifs, sous réserve des dispositions de la LPCC relatives à la réglementation de la banque dépositaire. Aux termes de l’avant-projet, la LEFIN devrait par ailleurs supprimer l’obligation pour les distributeurs suisses de placements collectifs d’obtenir une autorisation de la FINMA. Cette modification nous apparaît bien fondée dans la mesure où les distributeurs ne font aujourd’hui l’objet d’aucune surveillance prudentielle. À l’avenir, les conseillers à la clientèle seront par ailleurs soumis, d’après l’avant-projet de la LSFIN, à une obligation d’enregistrement. Quant aux distributeurs étrangers, ils devraient, selon l’avant-projet de la LSFIN, être soumis à une obligation d’enregistrement (cf. art. 34 avant-projet LSFin et rapport explicatif p. 54 ad art. 29 avant-projet LSFINrelatif à l’obligation d’enregistrement de tout conseiller à la clientèle exerçant en Suisse).

L’avant-projet de la LEFIN reprend et développe la réglementation existante des présences suisses des acteurs étrangers de la gestion collective, et en particulier les dispositions de l’Ordonnance sur les placements collectifs de capitaux (OPCC) sur les succursales de gestionnaires étrangers de placements collectifs. L’article 75 de l’avant-projet de la LEFIN introduit un nouveau critère d’autorisation pour l’ouverture de succursales, à savoir une exigence de réciprocité. Il est en outre à craindre que la reprise à l’article 77 de l’avant-projet de la LEFIN de l’article 29b al. 4 OPCC relatif à la fourniture de garanties conduise la FINMA à maintenir sa pratique restrictive en matière d’autorisations de succursales suisses de gestionnaires de placements collectifs étrangers (cf. notamment rapport annuel FINMA 2012, p. 33). Si l’article 77 de l’avant-projet de la LEFIN devait être adopté par l’Assemblée fédérale, la fourniture de garanties s’appliquerait à tous les gestionnaires de fortune (qualifiés ou non). L’avant-projet de la LEFIN aborde par ailleurs la question des représentations suisses des acteurs étrangers de la gestion collective. L’article 79 al. 3 de l’avant-projet de la LEFIN interdit aux directions étrangères d’ouvrir une représentation en Suisse. Le rapport explicatif étend cette interdiction aux gestionnaires étrangers (cf. rapport explicatif p. 136 ad art. 79 avant-projet LEFIN). Une telle interdiction nous apparaît contestable au regard du rôle limité des représentants et de la future obligation d’enregistrement des conseillers prévue par l’avant-projet de la LSFIN.

Quant aux règles de conduite, on relèvera que les obligations d’établir des documents et de rendre des comptes prévues par les articles 15 et 16 de l’avant-projet de la LSFIN constituent une obligation d’inventaire renforcée. Il est dès lors prévu d’abroger l’article 24 al. 3 LPCC sur le devoir d’inventaire, disposition critiquée qui avait été introduite à l’issue des débats parlementaires relatifs à la révision partielle de la LPCC en 2012. L’article 6 al. 3 de l’avant-projet de la LSFIN prévoit en outre que les règles de conduite plus rigoureuses prévues dans d’autres lois sur les marchés financiers sont réservées. Le rapport explicatif précise que les règles de conduite applicables aux titulaires d’une autorisation selon la LPCC doivent primer sur les règles de conduite de la LSFIN (cf. rapport explicatif pp. 42-43 ad art. 6 al. 3 avant-projet LSFIN). La future coexistence des règles de conduite de l’article 20 LPCC et des règles de conduite de la LSFIN soulèvera à l’évidence des questions délicates d’interprétation. On soulignera notamment que les règles de conduite prévues par l’avant-projet de la LSFIN s’appliqueront aux prestataires étrangers de services financiers (cf. art. 36 al. 2 avant-projet LSFIN), alors que les règles de conduite de l’article 20 LPCC n’ont, en principe, pas vocation à une application extraterritoriale.

L’avant-projet de la LSFIN entend par ailleurs abroger l’article 5 LPCC relatif aux produits structurés. Cette disposition est pour l’essentiel reprise à l’article 70 de l’avant-projet de la LSFIN, étant précisé que le prospectus simplifié sera remplacé par la feuille d’information de base au sens de l’article 58 de l’avant-projet de la LSFIN. Contrairement au régime actuel, l’offre publique de produits structurés devra également faire l’objet d’un prospectus.

L’avant-projet de la LSFIN prévoit par ailleurs une obligation générale de publier un prospectus pour les instruments financiers. À l’instar du régime actuel prévu par la LPCC, les parts de placements collectifs, en tant qu’instruments financiers, seront toujours soumises à l’obligation de publier un prospectus. Les prospectus de placements collectifs devraient être régis par des dispositions particulières de la LSFIN (cf. art. 49 à 51 avant-projet LSFIN), qui en substance reprennent les dispositions de la LPCC.

Les différents acteurs de la gestion collective ainsi que les placements collectifs devraient à l’avenir être non seulement régis par la LPCC mais également par les dispositions générales et spéciales de la LSFIN et de la LEFIN. Ces dispositions réduiront substantiellement le champ d’application de la LPCC et de ses ordonnances d’exécution. La coexistence de la LPCC et des LSFIN/LEFIN engendrera de nombreuses questions d’interprétation susceptibles de nuire à la sécurité du droit. Dans ce contexte, on doit se demander si à l’instar des lois sur les banques et les bourses, la LPCC ne devrait pas être intégralement transférée dans la LSFIN et la LEFIN. Ces nouvelles lois ont en effet vocation à régir tant l’offre d’instruments financiers (y compris les parts de placements collectifs) que les établissements financiers (y compris les acteurs de la gestion collective). Une approche, peut-être moins ambitieuse, serait de reconsidérer la proposition du DFF de régir dans une même loi, la LEFIN, des acteurs aussi divers que les banques, les gérants de fortune et les directions de fonds.